“Avec 100 chars, on ne gagne pas une guerre contre la Russie” : Pourquoi l’impact de la livraison de Leopard 2 à l’Ukraine ne doit pas être surestimé
L’Allemagne va livrer des chars Leopard 2 à l’Ukraine, réclamés avec insistance par Kiev. Pour le professeur de géopolitique à l’UGent et directeur à l’Institut royal Egmont, Sven Biscop, cette aide est précieuse pour l’Ukraine mais ne marque pas pour autant un tournant dans la guerre.
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Publié le 26-01-2023 à 19h33
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C’est désormais officiel, l’Allemagne va livrer à l’Ukraine des chars Leopard 2, tant réclamés par Kiev. Les États-Unis pourraient de leur côté accepter de livrer des chars Abrams.
Pour l’Ukraine, ce soutien militaire et financier des alliés occidentaux est primordial. Selon de nombreux experts, ces chars lourds sont en effet susceptibles d’avoir un impact considérable sur le champ de bataille face au rouleau compresseur des troupes russes qui reprennent un peu de terrain sur le front est du pays.
“C’est une très bonne chose de faite au vu de l’évolution du conflit, souligne le professeur de géopolitique à l’UGent, Sven Biscop. Avec le Leopard, les militaires peuvent avancer de plusieurs dizaines de kilomètres très rapidement. De plus, ce modèle permet aux armées de pouvoir percer des lignes ennemies et de stopper une longue guerre de tranchées”.
Pourquoi cette livraison est importante ?
Conçu par le fabricant allemand Krauss-Maffei et construit en série à partir de la fin des années 1970, le Leopard 2 combine puissance de feu, mobilité et protection.
Ce char de combat d’une soixantaine de tonnes, dont environ 3.500 exemplaires sont sortis des chaînes de production, est doté d’un canon lisse de calibre 120 mm permettant de combattre l’ennemi tout en se déplaçant, grâce à ses 1.500 chevaux, jusqu’à 70 km/h, avec une autonomie de 450 km. efficace contre les mines et lances-roquettes. Il bénéficie également d’outils technologiques permettant de localiser et cibler l’ennemi à longue distance.
"Il est possible qu'il en reste moins de la moitié en une semaine"
Toutefois, il ne faut pas créer d’attentes exagérées avec la livraison de ce matériel, d’après le directeur à l’Institut royal Egmont. “On parle d’une première livraison de 100 chars et soyons honnêtes, avec 100 chars, on ne gagne pas une guerre contre la Russie, indique-t-il. Cela va aider l’Ukraine, c’est incontestable mais il faudra encore voir comment ils seront utilisés. Il s’agira d’une sorte de réserve si jamais les Russes montent des contre-offensives à certains endroits, les Ukrainiens pourront alors intervenir. Mais soyons clairs, avec 100 chars, il est possible qu’il en reste moins de la moitié en une semaine si les batailles deviennent intenses”.
L’importance d’une aide européenne coordonnée
Pour rappel, l’Ukraine dit d’ailleurs avoir besoin de 250 chars modernes et autres armements pour une nouvelle offensive. Selon l’International Institute for Strategic Studies (IISS), si Kiev pouvait au total en recevoir une centaine, l’effet serait “significatif” sur le champ de bataille face aux Russes. L’Ukraine pourrait ainsi “sauver son infrastructure énergétique, et sauver les Ukrainiens des crimes”, a estimé le ministre des Affaires étrangères ukrainien Dmytro Kouleba.
“Au niveau de la livraison d’armes, il faut rappeler qu’il y a certaines limites, rappelle l’expert. On ne va pas non plus vider nos unités, c’est pour ça aussi que je ne vois pas les livraisons de chars comme un tournant mais plutôt comme un pas en avant comme soutien graduel de notre aide militaire à l’Ukraine. L’Europe va continuer son aide matérielle mais je ne m’attends pas à ce que subitement, on donne beaucoup plus que ce que nous faisons actuellement. Il n’y a pas un stock énorme mis à disposition et nous devons choisir ce qu’on doit garder et ce qu’on peut transférer”.
L’autre limite actuelle est liée aux tensions rencontrées par la capacité industrielle en matière de Défense en Europe. D’ailleurs, les États-Unis sont en train de vivre la même situation. “Et c’est quelque chose d’inattendu, estime Sven Biscop. Cela signifie que nous sommes dans une guerre intense et on utilise tellement de munitions que la production n’arrive pas à suivre. On doit aussi avoir nos propres stocks, il y a donc urgence à augmenter cette capacité de production dans notre industrie. Et même s’il y a un accord de paix, on devra consolider l’armée ukrainienne, notamment au niveau de son pouvoir de dissuasion contre les potentielles tentatives russes. On doit penser à long terme contre la menace russe, et c’est aussi et surtout au niveau européen que cela doit se faire”.