Ras-le-bol des stagiaires infirmiers : “Il n’est pas correct de laisser toute la charge sur le personnel soignant”
Dan Lecocq, président de la Fédération Nationale des Infirmières de Belgique, explique que les problèmes évoqués par les stagiaires infirmiers est connu. Il y a des pistes de solution pour s’en sortir, mais elles ne sont pas exploitées.
Publié le 28-02-2023 à 07h06 - Mis à jour le 28-02-2023 à 13h29
Les 9 et 10 février, un colloque intitulé “Par-dessus les épaules des stagiaires : la profession infirmière” était organisé à l’UCLouvain. Durant ces deux journées, témoignages et réflexions sur la problématique ont été entendus. Dan Lecocq, président de la Fédération Nationale des Infirmières de Belgique (FNIB), était présent.
Contacté pour lui faire part des témoignages de stagiaires infirmiers récoltés par La Libre, Dan Lecocq réagit. “Il y a un mal-être, le constat est largement partagé. Moi-même, j’ai déjà fait une étude à ce sujet, qui démontrait que les étudiants étaient souvent confrontés, durant leurs stages, à des infirmiers qu’on appelle des “contre-modèles” de rôle. Dans les hôpitaux, dans les institutions de soins de santé en général et chez nous, au sein de la FNIB, on est conscients que pour avoir de futurs collègues qui seront des “modèles de rôle”, il faut favoriser le développement des stagiaires”, expose-t-il. Il faut empêcher que les infirmiers reproduisent, dans une espèce de schéma initiatique ou de type bizutage, ce comportement violent subi quand eux-mêmes étaient étudiants. Sinon on tombe dans un cercle vicieux. Et c’est le nœud du problème.”
Selon Dan Lecocq, il n’y a pas de recette miracle, “mais il existe diverses éléments qui expliquent cet état de fait.”
L’exemple de la Suisse
Le premier problème concerne la charge de travail des infirmiers, en particulier le temps que les institutions de soins vont dégager pour l'accompagnement des stagiaires. “En Suisse, par exemple, on désigne des personnes dans les équipes qui devront consacrer 20 % de leur temps, soit un jour par semaine, à l’encadrement des stagiaires, et on sait qu’on ne devra pas compter sur elles pour des soins cette période-là. Voilà une piste à suivre chez nous aussi”, plaide Dan Lecocq.
Le président de la FNIB pointe aussi l’absence de formation des professionnels infirmiers à l’accompagnement des stagiaires. “Pour le moment, dans les études de base en soins infirmiers, il n’y a pas (ou alors très peu) de temps consacré à la formation pour cet accompagnement de développement de compétences. Pourtant, on ne s’improvise pas enseignant.” Dan Lecocq précise que des formations continues existent, mais selon lui, ces formations devraient être inscrites dans le cursus de base et “devenir un enseignement fondamental à part entière.”
”Les taches se multiplient, pas le personnel”
Dan Lecocq évoque également le fait que les professeurs venant encadrer les stagiaires sur le terrain seraient de moins en moins nombreux. “Dans les faits, certains enseignants vont encore sur le terrain, mais c’est de moins en moins le cas et cela dépend aussi des établissements. La raison est simple : il n’y a pas assez de professeurs alors que, dans le même temps, il y a une massification des étudiants.” Et d'ajouter : “Récemment, on est passé de trois à quatre années d’études, avec 33 % d’heures supplémentaires à organiser, mais pas un seul prof en plus. Les taches se multiplient, mais pas le personnel.”
Conséquence : le glissement de tâches d’accompagnement de stagiaires s’opère vers le personnel soignant sur le terrain, déjà débordé et en manque d’effectifs, rappelle Dan Lecocq. “Et on se retrouve donc confronté aux problèmes évoqués à l’instant : manque de temps, manque de formation, manque d’effectifs. C’est un cercle vicieux.”
Et de conclure : “Un : il faut intégrer la formation aux stagiaires dans le cursus. Deux : il faut que les institutions puissent dégager du temps pour l’accompagnement. Et trois : le politique doit renforcer les équipes enseignantes pour permettre l’accompagnement des stagiaires. C’est un message inaudible pour le politique, mais ça n’est pas correct de laisser toute la charge sur le personnel soignant qui devrait se consacrer, en premier, aux soins.”