FGTB: "Nous allons former une guérilla permanente contre la suédoise"
Le nouveau n°2 de la FGTB, Marc Goblet, prévient la coalition suédoise et les patrons d’entreprises.
Publié le 09-10-2014 à 14h05 - Mis à jour le 09-10-2014 à 15h11
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Le nouveau n°2 de la FGTB, Marc Goblet, prévient la coalition suédoise et les patrons d’entreprises.
Intronisé ce vendredi 3 octobre nouveau secrétaire général du syndicat rouge, le Hervien Marc Goblet digère mal les mesures envisagées par les négociateurs.
Que pensez-vous de la pension à 66 ans en 2025 et 67 ans en 2030 ?
“Que l’on crée d’abord les conditions pour que les gens puissent travailler jusqu’à l’âge légal. Plutôt que d’accorder des réductions de cotisations patronales sans contrepartie en termes d’embauches, qu’on permette à des travailleurs âgés d’adapter leur rythme parce qu’ils effectuent des travaux pénibles, tout en continuant à transmettre leur savoir à des plus jeunes. C’est en ça que c’est un gouvernement d’ultra-droite : il n’y a pas de logique de créer des conditions meilleures et de prise en compte d’une situation correcte en terme d’organisation et de conditions de travail pour les travailleurs. En plus, on est dans un système totalement injuste où les revenus du travail sont taxés en moyenne entre 35 et 45 %, les revenus immobiliers entre 0 et 25 % et les revenus mobiliers à moins de 3 %. Une manière juste serait de globaliser les revenus comme avant 1983 et de les taxer tous d’une manière progressive, de manière que chacun contribue à la hauteur exacte de ses capacités.”
Êtes-vous prêt à dialoguer avec la coalition suédoise ?
“Si on doit passer cinq années avec eux, je suis sûr d’une chose, c’est que le modèle social va être totalement remis en cause : les services publics, la sécurité sociale, les libertés syndicales, le rôle des piliers comme les mutuelles et les syndicats, la concertation sociale autour des salaires me permettent de dire que c’est un gouvernement avec lequel il ne va pas être possible de trouver des accords. J’ai la certitude que ce gouvernement ne permettra jamais d’atteindre nos objectifs. Ce gouvernement doit partir au plus vite, même avant qu’il ne soit installé. Ils prennent ces décisions sans même nous demander notre avis. Charles Michel ne nous a rencontrés qu’une seule fois, fin juin, alors qu’il était encore formateur. Depuis plus rien. C’est ça leur vision de la concertation sociale !”
Quel est votre plan de bataille pour les jours et les semaines à venir ?
“On va être dans quelque chose de long. Mais on va devoir très vite informer et sensibiliser. Les actions qu’on entreprendra seront fonction des mesures prises mais on ne va pas faire une grande manifestation, un jour de grève puis plus rien. Ça n’a aucun sens ! On doit avoir une forme de guérilla permanente avec des pressions populaires. Toutes les formes de sensibilisation peuvent être envisagées : des rencontres avec les gens dans la rue, la distribution de tracts dans les lieux publics. Il y a tout un travail de sensibilisation, de pédagogie et d’information à faire car les travailleurs ne savent plus pourquoi ils cotisent.”
Qu’allez-vous leur dire ?
“Il faut rappeler aux gens que la sécurité sociale repose sur un deal passé en 1944. À cette époque, les travailleurs ont dit aux patrons : “Vous ne me donnez pas tout mon salaire, vous en gardez une partie que vous mettez dans un système collectif pour m’assurer en cas de perte d’emploi, pour ma pension, pour mes soins de santé, pour me couvrir en cas de maladie, d’accident”. Ce sont des salaires différés ! C’est l’argent des travailleurs ! Et aujourd’hui, on parle de cela comme de charges. La coalition dit que, pour assurer la compétitivité des entreprises, il faut réduire le coût du travail donc les cotisations patronales. Mais ça veut dire transférer l’argent de la collectivité dans les poches du capital !”
Et si cette sensibilisation ne suffit pas ?
“S’il le faut, on passera au stade supérieur. On doit organiser tout ça en front commun syndical et mobiliser toutes les forces progressistes. Il ne faut pas se limiter à la base syndicale. Tous les citoyens sont concernés. Il ne faut écarter personne qui se réclame progressiste ou de gauche car on doit créer un courant populaire pour dire qu’on veut un autre modèle de société que celui qu’on nous présente. C’est indispensable.”
Vous êtes plus confiant dans le dialogue avec les patrons ?
“On doit voir s’ils veulent une vraie concertation ou une concertation de façade. On ira vérifier chez leurs mandants dans les entreprises s’ils sont d’accord avec l’attitude politique et idéologique de leur fédération [la FEB]. Il faut faire comprendre au patronat que s’il ne veut pas d’une vraie concertation, il risque une rupture de la paix sociale. Moi, je suis pour la concertation. Je ne suis pas un gréviculteur. J’ai géré des tas de fermetures, de restructurations sans qu’il n’y ai jamais un jour de grève parce que j’avais en face de moi des interlocuteurs qui cherchaient aussi des solutions. Parfois, il faut éviter de tomber dans le piège de l’émotionnel. Mais quand il le faut et qu’on a en face de nous des gens qui ne respectent pas les travailleurs, notre devoir c’est de créer un rapport de force et de faire tout ce qu’il y a lieu de faire en termes d’actions pour faire respecter les travailleurs. Mais on sait que si on se limite aux entreprises, ce ne sera pas suffisant. Il faut que cela soit beaucoup plus large que seulement les travailleurs.”
Vous aurez la même détermination en Wallonie, où votre partenaire socialiste est au pouvoir ?
“Si le gouvernement wallon, la fédération Wallonie-Bruxelles, le gouvernement bruxellois devaient prendre des mesures qui iraient contre les intérêts des travailleurs ou des services publics, les réactions seraient les mêmes qu’au fédéral. Nous sommes dans l’indépendance syndicale totale : ce n’est pas le parti qui dicte nos lignes de conduite. Mais on doit aussi savoir qu’on a besoin d’un relais politique et, jusqu’à preuve du contraire, là où on peut se faire entendre, c’est encore au PS.”