Attentats de Bruxelles: les témoignages des conducteurs de métro en point d'orgue d'une journée forte en émotion

Maryse Masset travaille à la Stib, elle était de service à la station Arts-Loi le 22 mars vers 09h10. Avec des collègues et des militaires, elle a fait évacuer cette vaste station où se croisent les lignes 1-5 et 2-6, située à quelques centaines de mètres de Maelbeek.

Procès des attentats à Bruxelles - Pas de fouilles à nu avec génuflexion pratiquées sur les accusés mardi
Procès des attentats à Bruxelles ©BELGA

Les témoignages du conducteur du métro dans lequel le kamikaze de Maelbeek s'est fait exploser le 22 mars 2016 et celui de sa collègue qui conduisait la rame venant en sens inverse ont marqué par leur émotion l'audience de mercredi du procès des attentats à Bruxelles. Ils ont été précédés, plus tôt dans la journée, par les dernières victimes de l'aéroport de Zaventem souhaitant témoigner qui sont venues faire part de leurs vécus. Zaventem, "c'était le début de la fin de celle que j'étais". C'est par ces mots que Nathalie Dexpert, une Française qui se trouvait dans la zone de récupération des bagages de l'aéroport au moment où les bombes ont explosé à l'étage supérieur, a décrit les changements drastiques que les attentats ont provoqué dans sa vie. "J'ai peur de tout, je n'ai plus confiance en personne. J'ai pris 30 kilos, ça m'a enlevé ma confiance en moi. Toute ma vie a changé", a-t-elle expliqué à la c

Six membres de la famille de Fabienne Vansteenkiste, décédée lors de l'attaque à l'aéroport de Zaventem, se sont ensuite présentés devant la cour d'assises pour évoquer la mémoire de la disparue et leurs vécus respectifs.

"Ma fille ne va pas bien, elle était en osmose avec Fabienne et elle a développé des tocs, des peurs. Elle fait de l'art thérapie", a expliqué le compagnon de la fille de Fabienne en montrant un masque orné d'un cœur à l'extérieur et de gribouillages sombres sur l'autre face. "L'intérieur de ce masque représente ce qu'elle ressent, il est marqué 'peur'."

Plusieurs des proches de Fabienne Vansteenkiste ont également exprimé leur rancœur envers les accusés. "Je ne sais pas s'ils ont déjà demandé pardon lors de ce procès, mais s'ils ne l'ont pas fait, il est difficile de leur accorder", a notamment dit Philippe Vansteenkiste, le frère de la victime.

Vive émotion au procès des attentats à Bruxelles: "Jamais, au grand jamais, je ne leur pardonnerai!", assène une victime

Maryse Masset, travailleuse à la Stib, a alors ouvert le bal des témoignages concernant l'attentat à Maelbeek. Celle-ci a expliqué s'être sentie "totalement abandonnée" par son employeur. "Au nom de tous mes collègues, je veux dire qu'on a eu un sentiment d'abandon total. Il n'y a eu aucune communication pour nous dire quoi que ce soit, ce qu'on devait faire" sur le moment même. Si son employeur lui a bien proposé un suivi psychologique, le changement régulier des professionnels l'a poussée à arrêter la thérapie.

Elle a été suivie dans l'après-midi par une autre employée de la Stib. Cindy Bulinckx conduisait le métro qui venait en sens inverse à celui dans lequel s'est fait exploser le kamikaze à Maelbeek. Elle a raconté comment elle avait agi en "mode automatique" ce jour-là. Les retombées des attentats l'ont frappée de plein fouet : sept ans plus tard, elle souffre toujours d'insomnies, d'anxiété, de troubles émotionnels, de mémoire et de tension, entre autres. Elle ne peut plus prendre le métro. Toujours employée à la Stib, après plusieurs postes testés, elle dit avoir également subi du harcèlement moral de la part de collègues qui ne comprenaient pas ce qu'elle avait vécu.

Comme d'autres victimes avant elle, Mme Bulinckx a dénoncé l'attitude des assurances. La sienne a notamment confondu son dossier avec celui d'une autre travailleuse de la société des transports bruxellois, et lui a dit sur base du mauvais qu'elle n'était plus couverte pour accident de travail.

C'est sous le coup d'une émotion évidente que Christian Delhasse, le conducteur du métro dans lequel le kamikaze de Maelbeek s'est fait exploser le 22 mars 2016, a ensuite pris la parole. L'homme a narré comment il avait tenté de sauver les personnes se trouvant dans sa rame mais a également fait part d'un immense sentiment de culpabilité. "Le conducteur du métro est responsable de toutes les personnes qu'il transporte, je suis désolé pour toutes les familles des victimes. Je m'en veux, car ces 16 personnes sont montées dans ma rame en toute confiance", a-t-il regretté.

Le témoin a aussi confié n'avoir plus aucun goût à la vie. "Je pensais pouvoir oublier, mais je n'y arrive pas, j'ai des problèmes de mémoire, je ne supporte plus le bruit, je déteste la foule. J'évite les transports en commun, ce qui a fortement impacté ma mobilité, je vis en confinement depuis 2016", a-t-il expliqué. "Je n'ai plus confiance en nos institutions ni en personne, je n'ai plus confiance qu'en les animaux. Je n'attends plus rien de ce monde dans lequel je survis. Plus de but, plus de projet, la vie n'a plus d'intérêt. Je tiens à remercier l'association Life4brussels, sans eux, j'aurais depuis longtemps lâché prise."

Une victime se confie au procès des attentats de Bruxelles: "Le seau était plein mais, là, il a débordé"

Les deux derniers témoins de la journée étaient des proches de My Atlegrim, décédée dans le métro à Maelbeek. Son compagnon de l'époque a déroulé un témoignage en forme d'hommage évoquant une jeune femme présentant "des traits d'esprit remarquables, intelligente et cultivée, raffinée, généreuse et enthousiaste".

Cela a été "un véritable parcours du combattant pour réapprendre à vivre sans elle à mes côtés. Il fallait que j'apprenne à être autonome alors que je ne voulais pas accepter sa mort", a confié le jeune homme. "J'ai dû traverser toutes les étapes du deuil, à commencer par le déni." Hospitalisé à deux reprises pour choc post-traumatique, "ce n'est que sept ans après que je considère que notre relation appartient au passé, et je suis prêt à vivre ma vie en dehors de ma condition de victime", a-t-il déclaré à la cour.

Sa mère, Marie-Hélène Vanardois, a, elle, tenu à remercier l'association Life4Brussels et d'autres victimes des attentats. "Nous n'aurons pas assez de notre vie pour les remercier. Ce soutien totalement bénévole nous a énormément touchés. (...) Une solidarité et bienveillance à toute épreuve, au détriment de leur vie personnelle", a-t-elle affirmé.

Tous les accusés détenus ont assisté aux témoignages du jour à l'exception de Bilal El Makhoukhi, souffrant et couvert par un certificat médical pour ces mercredi et jeudi. Smail Farisi était également présent, au contraire de son frère Ibrahim.

La présidente de la cour, Laurence Massart a également présenté mercredi une projection du calendrier jusqu'à la fin du procès. Sous réserve que tout se passe comme prévu, la délibération sur la culpabilité des accusés devrait avoir lieu au mois de juillet alors que les débats et la délibération sur la peine, dans le cas où au moins l'un des dix accusés est reconnu coupable, se tiendront en septembre, après les vacances judiciaires.

Les derniers annonces avec LOGIC-IMMO.be

Vous êtes hors-ligne
Connexion rétablie...