Le greffier du parlement wallon, Frédéric Janssens, s’exprime pour la première fois: "Je suis innocent, je n’ai rien à me reprocher"
Plaintes pour harcèlement, explosion des coûts de la maison des parlementaires, voyage à 20.000 € à Dubaï, suspension grassement rémunérée, attribution des marchés publics : le greffier répond enfin. Un entretien exclusif avec la chaîne LN24, à découvrir en vidéo.
Publié le 24-03-2023 à 17h54
Beaucoup a été dit et écrit sur lui. Mais Frédéric Janssens, le greffier déchu du Parlement wallon, cheville ouvrière du scandale qui a frappé l’institution politique, s’était, lui, jusqu’alors tu dans toutes les langues. Ce silence, l’homme, critiqué de toutes parts, a choisi de le rompre après avoir été “respectueux des règles”.
Entendu ce jeudi durant plusieurs heures par les enquêteurs, c’est au micro de Martin Buxant, sur LN24, ainsi qu’à nos confrères de la Libre, qu’il a choisi de longuement se confier, cette échéance juridique désormais derrière lui.
L’explosion des dépenses publiques, les lourdes accusations de harcèlement moral qui portent sur lui, les voyages fastueux à Dubaï et ailleurs : tous les thèmes chauds ont été évoqués avec l’ex-greffier, suspendu mais qui, pour rappel, touche toujours une confortable rémunération publique.
”Combatif et respectueux des règles”
De manière générale, l’ex-greffier veut renvoyer l’image d’un homme serein, dès l’entame de l’entretien, à voir en télé dans “Premiers sur l’info” (sur LN24, à 18h ce vendredi) ainsi que dans “Les Visiteurs du Soir”, vers 21h. “Je souhaite que la vérité triomphe. Je n’ai rien à me reprocher, et il n’y a pas eu un euro d’enrichissement public. Voilà des mois que j’entends des caricatures sans fin quant au fait que j’aurais pris des décisions seul, que j’aurais puisé dans les caisses… Qui imagine un instant dans un environnement aussi contrôlé qu’un parlement, une telle chose est possible ?”, introduit-celui qui se clame “innocent”, et “combatif” à l’idée de le démontrer.
”J’ai pu commettre des erreurs, d’appréciation et de discernement”
Dans le volet des griefs reprochés au greffier, il y a le climat de terreur qu’il aurait fait régner au parlement, sur ses collaborateurs. 10 plaintes à son encontre ont été adressées à l’auditorat du travail. “Ces plaintes, je n’en ai pas connaissance, rétorque Frédéric Janssens. J’ai demandé accès au dossier, mais cela n’est actuellement pas possible.” Sur le fond, Frédéric Janssens aimerait “simplement dire que nous avions des objectifs à atteindre et des moyens à mettre en oeuvre.”
"Je regrette profondément que des membres du parlement aient souffert de leurs conditions de travail."
Sans qu’on puisse parler de mea culpa ou de franche reconnaissance de torts, il admet : “J’ai pu commettre des erreurs, d’appréciation et de discernement. Je reconnais aussi avoir pu manquer d’empathie. Il y a des mots et des comportements qui en fonction des circonstances peuvent être mal perçus par les uns et les autres. Pour le dire encore plus clairement, je regrette profondément que des membres du parlement aient souffert de leurs conditions de travail. Pour le reste, j’attends de voir les plaintes…”
Comme le rappelle Martin Buxant en plateau, des mots très durs auraient été prononcés. “T’es à la morgue à midi”, aurait ainsi lancé le greffier. “Déjà, ce ne sont pas des menaces de mort. Je n’ai jamais espéré la mort de personne. Ce sont des propos qui ont été tenus dans une conversation très longue, délicate et d’homme à homme, qui dépasse largement le cadre d’une relation hiérarchique de travail. Mais je n’en dirai pas plus, je garde mes explications pour l’auditorat du travail.”
Quant au climat délétère, Frédéric Janssens botte en touche. “Je ne faisais pas régner le stress, mais mon stress a pu se manifester sur les équipes. Je démens le fait que j’aurais soi-disant passé tout mon temps à hurler au bureau.”
Dépenses publiques qui explosent : “Chaque budget, chaque dépense, ont été votés”
Interrogé sur l’explosion des dépenses publiques au sein du parlement wallon, Frédéric Janssens a également répondu. Notamment sur la question de l’explosion des coûts de la fameuse maison des parlementaires et du tunnel. “Je comprends que ces sommes intriguent et parfois inquiètent, indique Janssens. Mais on compare des choses non comparables, comme le gros œuvre et un bâtiment terminé. Ensuite, il faut rappeler qu’un budget c’est une prévision, et que dans beaucoup d’institutions publiques et privées, ils sont régulièrement dépassés. La question est de savoir si ces dépenses sont approuvées. Et c’est le cas. Ces budgets ont été votés, tout le monde était averti. Ce n’est pas moi, greffier, qui me suis levé un matin en me disant 'On va construire une maison des parlementaires, et je règle avec la carte de crédit du parlement'…”
20.000 € dépensés en trois jours à Dubaï : “Ce sont les prix du marché”
On a beaucoup parlé du voyage du greffier à Dubaï, en compagnie de Jean-Claude Marcourt. Vols en première classe, grands hôtels et grands restaurants : l’ardoise finale a flirté avec les 20.000 euros de dépense pour trois jours. De l’argent public, bien entendu.
Qu’en dit Frédéric Janssens ? “Il y a eu une décision politique pour ce voyage, qui a été approuvé. Quant aux prix, ce sont les prix du marché. Je reconnais qu’ils peuvent sembler énormes pour beaucoup de gens, mais c’est la réalité. Et en est-il autrement dans les autres déplacements du pouvoir public ?”
"Je n'ai jamais voyagé aux frais de la princesse"
Le greffier ajoute : “Je n’ai jamais voyagé aux frais de la princesse. Toutes mes dépenses de minibar, de blanchisserie, etc., bref, tout ce qui relève du privé a toujours été payé avec mes deniers personnels.”
Sa suspension grassement rémunérée ? “Moi, je ne demande rien d’autre que de retourner travailler et justifier mon salaire”
Dans cette affaire aux multiples facettes, l’un des volets qui choque le plus les citoyens est que, depuis sa suspension, Frédéric Janssens bénéficie toujours de son salaire, sacrément confortable, de 9.000 € par mois. Il vient d’être suspendu pour une deuxième période de six mois, avec, cette fois, une diminution de ses revenus de l’ordre de 20 % ainsi que la fin de certains avantages en nature dont il bénéficiait, comme l’usage d’une voiture de fonction.
”Vous savez, moi, je ne demande rien d’autre que de retourner travailler et justifier mon salaire. Je n’ai pas demandé à être suspendu. Pour le reste, ce n’est pas moi qui fixe mon salaire : c’est le parlement qui a arrêté le montant des rémunérations des hauts fonctionnaires. Et je ne suis pas celui qui, parmi eux, gagne le plus.”
Des fonctionnaires qu’il ne manquera pas de tacler en fin d’interview, où, sur un ton plus offensif, le greffier a asséné : “J’en veux aux fonctionnaires du parlement, encouragés par certains parlementaires, qui se sont sentis attaqués par la réforme du statut, et qui ont vu le risque de voir leur petite fin de carrière dorée menacée…”