Un avocat assure que le SPF Justice est attaquable: "Les perceptions immédiates envoyées par la police pourraient être assimilées à de l'escroquerie"
Certaines informations inscrites noir sur blanc sont erronées, estime l'avocat spécialisé en matière de circulation routière, Maître Bruno Gysels.
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Publié le 30-01-2023 à 06h52 - Mis à jour le 30-01-2023 à 07h17
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Cela arrive chaque année à des millions d'automobilistes sans qu'il faille pour autant les taxer de chauffards : au moment de rentrer chez eux, ils doivent déplorer la présence d'une missive estampillée du sceau de la police dans leur boîte aux lettres. Avec, souvent, une bien mauvaise nouvelle : celle d'avoir été surpris en excès de vitesse. En 2021, pas moins de 4,66 millions de procès-verbaux pour vitesse excessive ont été recensés sur l'ensemble du pays. Et sur les six premiers mois de 2022, le nombre d'excès de vitesse enregistrés était déjà de 3,13 millions. L'augmentation des radars tronçons n'y serait, notamment, pas étrangère.
Autant d'automobilistes qui reçoivent donc, dans la même enveloppe, une proposition de perception immédiate, les invitant à s'acquitter d'une somme relativement élevée selon la hauteur de l'excès de vitesse. Dans le cadre de la procédure dite Crossborder, dont l'objectif est de désengorger les tribunaux de police en automatisant le processus de perception des amendes routières, le paiement de ces amendes se fait désormais via le site internet www.justonweb.be.
Simple, efficace, et juridiquement cadenassé. Vraiment ? Ce n'est pas l'avis de l'avocat spécialisé en matière de circulation routière, Bruno Gysels. Selon lui, le modus operandi mis en place par le SPF Justice pour récupérer l'argent serait loin d'être inattaquable.
D'abord parce que toute une série de copies du procès verbal initial, qui sont censées être envoyées dans les 14 jours après la constatation de l'infraction, sont envoyées bien après 14 jours. "Or, la Cour de Cassation a arrêté que, si une copie du procès verbal initial n'était pas envoyée dans les 14 jours (NDLR : peu importe si elle est réceptionnée plus tard), le titulaire de la plaque d'immatriculation du véhicule ne pouvait plus être considéré comme présumé coupable de l'infraction, explique Maître Gysels. Avec une conséquence importante, à savoir qu'il n'était dès lors plus tenu légalement, si ce n'était pas lui qui conduisait, de dénoncer le conducteur réel."

En résumé, si la copie du procès verbal initial est envoyée avant 14 jours, l'automobiliste qui conteste être derrière le volant au moment de la commission de l'infraction, est tenu, en théorie, de dénoncer celui qui conduisait. Après 14 jours, c'est au Parquet de reprendre la procédure à zéro et de déterminer qui était le conducteur. Lequel devrait alors être cité devant un tribunal. "Ce qui est non seulement presque impossible mais vient aussi à l'encontre de la volonté du législateur de désengorger les tribunaux de police."
Or, cet élément ne serait visiblement pas pris en compte sur le site justonweb. "Il n'y est pas possible de contester le fait d'être le conducteur sans dénoncer celui qui était derrière le volant. Or, on le rappelle, ce n'est plus une obligation si la copie du procès verbal initial a été envoyée après 14 jours."
Par ailleurs, des informations erronées sont présentes sur le site. "Ce site mentionne à plusieurs reprises « Vous devez payer l’amende » alors que ni la perception immédiate ni la proposition de transaction ne sont des obligations de paiement. Au contraire, ce sont des propositions que vous êtes libre d’accepter ou de refuser."
Ensuite, estime Maître Gysels, le parquet, tant sur le site que sur la perception immédiate, laisse entendre que l'on est obligé de payer la proposition de transaction. Et qu'en cas de contestation, celle-ci sera payante. Sur le formulaire de contestation, on peut en effet lire ceci : "Je comprends que si le ministère public n'accepte pas la contestation, la procédure continuera et je pourrais recevoir une amende plus élevée ou je pourrais être convoqué(e) à comparaître devant le tribunal de police."
Or, assure Maître Gysels, "c'est totalement faux. Comme son nom l'indique, c'est une proposition de payer, pas une obligation. Et vous avez le droit de payer ou contester sans frais. Ce n'est qu'après avoir été reconnu coupable, après un débat contradictoire devant un tribunal de police, que vous serez obligé de payer. Pas avant."
Ceux qui tentent de contester reçoivent régulièrement la même réponse : la contestation est refusée. "Sans que, dans neuf cas sur dix, le refus soit motivé, tance Maître Gysels. Or, c'est pourtant une recommandation - mais pas une obligation je l'admets - du conseil supérieur de la justice. Le parquet affirme alors noir sur blanc à l'automobiliste qu'il doit payer l'amende. Ce qui est toujours faux puisque ce même automobiliste n'a toujours pas été jugé. Il peut être réinvité à payer - libre à lui d'accepter ou non - mais n'est toujours pas obligé de le faire."
L'avocat poursuit. "Quand il remplit sa contestation en ligne, l'automobiliste peut lire la phrase suivante : Je comprends que si le Ministère Public n'accepte pas la contestation, la procédure continue et je pourrai recevoir une amende plus élevée". C'est de l'intimidation pure et simple."
Pour Maître Gysels, ces approximations et fausses affirmations "induisent l'automobiliste en erreur" et "pourraient être assimilées à de l'escroquerie puisque cette dernière est définie par une volonté de se faire remettre de l'argent en utilisant des informations mensongères ou des manoeuvres frauduleuses. Or, c'est précisément ce que fait le SPF Justice en tentant de récupérer de l'argent en affirmant que les automobilistes sont obligés de payer et que, s'ils ne le font pas, ils seront sanctionnés plus durement."