Une mère isolée qui travaille à temps partiel ne gagnera pas un euro de plus avec la réforme fiscale : “Les petits salaires sont les grands perdants”
Pour l’économiste Philippe Defeyt (Institut pour un Développement Durable), le projet de réforme fiscale du gouvernement ne soutient pas les personnes qui travaillent pour de petits revenus : “C’est incompréhensible au vu des objectifs annoncés par le gouvernement, notamment en matière de lutte contre les pièges à l’emploi”.
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Publié le 03-03-2023 à 11h18
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L’économiste Philippe Defeyt (Institut pour un Développement Durable) n’est pas tendre avec le projet de réforme fiscale du gouvernement.
D’après lui, ce dernier vise clairement la classe moyenne supérieure et la classe la plus élevée de la hiérarchie salariale mais “ne soutient absolument pas les personnes qui travaillent pour de petits revenus, ce qui est incompréhensible au vu des objectifs annoncés par le gouvernement, notamment la lutte contre les pièges à l’emploi”, déplore-t-il.
Pour justifier son propos, l’économiste prend l’exemple concret d’une travailleuse. Elle s’appelle Angélique, vit seule avec ses deux enfants et travaille à temps partiel. Elle gagne 1.800 € bruts/mois, soit un 4/5 temps d’un salaire à temps plein de 2.250 €/mois (le salaire minimum est de 2.071 €/mois). En net, elle touche donc chaque mois 1.719 €.
"Pour des petits revenus, il n'y aura aucun gain de pouvoir d'achat"
Aucun bénéfice sous les 3.870 € bruts/mois
Et si le projet avancé par le Ministre des finances se concrétise, son revenu mensuel net restera à 1.719 €. “C’est facile à comprendre : elle ne paie déjà pas de précompte aujourd’hui ; dans une telle situation, et il y en a beaucoup d’autres semblables, il ne sert à rien d’augmenter la quotité exonérée d’impôt, le net mensuel restera inchangé. La réforme ne va pas profiter à ceux qui ne paient pas d’impôts parce que la quantité exonérée d’impôts dépasse leur petit revenu”, explique Defeyt.
En présentant la troisième version de son projet de réforme fiscale, Vincent Van Peteghem a annoncé prévoir un gain d’au moins 835 euros pour les travailleurs grâce à son projet de réforme fiscale. Mais les économistes se montrent beaucoup plus sceptiques.
“Dans d’autres situations de petits revenus, il n’y aura aucun gain de pouvoir d’achat, ni mensuel, ni sur une base annuelle. Ajoutons encore ceci : entre-temps, dans notre exemple, Angélique aura perdu le bénéfice du tarif social. Concrètement : profiteront de cette mesure tous les salariés qui ont aujourd’hui un salaire mensuel brut supérieur à 3.870 € bruts/mois (attention : il faut tenir compte du double pécule de vacances et du 13ème mois)”.
Une réforme dirigée vers la classe moyenne supérieure
D’après les calculs de l’économiste, on peut estimer qu’environ 55 % des salariés à temps plein gagnent plus de 3.870 € bruts/mois. Cette partie de la réforme est donc clairement dirigée vers la classe moyenne supérieure et la classe la plus élevée de la hiérarchie salariale.
“Toutefois, ce projet est plus abouti que les précédents, reconnaît-il. À ce stade, il est quand même difficile d’avoir une vue d’ensemble. On doit faire attention au fait que la baisse de la TVA ne soit pas intégralement répercutée aux bénéfices du consommateur. En effet, on l’observe assez souvent, comme avec la baisse de la TVA au restaurant : on est dans un secteur fort serré au niveau des marges et donc la tentation pourrait exister de profiter de cette baisse sur le prix des fruits et légumes par exemple”.
D’après Philippe Defeyt, il est possible d’améliorer le projet de réforme autour de deux axes. D’une part via la transformation de réductions fiscales en crédits d’impôts immédiatement et intégralement remboursables, quitte à accorder un net supérieur au revenu imposable brut pour les petits salaires. “Il faut introduire de manière claire et nette ce crédit d’impôt pour aider et soulager les petits ménages”, précise-t-il.
Et d’autre part en allégeant le taux d’imposition sur tout ou partie de la seconde tranche d’imposition et pas uniquement sur les revenus imposables supérieurs à 41.360 €/an.