TVA sur les factures d’énergie à 6 % : pourquoi ça coince
Le temps est serré pour faire adopter le texte par le parlement et l’opposition pourrait jouer la montre.
Publié le 27-02-2023 à 07h10 - Mis à jour le 27-02-2023 à 07h11
Avril sera un mois fatidique pour la Vivaldi. Trois dossiers doivent aboutir à cette échéance : le contrôle budgétaire, l’accord avec Engie et la fameuse réduction permanente de la TVA à 6 % sur les factures d’énergie.
Après de longues et âpres discussions ayant notamment mené à l’éviction de l’ancienne secrétaire d’État au Budget Eva De Bleeker (Open VLD), le gouvernement s’est finalement accordé au mois de février sur une formule taxatoire qui permettrait de ne pas trop augmenter les factures d’énergie des Belges et de récupérer un peu de trésorerie pour l’État. Sous l’impulsion du ministre des Finances Vincent van Peteghem (CD&V), il a été décidé que la réduction de la TVA à 6 % sur l’électricité et le gaz deviendrait permanente à partir du 1er avril 2023, mais qu’elle serait couplée à une réforme des accises.
Le projet doit maintenant recevoir l’aval du parlement avant d’être validé royalement. Et c’est dans cet intervalle que les choses pourraient bloquer si l’opposition prenait l’envie de vouloir jouer la montre. Au cabinet du ministre des Finances, on rassure. “Le projet a déjà été discuté une première fois au sein de la commission des finances sans aucun problème. Nous sommes confiants pour la suite.”
Seconde lecture
Lors de cette première session, les partis de l’opposition ont réclamé une seconde lecture du texte parce qu’ils avaient des inquiétudes sur différents éléments, comme les copropriétés, ou pour simplement marquer leur désaccord. “Le PTB a demandé une seconde lecture pour marquer le coup contre ces accises que nous jugeons complètement antisociales”, révèle Marco Van Hees, député fédéral PTB. “Nous, on défend la TVA à 6 % sans accises supplémentaires.”
La prochaine discussion en commission sur ce thème n’est pas encore agendée, mais elle devrait avoir lieu dans le courant du mois de mars. “En principe, on est dans les temps”, rassure Marie-Christine Marghem (MR), présidente de la commission Finance. “Même si on n’est pas à l’abri d’un ralentissement. Si 50 parlementaires déposent des amendements et décident d’aller au Conseil d’État, le règlement de la Chambre leur autorise à le faire.”
Conseil d'Etat
En cas de renvoi du projet de réforme devant le Conseil d’État, il faudrait ajouter 30 jours de plus avant de pouvoir voter le texte en séance plénière. Les délais seraient alors dépassés. “Si le projet de loi ne passe pas le 1er avril, la TVA repasse à 21 %”, acquiesce Marco Van Hees, avant de nuancer. “Mais s’il le souhaite, le gouvernement peut décider par arrêté royal de maintenir la TVA à 6 %. Même en cas de flibuste, il pourrait contourner le blocage.”
La flibuste, c’est une technique parlementaire qui vise à retarder le plus possible l’adoption d’une loi en se basant sur tous les moyens réglementaires de la Chambre. Le PTB se défend néanmoins de viser l’obstruction parlementaire. “Plusieurs partis de la majorité ont affirmé à différentes reprises qu’il n’était pas question de prendre d’une main ce qu’on donnait de l’autre”, poursuit le député Van Hees. “Mais c’est ce qu’il va se passer. On se demande si les partis n’ont pas retourné leur veste. Tous les partis de gauche ont gueulé lorsque Vincent Van Peteghem a présenté son projet de réforme, puis trois jours après, c’est passé comme une lettre à la poste. On veut juste marquer le coup.”
Dossier sensible en Flandre
Toutefois, ce ne serait pas tant sur les sièges francophone de l’hémicycle que l’obstruction pourrait se produire. “En Flandre, le dossier est très sensible depuis que le Premier ministre Alexander De Croo a renvoyé la secrétaire d’État Eva De Bleeker”, entend-on dans les couloirs de la Chambre. “L’opposition flamande est intransigeante sur cette question. Depuis cet épisode, Alexander De Croo fait une fixette sur la date du 1er avril. C’est devenu son obsession. Il faut absolument pour lui que cette législation passe.”
En commission des Finances, Sander Loones a ainsi répété que cette réforme présentait un risque budgétaire potentiel. Selon le député N-VA, le flou serait entretenu autour de cette réforme. “De deux choses l’une : soit la secrétaire d’État est la gardienne du budget, soit elle est la gardienne de la crédibilité du premier ministre”, a-t-il adressé à Alexia Bertrand (Open VLD), la secrétaire d’État au Budget. “Nous savons depuis quelques mois que ces deux options sont inconciliables.”
D’un point de vue politique, les partis flamands de la majorité attendent beaucoup de ce “shift fiscal” peu populaire mais scruté attentivement par la population. L’Open VLD, le parti du Premier ministre, et le CD&V, le parti du ministre des Finances, sont en mauvaise position dans les sondages. A quelques mois de la campagne électorale, ils ont tout intérêt à réussir à opérer ce changement de fiscalité sur l’énergie.