“On va payer plus cher une électricité plus sale” : Marie-Christine Marghem sceptique à propos du pari de l'électrification des voitures de société
L’ex-ministre de l’Énergie évoque "l’hypocrisie du gouvernement" à propos des véhicules électriques.
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Publié le 19-05-2021 à 19h30 - Mis à jour le 20-05-2021 à 10h03
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Selon les vœux du gouvernement, toutes les nouvelles voitures de leasing devront être propulsées à l’électricité à partir de 2026. Dans cinq ans, ce sont pas moins de 600 000 véhicules de société qui seront mus par ce biais. Avec une question qui reste en suspens : la Belgique aura-t-elle une infrastructure électrique suffisamment développée pour y arriver ? Si la ministre de l’Énergie Tinne Van der Straeten assure que oui, sa prédécesseure Marie-Christine Marghem (MR) se dit plus sceptique. "Il ne sera possible d’accueillir ces 600 000 véhicules électriques (VE) que si on développe un réseau de distribution suffisamment intelligent, flexible et abordable" , assure celle qui s’exprime ici en tant que présidente du Mouvement citoyen pour le changement (MCC). "Un réseau qui sera capable d’assumer des charges importantes d’électricité pour absorber la demande et d’être aussi en mesure d’indiquer à celui qui veut recharger son véhicule qu’il est plus intéressant de le faire plus tard. Or, on est loin du compte : les gestionnaires de réseau doivent, dans un délai très court, augmenter leur capacité par un plan d’investissement pluriannuel dont je n’ai pas encore vu la moindre trace."
Les différentes régions envisagent 15 000 bornes en plus d’ici 2026. On arriverait à près de 30 000. Trop peu ?
"Ce sera insuffisant pour couvrir l’ensemble du territoire. Pour compenser ce déficit d’investissement, le gouvernement veut inciter les particuliers à installer des bornes privées chez eux. Mais cela coûte très cher. Or, tout le monde n’a pas les moyens d’installer une borne à 3 500 € chez lui. Il faut aussi penser à ceux qui vivent en appartement et qui ne pourront pas installer de telles bornes. Enfin, les locataires ne pourront pas non plus imposer à leurs propriétaires d’en installer."
Côté production d’électricité, cela ne risque-t-il pas de poser problème ? Notamment avec l’arrêt du nucléaire en 2025…
"600 000 VE, cela consomme l’équivalent de la production d’une demi-centrale nucléaire. Il faudra donc, en 2026, produire l’équivalent d’une demi-centrale en plus de ce qu’on produit actuellement, mais sans ces mêmes centrales. Il faudra compenser cette perte de production."
Cela passera par la création de centrales à gaz…
"Oui et c’est une hypocrisie phénoménale du gouvernement. On fait semblant de diminuer la présence de CO2 dans l’atmosphère en verdissant la flotte de voitures de société qui, elles, seront branchées sur de l’électricité produite par des centrales à gaz qui émettent nettement plus de CO2 (NdlR : 490 g/Kwh) que les centrales nucléaires (NdlR : 12 g/Kwh). On fait donc croire aux gens qu’ils rouleront vert mais l’électricité produite sera en réalité beaucoup plus sale. Et je ne parle même pas de l’exploitation sociale en Chine et au Congo."
L’arrêt de 600 000 véhicules thermiques ne compensera pas l’émission de CO2 des centrales au gaz ?
"On n’en sait rien. Il y a des lobbies qui prétendent que si. Mais le gouvernement ne s’appuie sur aucune étude sérieuse et indépendante pour le confirmer."
Ne risque-t-on pas aussi de voir grimper le prix de l’électricité ?
"Dans le cadre du CRM (NdlR : un mécanisme de soutien aux capacités de production d’électricité), les nouvelles centrales au gaz ne seront pas amorties avant 15 ans, alors que les centrales nucléaires le sont forcément déjà. À production équivalente, le prix ne peut qu’augmenter. Et tous les citoyens seront touchés. Même celui qui se déplace à vélo, via sa consommation quotidienne d’électricité."
Selon vous, le gouvernement aurait dû faire un autre choix que de plébisciter l’électrique ?
"Dans son accord gouvernemental, il dit qu’il travaillera sur la suppression progressive de la vente de véhicules qui ne répondent pas à la norme de zéro émission. Il n’est nulle part indiqué que seul l’électrique sera favorisé. Il aurait sans doute été moins cher et plus facile techniquement d’opter pour le CNG qui nécessite juste d’installer des stations alors que l’électrique nécessite aussi de renouveler le réseau souterrain. En favorisant l’électricité, c’est un choix idéologique que le gouvernement fait."
On vous sent très agacée…
"Ce qui me heurte le plus, c’est qu’on ne laisse pas le citoyen choisir lui-même. Comment voulez-vous qu’un commercial fasse 500 km par jour alors que l’autonomie des VE ne le permet pas ? Il aurait sans doute préféré opter pour le CNG en 2026. Mais il ne pourra pas : le gouvernement a choisi pour lui."