La guerre des pensions est déclarée : le PS, isolé, lance une pétition pour recueillir du soutien
Les partenaires du gouvernement ont fustigé le projet de réforme de la ministre Karine Lalieux.
Publié le 15-02-2023 à 14h47 - Mis à jour le 16-02-2023 à 08h54
:focal(2011x1349:2021x1339)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/YGXTQUJPIZCSDC4W42R6G6AKAE.jpg)
En France, la bataille des retraites se joue dans la rue, entre le peuple et le gouvernement. En Belgique, la guerre des pensions se joue au sein du gouvernement, entre les sept partis qui composent la coalition fédérale.
Karine Lalieux a relancé les hostilités en début de semaine en livrant son plan de bataille à la presse sans avoir consulté ses partenaires de majorité. La ministre socialiste en charge du dossier Pensions a présenté un plan en sept points qui a été directement rejeté par les autres partis, majorité comme opposition, ainsi que par les représentants des employeurs.
Chez les vice-Premiers ministres, nombreux sont ceux qui trouvent étrange la méthode et le timing choisis par Karine Lalieux. “La ministre de l’Intégration sociale affirme que ces points sont discutés depuis décembre. Mais elle sort dans la presse sans même que ces mesures n’ont été discutées en DAB [en réunion des chefs de cabinet]”, déclare-t-on au cabinet du ministre David Clarinval (MR).
Mobiliser par la pétition
Si le PS avait voulu passer en force, en cherchant l’assentiment de la rue avant celui de ses partenaires de gouvernement, il n’aurait pas fait autrement. Sans doute s’attendait-il à ce que ses propositions soient répudiées par les autres formations. Mardi soir, le parti socialiste a donc sorti la pétition, une arme de guerre qu’il a toujours reproché au PTB d’utiliser.
”La droite veut annuler la revalorisation de la pension minimum au 1er janvier 2024”, peut-on lire sur le site du PS. “Cela engendrerait une perte de plus de 500 € par an pour un pensionné touchant la pension minimum. Le PS n’acceptera pas que l’on remette en cause cette hausse et que l’on fasse des économies sur le dos des plus de 800 000 pensionné·e·s touchant la pension minimum.” Les socialistes appellent ensuite au soutien des signataires “pour contrer cette attaque des libéraux contre nos aîné·e·s”.
Le président du MR Georges-Louis Bouchez a immédiatement réagi, dénonçant un “nouveau mensonge du PS”. Les libéraux souhaiteraient “simplement que cette pension minimum soit accessible uniquement à des gens qui ont réellement travaillé”. Et d’à nouveau taxer le PS de “parti de la sieste”.
Au sein des troupes de Paul Magnette, certains ont peu apprécié de voir le PS utiliser une méthode jusqu’ici plutôt réservée à l’extrême-gauche. Réaliser une pétition sur son site en demandant le numéro de téléphone, le prénom et le nom du signataire tout en incitant ce dernier à s’abonner aux informations du parti à recevoir par email ou par SMS, cela s’apparente fort à de la collecte de données. En marketing politique, cela permet de fidéliser la base et de séduire les nouveaux arrivants. Ce n’est pas interdit par la loi, et d'autres partis comme le MR ou les Engagés y ont recourt de façon épisodique.
”Ce n’est pas de la propagande politique”, réfute Maxime Hardy, député wallon et ancien porte-parole du PS. “À la différence du PTB qui fait des pétitions tous les jours mais n’accomplit rien, le PS obtient des victoires. Bien sûr, il y a aussi un objectif de mobilisation derrière cette opération car nous avons toujours été convaincus que la politique doit s’ouvrir aux citoyens. Mais nous sommes très très loin des dépenses effectuées par le PTB sur les réseaux sociaux. L’approche n’est pas la même.”
"La question pension oppose la gauche et la droite au sein du gouvernement", nous explique le parti. "Il y a une menace de la part des libéraux de revenir sur les avancées importantes obtenues par le PS en matière de pension minimale. 800.000 personnes sont concernées. C'est hors de question pour nous. C’est une ligne rouge. Dans ce rapport de force, nous mobilisons et sensibilisons, via cette pétition, tous les citoyens à cette question essentielle pour leur avenir, quel que soit leur âge."
Un débat aux portées électorales
Si ce débat cristallise autant de tensions, c’est d’abord parce qu’il met en péril la possibilité d’obtenir des financements de l’Union européenne. La Commission européenne a retoqué le projet de réforme des pensions présenté à l’été 2022 au motif qu’il n’était pas viable en matière de soutenabilité financière. Selon la lecture des partenaires de la Vivaldi, ce point n’est pas rencontré dans le nouveau projet présenté ce lundi.
Mais les autres mesures sont encore loin d’avoir récolté l’adhésion des autres ministres fédéraux. Sur les sept mesures proposées, seul le plafonnement de la péréquation des fonctionnaires n’est pas rejeté par les libéraux.
”Donner des amendes aux employeurs qui n’emploient pas suffisamment de personnes âgées de plus de 60 ans ? Le bonus plafonné et réservé à ceux qui pourraient partir en pension anticipée ? Élargir encore les assimilations au travail effectif pour la pension minimum ? Cela ne nous semble pas être une bonne façon de faire”, explique-t-on au cabinet Clarinval.
Le point qui bloque du point de vue de l’image politique renvoyée, c’est la pension anticipée. Les socialistes veulent redescendre l’âge minimum à 60 ans, ce que les libéraux n’accepteront jamais car cela reviendrait à annuler une de leur propre victoire. C’est effectivement sous le gouvernement Michel que l’âge minimum avait été monté à 63 ans. “Il n’est pas correct de revenir sur une mesure adoptée par le passé”, ajoute le cabinet du vice-Premier libéral.
Le CD&V, le parti qui assume avoir les séniors comme cœur de cible, n’a pour sa part pas du tout apprécié cette offensive vers son électorat. S’ils reconnaissent que les personnes âgées sont aujourd’hui confrontées à une forte discrimination sur le marché du travail, les chrétiens-démocrates s’opposent à l’utilisation de quota et aux approches paternalistes. Le président Sammy Mahdi estime par ailleurs que le gouvernement doit cesser de forcer les fonctionnaires à partir à la retraite.
Les écologistes, par contre, sont à ce jour restés très discrets sur les pensions. Sans doute sont-ils assez proches idéologiquement des socialistes, mais électoralement, ils n’ont aucun intérêt à leur apporter leur soutien.