Arrêt de Tihange 2 : “Le monde politique nous a abandonnés”, déplorent des travailleurs du nucléaire
C’est dans une atmosphère de plomb que des travailleurs du nucléaire nous ont fait part de leur désarroi de voir Tihange 2 être à l’arrêt.
Publié le 31-01-2023 à 20h24 - Mis à jour le 01-02-2023 à 09h29
”C’est une erreur d’éteindre ce réacteur”, envoie d’entrée de jeu Servais Pilate, 85 ans, pensionné depuis 20 ans et ancien ingénieur de Belgonucléaire. “J’ai fait toute ma carrière dans le nucléaire. On faisait du combustible et du recyclage. Nous avons travaillé pour Electrabel jusqu’à ce que le gouvernement nous casse. C’est une imbécillité. Des gens se proclament écolo, mais ils font le contraire de l’écologie. Le nucléaire, c’est pilotable, c’est sûr, cela produit de l’énergie bon marché et ça ne fait pas de CO2.”
”C’est du gâchis”, déplore un travailleur de Tihange. “Tout ce que les politiciens ont dit sur la centrale, que les cuves étaient fissurées, c’étaient faux. Et maintenant, on va devoir fermer. Le monde politique nous a abandonnés.”
Un groupe d’employés en charge de la maintenance opine du chef. “Je suis inquiet. Les fermetures des différents réacteurs vont représenter une perte d’électricité pour la Belgique et une perte d’emplois pour la région”, explique Luc, qui besogne à la centrale depuis 8 ans. “Imaginez une vague de froid dans un mois… quelle va être la suite ?”
Employé depuis 2007, Philippe voit cette journée comme une commémoration pour dire adieu à une cheminée iconique. “C’était un espace très familial. On pense à tous les opérateurs et aux agents de maintenance spécifique à l’unité de Tihange 2 et qui vont perdre leur outil de travail.”
”Tihange 2, c’est l’unité où j’ai commencé à travailler en tant que responsable de chantier”, se souvient Julien. “Comme on fait de la maintenance sur les trois unités, on ne perdra pas notre travail. Mais on en aura moins. On perd une tranche de notre boulot.”
Eric Dosogne, bourgmestre de Huy, a également pris part au rassemblement. “Objectivement, industriellement, je pense que cette centrale pouvait encore être prolongée quelques années. Pour le pays, c’est aussi une perte puisque l’on va se priver de 15 % de la production belge d’électricité. Je pense que l’on aurait pu à tout le moins maintenir quatre centrales nucléaires sur le pays car les outils ont toujours été parfaitement entretenus.”
Le discours de l’élu socialiste tranche un peu avec la position officielle du parti, qui se déclare “agnostique” sur la question. “Je pense que dans le cadre de la sécurité d’alimentation énergétique du pays, on va vraiment se poser la question de savoir si on en maintient deux supplémentaires. Apparemment, il y a un accord pour en maintenir deux, je pense que le débat va se poser prochainement sur le maintien de deux centrales supplémentaires.”