Hôpitaux, écoles, communes, piscines, … Ces services publics menacés par la crise
La crise énergétique affecte durement les communes. Dont les finances sont plombées.
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- Publié le 10-09-2022 à 07h08
- Mis à jour le 10-09-2022 à 12h23
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La crise énergétique actuelle n'impacte pas durement que le portefeuille des Belges : les communes sont également touchées. Par la hausse des coûts du gaz et de l'électricité, fortement sollicités pour le fonctionnement et le chauffage des bâtiments publics. Mais pas seulement : l'indexation des salaires du personnel constitue la plus grande hausse des dépenses pour de nombreuses énergies. Échevine des Finances à la Ville de Liège, Christine Defraigne a fait le compte : "On est à 15 millions d'euros de dépenses en plus par rapport à 2021, déplore-t-elle. Dont 11 millions rien que pour le personnel. Avec les inondations, l'indexation salariale, la cotisation de responsabilisation des pensions qui est une double peine pour les communes et désormais le coût des énergies, de nombreuses communes sont dans une situation critique."
Selon l'échevine liégeoise, la ville de Liège elle-même serait "au bord de la faillite à cause de son historique. Mais de nombreuses autres communes sont dans ce cas. Tous les pouvoirs locaux sont en mauvaise posture."
Toutefois, estime le ministre wallon des Pouvoirs locaux, Christophe Collignon, "il y a un principe de continuité du service public qui doit être respecté. Le public doit pouvoir continuer à être servi, quoi qu'il advienne. Nous recommandons cependant d'implémenter de manière structurelle le télétravail, de limiter la température ou de faire du covoiturage lorsqu'il faut se déplacer avec les véhicules de services. Une solution serait également de concentrer les employés dans des espaces de coworking".
Ce qui n’empêchera pas les communes et autres institutions publiques de devoir réduire certains services.
Les écoles sous tension
Les écoles ne sont pas épargnées par l'augmentation des prix de l'énergie. Si certains établissements bénéficient de tarifs avantageux rendus possibles par le recours à des centrales de marché, d'autres se demandent comment ils vont pouvoir payer leurs factures. "Si c'est difficile pour les ménages, c'est difficile pour nous aussi !" résume Thierry Scoyer le directeur de l'école Saint-Martin à Assesse (province de Namur). "J'ai été en contact jeudi matin avec la directrice d'une école libre qui ne sait pas comment elle va faire pour s'en sortir avec ses factures d'électricité. Elle doit payer des sommes astronomiques", explique-t-il. "Demander aux élèves de prendre un gros pull ne suffira pas pour rendre les factures abordables", indique de son côté Christine Toumpsin, directrice d'une école primaire à Bruxelles. Contacté par nos soins, le ministre des Bâtiments scolaires et du Budget Frédéric Daerden indique que des réflexions sont en cours pour aider les écoles à faire face à la hausse des coûts de l'énergie.

SNCB : température réduite dans les salles d’attente
En tant que plus important consommateur d'électricité en Belgique avec près d'1,1 terawattheure par an, la SNCB souffre fortement de la flambée des prix du gaz et de l'électricité. Près de 85 % de sa consommation concerne de l'électricité de traction, à savoir celle nécessaire pour faire avancer les trains. En 2022, la SNCB estime à 223 millions ses dépenses énergétiques, contre 123 millions en 2020. L'an prochain, les dépenses pourraient dépasser les 432 millions d'euros. Autant dire que la SNCB devra surveiller chaque dépense énergétique de près. Et procéder à des modifications. "Sans toucher à la fréquence ni à la vitesse des trains, rassure Marianne Hiernaux, porte-parole de l'entreprise ferroviaire. On procédera donc à la sobriété énergétique des bâtiments." En éteignant par exemple l'éclairage "esthétique" des bâtiments, en diminuant la température des bureaux, en rassemblant les travailleurs dans de mêmes locaux quand c'est possible, en atténuant la lumière des parkings et quais durant la nuit, "tout en garantissant la sécurité des usagers." Ou encore en diminuant à 15 degrés (soit 1 à 2 degrés en moins selon la SNCB), le chauffage dans les salles d'attente.
Côté Tec, on va au contraire renforcer le réseau. "Les transports en commun sont justement la meilleure alternative en période de crise énergétique, confie le directeur marketing et porte-parole Stéphane Thiery. Un bus permet par exemple de remplacer 60 voitures. Il faut donc tout faire pour séduire les usagers. Et cela passe par une offre de service optimale."
Piscines : hausse des tarifs, baisse des températures et fermetures en vue
Depuis le début de la semaine, une trentaine de piscines françaises ont dû fermer leurs portes, incapables de payer les factures d'énergie. Il faut dire que cette enceinte sportive est l'une des plus énergivores : le bien-être des nageurs nécessite une température d'eau et d'atmosphère intérieure proche des 30 degrés. En Belgique, aucune décision de ce type n'a encore été prise, si ce n'est la fermeture définitive de la piscine de Jodoigne, laquelle était déjà en fin de vie. À terme, d'autres communes pourraient devoir fermer, au moins temporairement, les portes de leurs piscines pour des raisons économiques. Si l'idée n'est pas "actuellement" à l'ordre du jour à Etterbeek, le bourgmestre Vincent De Wolf organisera, la semaine prochaine, une réunion avec la direction de l'Espadon. Objectif : repérer les postes où des économies pourraient être faites. "La piscine générait un déficit de 250 000 € à 300 000 € avant la crise énergétique, commente Vincent De Wolf. Avec la crise, on sera certainement à beaucoup plus cette année. Non seulement on doit payer plus cher pour la chauffer mais on aura aussi moins de monde car certains n'auront plus les moyens d'y venir. Il faudra donc calculer l'impact sur le budget communal. Mais nous sommes réticents à la fermer car elle a une vocation sociale et scolaire. Nous devrons peut-être augmenter les prix d'accès tout en restant dans la moyenne inférieure des autres piscines, ou diminuer la température de l'eau mais nous devons voir cela avec des spécialistes car il ne faudrait pas entraîner un refus, notamment des enfants, de rentrer dans l'eau. Tout cela doit encore être discuté."

À Bertrix, des efforts ont déjà été entrepris ces dernières années, en posant des panneaux photovoltaïques ou en remplaçant tout l'éclairage par du led. "La volonté n'est pas de fermer la piscine, assure le bourgmestre Mathieu Rossignol. Et il y a trois-quatre mois, nous avons tenté l'expérience de baisser la température d'un degré durant une semaine. Cela générait un tel inconfort pour les nageurs pour un effet peu significatif sur les dépenses énergétiques que ce n'est finalement pas intéressant. On est évidemment touchés par la problématique mais on ne peut se priver de ce service social. Quant à la question d'augmenter les prix, elle a été soulevée mais on ne devrait pas le faire pour l'instant, pour permettre à tout un chacun d'y avoir accès."
À Waterloo par contre, les tarifs ont été revus à la hausse, passant d’un abonnement annuel de 180 € à 240 € pour les Waterlootois, et de 180 € à 390 € pour les non-résidents. De nombreuses autres communes devraient suivre.
500 millions de surcoûts pour nos hôpitaux : "Sans aide de l’État, la qualité des soins sera impactée"
Ouverts 24h sur 24 et disposant de machines très énergivores, les hôpitaux sont de gros consommateurs d'énergie. "Les hôpitaux sont sûrement parmi les entreprises qui consomment le plus d'énergie en Belgique, indique Yves Smeets, directeur général de Santhea, une fédération d'institutions de soins en Wallonie et à Bruxelles. Les appareillages médicaux consomment énormément, à l'image des scanners par exemple. Et à ce stade, il n'y a rien de prévu pour aider les hôpitaux dans le but d'améliorer leurs performances énergétiques."
Face à la hausse des prix, le secteur est très inquiet. D'autant plus que les finances des hôpitaux sont dans le rouge pour un établissement sur trois. Mis à mal par la pandémie, nos hôpitaux vivent en effet sur un équilibre financier précaire. Au cours de l'année 2020, les avances octroyées par le fédéral ont tout juste permis de les maintenir à flot sur le plan financier. C'est ce qui ressortait de la dernière étude Maha (Model for Automatic Hospital Analyses) de Belfius, qui s'intéresse à la santé économique de nos établissements de soins. D'après l'enquête, le problème majeur se situe en 2023, date à laquelle il faudra rembourser les avances. En plus des avances s'ajoutent des coûts énergétiques sans précédent. "Pour le moment, nous avons une facture de 1,8 million d'euros pour le gaz et l'électricité, note Pierre Debruyne, directeur infrastructure au Centre hospitalier régional Sambre et Meuse site Meuse. Et selon ce qu'on nous rapporte, ce montant serait multiplié par trois en début d'année prochaine. Si c'est le cas, les moyens ne pourront pas être dédiés ailleurs, ce serait une perte sèche du budget, c'est une source d'inquiétude."

D'après les estimations effectuées par Santhea, la facture de l'énergie engendrerait un surcoût de 500 millions pour les hôpitaux belges. "Selon les derniers chiffres disponibles, en 2020, on constate que le bénéfice d'exploitation global était de 177 millions d'euros, souligne Yves Smeets. On voit donc bien que la marge nécessaire pour l'innovation et pour des soins de qualité va être bouffée par la hausse des prix de l'énergie. Il y a un surcoût gigantesque. Sans intervention du gouvernement, il va y avoir des catastrophes et des faillites en pagaille."
Face à cette situation, les hôpitaux du pays ne peuvent pas s'en sortir seuls. "On attend une intervention exceptionnelle au-delà de la marge de croissance. Le but est de tenir compte de cet impact de la hausse des coûts de l'énergie et donc d'injecter plus de moyens que d'habitude. En estimant le surcoût à 500 millions, ce serait déjà bien d'avoir la moitié, même si tout le monde n'est pas logé à la même enseigne, notamment avec les contrats variables."
Les différentes fédérations du secteur ont alerté le ministre de la Santé au mois d'avril. "En mai, M. Vandenbroucke nous a dit qu'il avait bien reçu le message mais depuis, c'est silence radio", conclut-il.