Gérard, 71 ans et pratiquement aveugle, vit un calvaire à cause des trottinettes mal garées : “Je me blesse toutes les semaines mais rien ne change”
Une enquête de la Ligue Braille met en lumière les problèmes de mobilité auxquels font face les personnes aveugles et malvoyantes. Il en ressort notamment que 55 % des personnes interrogées ne se sentent pas en sécurité sur la voie publique et l’obstacle principal est la trottinette.
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Publié le 19-03-2023 à 19h22
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Ce lundi 20 mars débute la Semaine de la Ligue Braille, une édition qui sera cette année marquée par une campagne de sensibilisation autour de la mobilité des personnes aveugles et malvoyantes. D’après une enquête réalisée par la Ligue, plus de 8 personnes aveugles et malvoyantes sur 10 sortent aujourd’hui tous les jours ou presque. Ils étaient 7 sur 10 en 2013, année de la précédente enquête à grande échelle réalisée sur la mobilité.
“Dix ans plus tard, nous avons posé les mêmes questions et fait le point sur ce qui a été fait et ce qui reste à faire, il en ressort que 73 % de nos sondés utilisent les transports en commun, indique Sylvie Degrelle, porte-parole de la Ligue Braille. 53 % en sont satisfaits mais 55 % ne se sentent pas en sécurité sur la voie publique et l’obstacle principal est la trottinette. Un obstacle qui n’existait bien évidemment pas en 2013”. Comme en 2013, on apprend que le premier moyen de déplacement des personnes aveugles et malvoyantes reste les transports en commun. 73,2 % des sondés de 2022 les utilisent (contre 53 % en 2013).
"Ce sont vraiment des obstacles qui sont imprévisibles"
Du haut de ses 71 ans, Gérard Barillot les emprunte au quotidien. Pratiquement aveugle à cause d’une myopie dégénérative, il utilise une canne blanche électronique pour se déplacer. “J’ai perdu la vue il y a deux ans mais je continue de bouger tous les jours, confie ce féru de sport. Dès l’âge de 18 mois, on m’a assuré que je serais aveugle à l’âge de 14 ans et finalement, la déficience de ma rétine ne s’est vraiment accélérée qu’à partir de 68 ans. Aujourd’hui, je vois tout flou et je n’arrive pas à distinguer les gens mais je reste hyperactif et je bouge le plus possible. Dans les transports, ce n’est pas tous les jours facile mais je n’hésite pas à demander de l’aide autour de moi”.
En 2022, l’organisme a demandé à ses sondés de classer les obstacles rencontrés sur la voie publique, par ordre de dangerosité. Sans surprise, la trottinette et le scooter arrivent en tête. Pour 22,9 % des sondés ce sont les obstacles qui posent le plus de problèmes – surtout à Bruxelles où près d’un sondé sur 2 (49 %) les désigne prioritairement. De plus, 22,7 % citent le mauvais état de la voirie comme premier obstacle.
“Les pouvoirs publics doivent s’emparer de cette problématique”
“Les trottinettes électriques partagées, c’est la plus grande catastrophe, raconte celui qui est pensionné depuis deux ans. Certains nous passent devant comme s’ils étaient en voiture, font des queues de poissons ou tapent sur notre canne, c’est insupportable. Dans tous les cas, je ne me laisse pas faire. Et le plus dérangeant, c’est que de nombreuses trottinettes sont garées en plein milieu du trottoir ou de la voie publique. Le problème, c’est que si elle est devant moi, avec le guidon à gauche par exemple, je ne la vois pas quand je balaye avec ma canne. Il arrive donc très souvent que je me tape le bas des jambes dessus, je me retrouve alors avec des plaies ou des hématomes, et même parfois au niveau des genoux”.
Depuis l’apparition des trottinettes électriques partagées, il faut dire que circuler sur les trottoirs des grandes villes est devenu complexe pour les personnes à mobilité réduite. Face à cette problématique, Gérard est catégorique : les pouvoirs publics doivent offrir un cadre qui impose aux utilisateurs de trottinettes et aux organismes qui mettent les trottinettes en libre-service de stationner à des endroits précis.
“Pour nous, elles représentent des obstacles qui sont vraiment imprévisibles, déplore-t-il. On les déplace tellement souvent qu’on ne sait rien anticiper, donc ce sont des obstacles vraiment très gênants. Résultat, je me blesse toutes les semaines à cause de ça. Récemment, il y avait même une trottinette garée devant chez moi et je n’arrivais pas à rentrer, je suis resté bloqué un moment devant le hall d’entrée. Cela fait des mois que je demande que des espaces bien délimités et dédiés à cet effet soient mis en place mais j’ai l’impression que nous ne sommes jamais entendus, et c’est assez énervant. Pourtant, ce serait beaucoup plus facile pour tout le monde”.