Les vrais chiffres des adhésions aux partis politiques: le PTB au top, le PS fait flop (INFOGRAPHIES)
Le nombre de membres des partis s’érode inexorablement. Mais pas forcément pour les raisons que l’on croit. Analyse, chiffres et témoignages.
Publié le 02-03-2016 à 21h41 - Mis à jour le 03-03-2016 à 09h59
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Le nombre de membres des partis s’érode inexorablement. Mais pas forcément pour les raisons que l’on croit. En 2012, on comptait 388.573 Belges membres d’un parti, en ordre de cotisation, selon les statistiques récoltées par le Cevipol (Centre d’étude de la vie politique de l’ULB). Soit environ un Belge sur vingt en âge de voter. Cela peut paraître beaucoup. C’est en réalité très peu en comparaison des 654.762 personnes encartées en… 1987.
Plus en détail, le FDF comptait 9.639 membres l’an passé, Ecolo environ 6.515 membres (mais un peu plus de 13.00 sympathisants au total, membres compris), le MR affiche quant à lui 35.000 membres et sympathisants (mais 23.500 membres en ordre de cotisation en 2013), le CDH 16.038 (12.088 en 2011) tandis qu’au PS, on tourne autour des 90.000, champion toutes catégories en Belgique.
Chez les plus petits , le PP grimpe à 3.000 et le PTB GO ! affichait 9.922 membres au mois de février, contre 3.000 en 2005. Au fil des ans et des scrutins, on note de fortes évolutions. À l’approche d’une élection, le nombre de membres des partis tend à croître, plus encore au lendemain d’une victoire. A contrario, une lourde défaite engendre systématiquement une fuite des militants.
Ces dernières années, cependant, le nombre de membres subit une érosion sans faille, sauf pour les plus jeunes partis tels que le Parti Populaire, le PTB Go ! ou la N-VA (voir infographies). Les causes de cette baisse d’implication politique sont plurielles. "Le désintérêt des citoyens pour la chose politique", n’explique pas tout, avance Emilie van Haute, directrice-adjointe du Cevipol et spécialiste de la question. "Jusque dans les années ‘90, les sections locales gonflaient leurs chiffres, payaient parfois des faux membres de leur poche pour pouvoir être représentés aux congrès nationaux. Aujourd’hui, plus aucun parti ne fonctionne comme cela excepté le SP.A."
Un autre facteur a trait à la gestion interne du fichiers membres. "On constate que ce sont les deux grandes familles politiques - les anciens partis de masse - qui perdent le plus : la famille socialiste et la famille démocrate-chrétienne."
Pourquoi ? Une désaffection idéologique de certains militants, certes. "Le lien entre les syndicats, les organisations socio-culturelles et un parti politique est moins automatique qu’avant", poursuit Emilie Van Haute. Le phénomène s’explique aussi par la gestion souvent archaïque des banques de données. "Avant, les sections locales envoyaient leurs listes manuscrites au siège, les mises à jour dépendaient de l’intérêt ou des capacités de l’équipe en charge des membres, etc. Aujourd’hui, il suffit d’actualiser et de partager des fichiers Excell…"
De même, jusqu’à une certaine époque, il arrivait qu’un militant affilie toute sa famille - enfants compris - au parti qu’il soutient. "Aujourd’hui, le système est mieux régulé et respecté. Cela se ressent forcément dans les statistiques."
Des méthodes aujourd’hui révolues qui permettent d’avoir une vue bien plus juste sur l’état du militantisme en Belgique.


La chasse aux (jeunes) militants est ouverte
Campagnes interactives, Ecolabs… Les partis en font des tonnes pour attirer des membres
Adhérer à un parti politique ne coûte ni ne rapporte beaucoup d’argent. Les partis courent pourtant après les militants et pas seulement lors des campagnes électorales. Chez Ecolo - qui a perdu 400 militants suite à la débâcle électorale de 2014 -, l’objectif pour cette année "est de renforcer la part des plus jeunes dans le parti et de faciliter le système d’adhésion", nous confie son porte-parole, Pascal Devos. Pour récupérer ces fuyards, Ecolo compte sur une remise à jour complète des cotisations et sur ces écolabs - des débats interactifs sur des dossiers d’actualité - dont le but est, entre autres, "de donner envie aux gens de nous rejoindre afin d’apporter leur pierre dans la construction de nos propositions politiques".
Au FDF aussi, on cherche à rajeunir les équipes. Et le changement de nom semble avoir déjà porté ses fruits : 328 nouvelles adhésions dans le mois qui a suivi le lancement de Défi selon les chiffres du parti. "Dans les années 60-70, le FDF a connu une génération très fidèle au parti mais elle s’éteint tout doucement. Mais on a constaté un vrai rajeunissement du parti depuis le changement de nom", commente le président de Défi, Olivier Maingain. Une campagne de recrutement "au sens large du terme" va d’ailleurs démarrer à Pâques. "Il s’agit de quelque chose de complètement nouveau, créatif, imaginatif et 100 % participatif", poursuit le Woluwéen qui compte bien gonfler encore un peu plus son paquet de membres grâce à cette campagne. Au Parti populaire, on s’enorgueillit d’attirer entre 80 et 100 membres chaque mois, surtout grâce aux publications sur les réseaux sociaux et le journal du parti ou grâce aux vidéos du président Modrikamen. La dernière a ainsi été visionnée plus de 400.000 fois.
Sur un plan financier, ces membres apportent pourtant peu aux partis politiques. 30 euros la cotisation annuelle chez Ecolo (avec divers tarifs dégressifs dont un produit d’appel à 10 euros pour une première cotisation), 20 euros au PP (+ tarifs dégressifs), entre 15 et 25 euros au MR, 20 euros au PTB, de 4 à 25 euros au cdH, de 12 à 24 euros au PS. Des petits montants qui, même mis bout à bout, représentent moins de 5 % du budget d’un parti : 5,36 % du budget du PS en 2012, 2,17 % au cdH ou 4,28 % au MR pour ne citer que ces trois exemples.
TEMOIGNAGES
Paul (PP): convaincu par l’expérience positive de son frère

Coach de vie dans une couveuse d’entreprises baptisée Le Sace, à Charleroi, Paul Blanquet (39 ans) n’a jamais adhéré à un parti. Il a franchi le pas il y a deux ans. Au Parti populaire plus précisément. "Ce qui m’a séduit ? Les idées du parti, son programme est en parfaite corrélation avec mes idées. C’est le seul parti de rupture francophone." Dans sa famille, la politique était un sujet de conversation central. Lui s’y intéresse d’ailleurs depuis ses douze ans. Mais c’est son frère, déjà membre au PP, qui achèvera de le convaincre. "Mon frère m’a fait part de son expérience positive au PP. Alors, j’ai pris ma carte." Concrètement, Paul suit les débats du parti, assiste aux réunions provinciales, distribue des journaux et des flyers lorsqu’il en a le temps. En clair : "faire entendre la voix du parti au plus grand nombre de personnes". Un vrai job de militant au service d’un parti qu’il réfute être raciste. "Je ne serais jamais allé au PP si c’était un parti raciste ou xénophobe."
Violette (Ecolo): "On est une famille Ecolo"

Violette Leclercq baigne dans la politique depuis qu’elle est toute petite. Sa mère est membre Ecolo, active dans sa commune. Elle figurait même sur les listes électorales en 2004. Son père et son frère affichent eux aussi leur idéologie écologique sans pour autant militer activement. C’est logiquement que Violette a pris sa carte du parti dès qu’elle a pu. "Je l’ai depuis mes 18 ans et je cotise. On est une famille Ecolo", explique cette étudiante (master en romanes à l’ULB) également impliquée au bureau fédéral d’Ecolo J (J pour jeunes). "J’étais sur les listes communales à Bernissart en 2012 puis sur les listes en 2013 dans la région Picardie. En fait, il manquait des candidats sur la liste aux communales. Mon frère n’a pas voulu se présenter. Moi bien. Je me disais que ça me ferait une petite expérience. C’est Saskia Bricmont qui m’a contactée pour les régionales de 2013."
Giuseppe (PTB Go): huit ans pour passer du PS au PTB

Ouvrier polyvalent dans la sidérurgie liégeoise depuis toujours, Giuseppe Torregrossa, 55 ans, a très longtemps milité pour le PS. Lors des manifestations et piquets de grève, il croisait régulièrement Hubert Hedebouw (le père de Raoul). “Toute ma vie a été un combat aux côtés du PS qui, à l’époque, défendait un socialisme idéal.” L’an passé, Giuseppe a pourtant pris sa carte du PTB BO ! “En réalité, cela faisait huit ans que je votais pour le PTB. J’ai franchi le pas l’année dernière car je suis prépensionné, j’ai plus de temps”, commente ce syndicaliste dans l’âme. Ce qui l’a définitivement motivé ? “Beaucoup de choses : les histoires de corruption à Charleroi, l’affaire Agusta, sans oublier le fait que ce parti ne représente plus les valeurs socialistes comme je les entends. Mais j’ai définitivement franchi le pas lors de la fermeture de la phase à chaud d’Arcelor Mittal. On a vu les militants du PTB avec nous, pas ceux du PS. Avec le PTB, j’ai retrouvé des idées de gauche. Celles du PS d’il y a 25-30 ans d’ici. Au PS, ils nous supportaient mais dans le dos, ils nous enterraient. Je n’ai pas retrouvé cette solidarité qui doit être la force d’un parti qui se dit socialiste.” Aujourd’hui, Giuseppe distribue des flyers à l’entrée des usines de façon régulière. “J’étais à la manifestation place de la Monnaie à Bruxelles dimanche dernier et je fais aussi partie du comité régional”. Quasi un temps plein…