Restaurants, Jazz Station, kots étudiants... : la SNCB se débarrasse de ses vieilles gares, qui se transforment
En dix ans, près de 59 stations ferroviaires ont été revendues. Et une quinzaine le seront encore cette année
Yannick NatelhoffMathieu LadevezeMarc BechetPublié le 20-03-2023 à 07h09 - Mis à jour le 20-03-2023 à 09h17
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Jusqu’au milieu du XXe siècle, à une époque où la voiture, objet de luxe, n’était encore réservée qu’aux élites, le train était encore l’un des moyens de transport les plus efficaces et rapides pour se rendre d’un point A à un point B. Mais la démocratisation de l’automobile générée par l’industrialisation massive aura changé le paradigme : désormais, le premier moyen de transports des Belges est devenu la voiture, loin devant le rail.
Avec une conséquence majeure : certaines gares, principalement dans les plus petites communes, sont devenues totalement obsolètes. Et si la SNCB a longtemps continué d’entretenir ces infrastructures dont certaines au patrimoine architectural certain, conserver certains bâtiments relèverait davantage de la gabegie. Si bien que la SNCB se débarrasse régulièrement de ses vieilles gares. “Certaines ont perdu leur utilité avec le temps et l’évolution des usages, confie Marianne Hiernaux, porte-parole de la SNCB. La SNCB met donc en vente divers bâtiments dont elle n’a plus l’utilité pour ses missions de service public, comme la gare de Nivelles où un nouveau bâtiment plus fonctionnel a dernièrement vu le jour. L’objectif est simple : donner à ces bâtiments de caractère une seconde vie et les revaloriser. De façon régulière, la SNCB évalue l’état de son patrimoine et établit la liste des actifs qui peuvent être valorisés. Lorsqu’un bâtiment n’est plus utile aux missions de service public de la SNCB, la meilleure valorisation est recherchée : vente, mise en concessions ou emphytéose.”
Sur les dix dernières années, la SNCB a ainsi revendu 59 de ses gares, dont quinze rien que l’année dernière : celles d’Uccle, Graide, Quaregnon, Tilleur, Sclaigneaux, Lebbeke, Heist, Franière, Esneux, Floreffe, Blaton, Poix-Saint-Hubert, Balen, Pieton et enfin Beervelde. Deux sont encore en vente (Hamoir et Jemeppe-Sur-Sambre) et dix seront encore mises en vente en 2023 : celles de Bornem, Erquelinnes, Florenville, Manage, Melreux-Hotton, Moustier, Poulseur, Quiévrain, Temse et Willebroek. Enfin, pour cinq gares, la consultation de marché est finalisée mais le compromis pas encore signé. “En pratique, chaque dossier est analysé avec attention selon qu’il abrite encore des installations techniques, qu’il doit encore héberger des activités de services publics tels qu’une salle d’attente, qu’il se situe à proximité d’une ligne en activité ou non, si les trains s’y arrêtent ou non…, précise Marianne Hiernaux. Des contacts sont alors systématiquement pris avec les autorités locales afin d’imaginer des reconversions qui puissent s’intégrer et répondre aux besoins de la localité. Pour certains bâtiments, disposant encore parfois d’installations techniques nécessaires à la mission d’opérateur de transport, les bâtiments seront parfois proposés en emphytéose ou en baux commerciaux. Le fil rouge de nos décisions, c’est que la gare et son environnement doivent être au maximum un lieu de vie. Une gare ne doit en effet pas être un endroit déconnecté de la réalité, elle doit être intégrée dans son environnement.”
Certaines ont été transformées en restaurant, d’autres en bibliothèque, d’autres en café ou salle de concert. “Le nombre de bâtiments de gares inexploités mis en vente varie d’année en année et fait souvent l’objet de magnifiques reconversions par les acheteurs. Les idées foisonnent par les acquéreurs qui sont des communes, des collectifs citoyens ou des particuliers. Ces bâtiments inexploités sont vendus selon le principe de l’appel d’offres.”
Actuellement, la gare de Jemeppe-sur-Sambre, d’une surface de 721 m², est affichée au prix de base de 159.000 €. Celle de Hamoir, 356 m², à 138.000 euros.
La gare d’Hamois transformée en restaurant

Construite en 1877, la gare de Hamois a fait l'objet d'importantes rénovations il y a une dizaine d'années. Transformée en restaurant, elle a accueilli dès 2015 un premier chef, Gregory Gillain, qui y a ouvert la Gare d'Hamois (NdlR : aujourd'hui la Grange d'Hamois, qui a déménagé et qui vient d'obtenir 1* au Michelin). Depuis un an, c'est le restaurant Entre Nous, qui propose de la cuisine française, qui y a établi ses quartiers. "Nous avons perdu notre restaurant situé à Biron (Ciney) à la suite d'un gros incendie. La gare d'Hamois était libre et j'ai eu un coup de cœur pour ce bâtiment", explique la gérante du restaurant Sylvie Domine.
Cette ancienne gare apporte un cachet supplémentaire. Tout en longueur, le bâtiment dispose également d'une hauteur sous plafond plus importante. "La structure du toit, métallique et en bois, est apparente. On a aussi apporté de la couleur via le mobilier. Il y a également un wagon devant le bâtiment que nous aménageons pour accueillir d'autres clients."
Jazz Station à Saint-Josse-ten-Noode, une gare pas comme les autres

Les plus jeunes ne s’en aperçoivent certainement pas. Avant de devenir un des hauts lieux du jazz à Bruxelles, la Jazz Station était une gare, particulièrement originale d’ailleurs car le bâtiment avait été construit au-dessus des voies de chemin de fer. Une gare passerelle, très rare en Belgique. Inaugurée en 1885, cette gare affiche un style “néo-Renaissance flamande mêlée d’éléments du baroque brabançon”, lit-on sur le site de la Jazz Station, qui puise ses informations du très documenté travail de Paul Delaby.

Classée en 1996, cette gare pas comme les autres a été désaffectée après la 1re Guerre Mondiale. Au début des années 2000, le bourgmestre de Saint-Josse Jean Demannez signe un bail emphytéotique avec la SNCB pour aménager le site en centre culturel dédié au jazz. Le socialiste décédé fin 2021 était un très grand fan de jazz. La restauration du site a permis aux façades et toitures de retrouver leur aspect original.
Aujourd’hui, la Jazz Station accueille les plus grands artistes de jazz de la planète.
Une gare discothèque devenue… immeubles de kots !

Ne dites plus gare Jonfosse mais bien Liège-Carré. Comme d’autres gares liégeoises en effet, celle nichée dans l’étriqué quartier Jonfosse à Liège, à mi-chemin entre les Guillemins et la place Saint-Lambert, a en effet changé de patronyme en 2018… caprice de la SNCB pensent encore de nombreux Liégeois.Mais de gare, voici en fait de nombreuses années qu’il n’en est plus question, ici. Jonfosse, c’est en effet depuis presque toujours un “arrêt”.
Mise en service en 1877, la halte Liège-Jonfosse sera dotée en 1881 d’un imposant bâtiment de style néoclassiques… la gare en question. Mais dès 1930, celle-ci est fermée et investie par les Archives de l’État.Après plusieurs années d’inoccupation, le bâtiment est racheté en 1996 par Fabrice Lamproye (notamment) ; celui qui créera des années plus tard le festival des Ardentes y développe alors la Soundstation, salle de concerts et d’enregistrement atypique et réputée à l’époque.
Mais le lieu est fermé en 2008… il faudra attendre 2015 pour que le bâtiment toujours aussi imposant soit racheté et transformé par le bureau DSH qui créera ici 57 kots étudiants ; coût de l’opération : 6 millions d’euros.Cette “Studentstation” abrite donc aujourd’hui des kots de 20 à 45 m² plutôt haut de gamme. Chaque espace est équipé d’une salle de bains d’une cuisine privative et plusieurs espaces communs sont aussi accessibles.