Pierre-Yves Jeholet veut la fin de l’obligation scolaire dès 16 ans: “Pourquoi obliger des jeunes à rester à l’école s’ils n’en ont pas envie ?”
Pierre-Yves Jeholet (MR) se dit ouvert à une réflexion sur l’obligation scolaire jusqu’à 18 ans.
Publié le 11-02-2023 à 07h14
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Historiquement, le MR était plutôt opposé au Pacte d'Excellence. La législature touche à sa fin, si le MR obtient le portefeuille de l'éducation aux prochaines élections, resterez-vous loyal au Pacte?
“Dès le début de la législature, j’ai dit que le MR serait loyal au Pacte, même s’il ne nous plaît pas totalement. J’ai accepté des choses que je n’aurais pas faites comme ça. On était notamment opposés à l’allongement du tronc commun. Maintenant on a cette feuille de route et on ne peut plus dire qu’on ne veut plus de certains chantiers. Le Pacte est un tout. On n’a pas le choix, on ne peut pas revenir en arrière.”
Quid du décret Inscription?
“Le décret Inscriptions, c’est Dallas ! Je pense qu’il a encore son sens mais une fois que le tronc commun sera implémenté, il faudra voir l’avenir du décret. Le MR n’en a jamais été fan, ce n’est pas un secret. Mais le texte a quand même été fortement corrigé et ça se passe beaucoup mieux sur le terrain. In fine, si tout se passe comme prévu avec le tronc commun, le sens du décret se posera et j’ai envie de dire que la réponse sera probablement non. Mais en attentant, on va encore devoir vivre avec un petit temps.”
Quelles autres réformes souhaiteriez-vous mettre sur pied si vous en aviez la possibilité?
“Je suis convaincu que l’obligation scolaire à trois ans serait une bonne formule pour éviter le décrochage scolaire. Plus tôt on scolarisera les enfants, moins il y aura de décrochage. ça a été une de mes premières propositions quand je suis devenu député fédéral en 2003. On a finalement fait passer l’âge du début de l’obligation scolaire à cinq ans plutôt que six et obtenu une évaluation positive sur les effets de cet abaissement. Si on veut encore baisser l’obligation scolaire à trois ans, ça demandera des moyens supplémentaires dans un premier temps mais le but est de pouvoir récupérer ces moyens rapidement. C’est un investissement sur l’avenir. Les enfants qui ne sont pas à l’école entre trois et cinq ans partent avec moins de chances de réussir que les autres. Je souhaite qu’on puisse avancer rapidement sur ce point. J’espère qu’on ne devra pas attendre 20 ans pour y arriver.”
Vous avez émis par le passé l'idée de ramener l'obligation scolaire à 16 ans contre 18 actuellement. Est-ce toujours votre volonté?
“Avant le Pacte, j’étais favorable à une baisse l’âge de l’obligation scolaire à 16 ans. Avec le pacte et l’allongement du tronc commun jusqu’à la troisième secondaire, mon opinion pourrait changer à condition qu’il y ait une véritable orientation positive. Je ne cache pas que je suis toujours en réflexion sur la question. Pourquoi obliger à rester à l’école des jeunes de 16, 17, 18, 19 ou 20 ans qui sont en décrochage et ont envie de faire autre chose ? J’espère surtout qu’on pourra rapidement mettre sur pied l’alternance, avec un système plus souple et plus efficace. Le problème, c’est que beaucoup de jeunes de quinze ans se retrouvent dans des filières qui sont leur troisième ou quatrième choix et sont complètement démotivés. Il faut une orientation plus réfléchie. Il n’y a pas de gêne à faire l’enseignement technique, professionnel ou l’IFAPME. Beaucoup de jeunes se retrouvent au chômage alors qu’il y a plein de métiers où on n’arrive pas à engager.”

“Le pacte continuera, avec ou sans les syndicats”
Deux syndicats d'enseignants ont menacé cette semaine de se retirer du pacte d'excellence. Ils s'opposent au texte du gouvernement concernant l'évaluation des enseignants. Comment percevez-vous cet ultimatum?
“L’idée d’évaluer les enseignants n’est pas nouvelle. Je tombe des nues quand j’entends les syndicats dire qu’il n’y a pas eu de concertation car le texte a été beaucoup discuté. C’est une réforme qui me paraît essentielle et ne doit pas être vue comme une menace mais plutôt comme une occasion pour les enseignants de progresser, de se former et de s’améliorer. Les syndicats s’opposent aux sanctions éventuelles en cas de manquements mais cette réforme n’aurait pas de sens s’il n’y avait pas de sanctions en fin de parcours. Il est essentiel de pouvoir écarter un membre du personnel qui dysfonctionne, c’est aussi un moyen de rendre le métier plus attractif. Il en va de la qualité de notre enseignement.”
Vous vous attendiez à cette réaction?
“Je suis étonné et déçu. S’il y a bien une réforme où il y a un dialogue permanent, c’est le pacte. Je m’interroge un peu sur les intentions des uns et des autres. Tous les acteurs ont une lourde responsabilité par rapport au Pacte. À cet égard, on demande à tout le monde, y compris les syndicats de ne pas attiser des contestations sur des malentendus et de la mauvaise foi. Il n’a par exemple jamais été question que les enseignants soient évalués par leurs pairs, contrairement à ce qu’on a pu entendre. La vérité a ses droits.”
Des modifications du texte sont-elles encore envisageables?
“Je ne ferme jamais la porte à la discussion mais étant donné que c’est un texte qui a déjà été révisé 15 fois et pour lequel on a pris le temps de concerter notamment avec les organisations syndicales, les marges de manœuvre sont relativement réduites. Je ne veux pas donner de faux espoirs mais je ne souhaite pas que le décret soit utilisé comme prétexte par des organisations pour claquer la porte.”
Quelles seraient les conséquences sur le pacte si les syndicats claquaient la porte?
“Je souhaite que tout le monde reste à bord mais si certains acteurs décident de partir, je ne vais pas baisser les bras, me mettre à pleurer et enterrer le pacte pour autant. On va continuer à retrousser nos manches pour que les réformes se concrétisent sur le terrain. Le gouvernement va maintenir les réformes parce qu’elles sont indispensables et qu’on a une obligation de résultat.”