Abrini, “l’homme au chapeau”, explique pourquoi il n'a pas activé sa bombe à Zaventem: ses déclarations sont-elles crédibles?
À l’entendre, il n’aurait jamais eu l’intention de commettre un attentat. Mais est-il crédible ?
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Publié le 01-02-2023 à 20h06
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”Je savais au fond de moi que je n’allais pas mourir” : cette phrase, sous cette forme ou sous des variantes, Mohamed Abrini l’a plusieurs fois répétée en cours d’enquête.
Il a quitté Paris la nuit précédant les attentats du 13 novembre 2015, rentrant à Bruxelles en taxi. Le 22 mars 2016, à Zaventem, “l’homme au chapeau” a renoncé à actionner sa bombe, abandonnant son sac d’explosifs. “Moi, l’idée était d’arriver et de dire 'non' à la dernière seconde”, dira-t-il aux enquêteurs.
Mais, jamais, il ne tentera de dissuader les autres terroristes. “Je n’ai rien dit avant parce qu’ils auraient pu me mettre une balle dans la tête”, justifiera-t-il lors d’un interrogatoire. “J’avais peur pour ma famille. Il y aurait eu des représailles”, dira-t-il. “Je voulais accompagner Laachraoui, qui était un vrai gentil, jusqu’à sa mort”, soulignera-t-il, plus curieusement.
Au cours des quatre mois séparant les attentats de Paris de Bruxelles, il reste avec les terroristes, de planque en planque. Il est donc au courant de bombes en cours de fabrication.
A-t-il eu peur de mourir ? A-t-il éprouvé de la compassion au dernier moment ? Se sentait-il menacé ? Il n’est pas possible de donner de réponse. Et son parcours, détaillé mercredi devant la cour d’assises par les enquêteurs, donne tout au plus quelques clés.
Rien n’indique qu’au cours du procès il s’exprimera à nouveau. Mercredi, il a encore refusé de comparaître pour protester contre ses conditions de transfert, tout comme Abdeslam. Krayem était également absent et ses avocats ont précisé mercredi qu’il ne parlera pas au procès
Une radicalisation en prison
Le parcours d’Abrini fait état d’une radicalisation éclair, lors de son dernier séjour en prison à l’aube de ses 30 ans. En août 2014, alors qu’il a déjà un “casier judiciaire bien fourni”, il y apprend que son jeune frère, qui avait rejoint le djihad en Syrie, y est mort. “Tous mes amis tués plus mon frère, c’est là que j’ai appris à lire le coran”, dira-t-il.
En septembre 2014, il sort de prison. Il est plus calme, plus religieux, prie et va à la mosquée, découvre sa famille. Le lendemain de sa sortie, il prévient sa copine : “Tu ne sors plus de chez toi sans être voilée”. Un mois plus tard, il lui envoie un nouveau SMS. “Je vais me battre pour la cause du tout-puissant”, écrit-il laissant entendre que le prix à payer pourrait être d’y laisser la vie.
Je savais au fond de moi que je n'allais pas mourir
Fin juin 2015, il fait un court séjour en Syrie. Il se recueille sur la tombe de son frère. Il y voit Abaaoud, qui lui demande de faire un crochet par Birmingham pour récupérer de l’argent. Ce qu’il fait. Il assiste aux préparatifs des attentats de Paris, à l’issue desquels, après diffusion de son portrait, il entre en clandestinité.
Un testament de djihadiste
Il paraît déterminé. Ce qu’en cours d’enquête il niera. Il rédige un testament, comme le font les terroristes prêts à mourir. “Je suis revenu du Sham pour frapper fort les ennemis d’Allah”, écrit-il dans une lettre pour sa copine. “Je ne ferais pas de mal à une mouche”, dira-t-il par contre après son arrestation aux enquêteurs.
Avec les deux kamikazes de Zaventem, il pose les armes à la main sous un drapeau de l’État islamique dans la planque de la rue Max Roos. “Parce qu’ils me l’ont demandé”, dira-t-il.
Le 22 mars 2016, il arrive peu après 07h30 à l’aéroport avec les deux kamikazes, muni aussi d’un sac d’explosifs. Le trio gagne le hall des départs. Ils s’arrêtent au Délifrance où ils commandent, un café et une eau. Laachraoui effectue les branchements des bombes. “Ibrahim (El Bakraoui) a fini sa bouteille d’eau et puis il a dit qu’il fallait y aller.” Laachraoui désigne les cibles : les rangées pour des vols vers les États-Unis, la Russie et Israël.
Au moment de se séparer, Abrini, selon ses dires, leur dit alors qu’il ne le fera pas. “Najim insiste pour que je le fasse car j’étais déjà recherché pour Paris et que j’allais prendre beaucoup d’années de prison. Ibrahim lui s’énerve d’abord. Mais il me prend ensuite dans ses bras et me souhaite bonnes vacances”, racontera-t-il aux enquêteurs. Laachraoui tente encore de le convaincre. Sans succès.
Les deux kamikazes actionnent leurs bombes. Abrini fuit, abandonnant son sac d’explosifs, sans désamorcer. “Je ne pensais qu’à partir, pas à désamorcer la bombe”, dira-t-il. Il ne sera capturé que le 8 avril 2016.