Grands gagnants, gros malheurs: quand les gains mirobolants à la Loterie virent au drame
Une photographe et une scénographe se sont penchées sur la façon dont les vies changent quand on gagne beaucoup… ou qu’on perd.
- Publié le 09-03-2022 à 14h22
- Mis à jour le 09-03-2022 à 14h23
/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/WKVR5H2IC5G75J72YVEWRZCEFA.jpg)
Huit Belges sur dix jouent régulièrement à des jeux de loterie. 80 % de Belges croient donc en leur chance mais aussi à la malchance, cette minute ultime où l'on n'aura pas validé les numéros que l'on joue pourtant chaque semaine et qui sortent juste à ce moment-là, ce ticket perdu… Et pourtant, on continue à jouer, à y croire, à rêver de ce que l'on ferait avec tous ces millions gagnés, même quand on ne joue pas. Ce rapport à l'argent, à la bonne fortune, à la superstition, aux porte-bonheur, ces histoires de gros gagnants à l'EuroMillions et au Lotto intéressent depuis des années deux artistes. L'une, Katherine Longly, est photographe et plasticienne, ses expositions et livres sont couronnés de prix. Sa patte : chaque projet est construit comme un prétexte pour partir à la rencontre des gens, de leurs histoires et d'une réalité sociale sous-jacente. Avec photos, archives, tendresse et humour. L'autre est auteure et scénographe. Amies, elles aiment jouer ensemble à la loterie mais "Depuis ce projet, on a eu une discussion très claire sur ce que l'on ferait si on gagnait une grosse somme. Comment on partagerait entre nos créations communes ou non et chacune d'entre nous. Avec ce qu'on a entendu, c'est mieux", expliquent-elles en souriant.
Car depuis 2017, elles ont en effet entendu des centaines d'histoires de gains faramineux, de sommes d'argent gagnées et aussitôt claquées, de petites sommes qui ont apporté du bonheur mais aussi des gros malheurs. "Il est très difficile d'approcher les grands gagnants, ceux qui ont empoché des millions préfèrent rester anonymes. Mais dans chacune des quatre histoires que l'on a sélectionnées pour ce premier volet, on a pu parler soit à une personne directement concernée, soit à un témoin de première main qui a vu aussi son parcours de vie changer à cause d'un gain, souligne Katherine Longly. C'était ça, notre travail : laisser la place à la subjectivité, interroger les rumeurs, laisser la place aux ressentis par rapport à l'argent, au rôle de la chance", poursuit Cécile Hupin.
La Loterie Nationale Belge comme la Française des Jeux ont joué les grandes muettes. Alors pendant des années, le duo a épluché les journaux parlant de chanceux en Belgique ou en France. Un appel relayé par La DH leur a aussi débloqué des pistes… Elles se sont alors rendues sur place, expliquant leur projet, "accueillies avec méfiance au début comme des croqueuses de diamant". Et puis de cafés en salle des fêtes, de bars PMU en restos, elles ont pu entendre des histoires, remonter des lignes et aller à la rencontre d'hommes et de femmes pour qui tout a changé. "Pour certaines, on a encore la chair de poule ou les larmes aux yeux à chaque fois."
Dans l’expo, elles reconstruisent sous différents angles, avec du son, des images, des photos et des installations quatre grandes et fortes histoires de loterie. Les artistes abordent aussi de manière plus légère le rapport à la chance au travers d’un autel qui rassemble des porte-bonheur, grigris et rituels. De même qu’une installation qui raconte ce qu’ont fait les gagnants avec leur gain : achat de voitures, tour du monde, gâter les enfants, une fête pendant une semaine. Les mots du bonheur !E.W.
Expo "Just my Luck" Cécile Hupin&Katherine Longly, du 10/03 au 16/04, Tour à Plomb, rue de l’Abattoir 24 - 1000 Bruxelles.