En visite chez Frédéric Cauderlier, passé de RTL à Monaco en passant par Charles Michel: "Je ne regrette pas les embouteillages belges"
En visite chez cet ex-journaliste belge qui s’occupe de la com du gouvernement monégasque
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Publié le 25-03-2023 à 11h13
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Nous en avons tous rêvé sans avoir osé franchir le pas. Après un premier chapître comme journaliste politique sur RTL-TVI durant 12 ans, un second en tant que directeur de la communication de Charles Michel, au MR puis au sommet de l’état en tant que Premier ministre, Frédéric Cauderlier a changé de vie.
Avec sa femme Florence et leurs deux filles Eugénie et Ernestine, il a posé ses valises sur le rocher, à Monaco. Plus précisément à Fontvieille où il occupe un appartement avec une vue imprenable sur une mer turquoise. Depuis septembre 2019, le Belge occupe le poste de conseiller auprès du gouvernement princier et drive aussi la com’ et la stratégie d’entreprises belges et parisiennes. Ici, le soleil brille plus de 300 jours par an. “ Je suis venu pour le job, pas pour le climat même si je ne me plains pas “, dit-il.
Lors d’un déplacement personnel dans le sud de la France, nous l’avons retrouvé. Rendez-vous sur la terrasse des “ Perles de Monaco “, un restaurant de fruits de mer avec la mer et l’arrière du célèbre Musée Océanographique comme seuls voisins. Ah non ! Deux mouettes plutôt indiscrètes (ou espionnes?) ont suivi toute la conversation. Voici la vie de celui qui croise régulièrement Lewis Hamilton, Philippe Gilbert ou Novak Djokovic.
Comment un “ petit “ Belge débarque au cœur des institutions monégasques ?
Au milieu d’une mission avec Charles Michel pour l’inauguration d’éoliennes en Mer du Nord en mars 2019, je reçois un coup de fil du ministre d’Etat. Thème : m’occuper de la stratégie de communication du gouvernement, défendre l’image de Monaco à l’étranger, etc… Après plusieurs heures d’échange à Monaco et une audience, passage obligé dans la Principauté, avec le Prince Albert, je décide de sauter le pas.
Pourquoi ne pas suivre Charles Michel à l’Europe ?
C’est un univers fermé. L’administration y est plus forte que les cabinets. Je n’avais pas envie de palabrer durant des heures pour une virgule dans un communiqué. Je ne voulais pas devenir Monsieur Charles Michel. Nous avons vécu une belle histoire professionnelle et humaine mais nos chemins devaient se séparer.
Nous supposons que votre famille a sauté de joie ?
Non ! Mon épouse Florence n’était pas d’accord. Il fallait prendre en compte de nombreux paramètres : la santé de nos enfants, leur scolarité en néerlandais, le travail de ma femme (elle s’est lancée dans la location saisonnière),… Durant la première année, j’effectuais des allers retours lors des weekends. Durant la Covid, j’ai été coincé à Monaco seul durant 3 mois. Cela a changé la donne et ma famille m’a rejoint.

La question taboue : gagnez-vous mieux votre vie ?
Je ne vais pas être jésuite. Oui, je gagne mieux ma vie mais, comme Florence a dû démissionner de son boulot, la différence est minime. C’est l’attrait d’une expérience plus que le salaire qui m’a séduit. Contrairement à la Belgique, cela change de travailler pour un état ultra stable depuis plus de 700 ans. Nous y pensions sans jamais oser. Aujourd’hui, les enfants ne veulent plus retourner en Belgique. Pourtant, lors de leurs premiers mois, elles ne lisaient ni n’écrivaient le français.
Quel mandat avez-vous?
Un mandat annuel renouvelable. La durée n’est pas importante. J’ai connu des collègues à RTL qui ont été licenciés après vingt-cinq ans dans la boîte.
"J'avais envie de sortir de ma zone de confort. A RTL, j'ai connu des collègues avec 25 ans de maison qui ont été virés"
Toute la Belgique vous envie de vivre au soleil. La vie à Monaco est-elle aussi idyllique que nous le pensons ?
L’homme s’adapte à tous les climats mais, en Principauté, c’est la lumière qui fait la différence. Presque davantage que le soleil. Nous apprécions aussi le caractère international de ce petit territoire de deux kilomètres carrés. Nous avons des amis qui proviennent du monde entier. Je ne regrette pas les embouteillages matinaux sur la E40 à Bertem (il sourit). Je suis à six minutes de mon bureau à vélo électrique…belge.
Avez-vous coupé les ponts avec la Belgique ?
Au contraire. Je me sens profondément belge. J’aime encore plus mon pays depuis que je suis à Monaco. Il n’y a pas que le bling-bling ici. Mes collègues ne sont pas des millardaires mais des fonctionnaires normaux. Le Monégassque de souche ne peut par exemple être uniquement locataire car les logements coûtent trop cher.

Et l’image de paradis fiscal qui colle à la peau de Monaco ?
C’est faux. C’est un pays où l’on paie le juste impôt. N’oubliez pas que l’état doit financer les logements sociaux, l’enseignement, les hôpitaux,… Seul l’impot sur le revenu a disparu depuis 1878. Mais une entreprise qui réalise plus de 25% de ses revenus à Monaco paie 34% d’impôts.
"Depuis que je vis à Monaco, je me sens encore plus belge"
Pensez-vous que ce système soit transposable en Belgique ?
J’y ai réfléchi. Différence notable : la Belgique fait partie de l’Europe, pas Monaco. Mais notre pays de 3.000 mètres carrés est très attractif : multilinguisme, deuxième port d’Europe, le siège de l’OTAN, des communautés européennes,… Quand je suis arrivé à Monaco, les locaux m’ont traité de fou parce que je quittais Bruxelles.
Avez-vous des contacts réguliers avec le Prince Albert ?
Pas quotidiens mais fréquents. Il est très présent dans son pays avec au moins une activité par jour. Il a une relation très forte avec la Belgique et sa communauté présente à Monaco. La communauté noir-jaune-rouge est la 5e en ordre d’importance sur le rocher. Il y a une avenue, un boulevard, la fête nationale le 21 juillet devant le monument d’Albert Ier. La seule ville jumelée avec Monaco est Ostende.

Ne vous manque-t-il rien de la Belgique?
Les frites mayo ! Plus terre-à-terre, l’esprit belge de franche camaraderie et les relations simples non dictées par les fonctions des uns et des autres. A Monaco, il reste un côté vieille France.
Durant plus de dix ans, vous avez été le journaliste politique vedette de RTL-TVI, comment avez-vous effectué à l’époque le passage en tant que directeur de la communication du MR ?
Avant la proposition de Charles Michel, alors président du MR, j’avais déjà eu des touches avec différents partis. A 35 ans, j’avais l’impression d’avoir fait le tour de la maison RTL. On bougeait de moins en moins. Je voyais des collègues plus âgés que moi aigris et je n’avais pas envie de leur ressembler. Directeur de com du 2e parti francophone en pleine relance et avec la possibilité d’avoir un impact réel, j’ai dit go.

Lorsque Charles Michel est devenu Premier ministre en 2014, le suivre était-il naturel ?
Cela n’a pas fait l’ombre d’un doute. J’ai encore en mémoire un soir où Charles Michel lance : “ Je crois que je vais être Premier ministre “ J’ai éclaté de rire car cela me semblait improbable qu’un francophone succède à Elio Di Rupo mais il a toujours deux coups d’avance.
Durant ces 5 ans, vous avez dû collectionner les souvenirs marquants.
J’ai été particulièrement imprégné par la première intervention à la Chambre avec un groupe PS qui empêchait le Premier ministre de s’exprimer. Ce 6 octobre 2014 m’a profondément marqué car c’est la première fois que je me suis rendu compte que notre système démocratique n’est pas aussi bétonné qu’on le pense. Un groupe politique estimait qu’on lui avait volé le pouvoir. Son pouvoir.
Avec le recul, pourquoi le MR y a été solo avec la NVA ?
Si le MR ne le faisait pas, la Belgique aurait traversé une grave crise institutionnelle. Nous sommes revenus à une logique d’un gouvernement gagnants/perdants des élections. Sans oublier l’unité de vue en ce qui concerne la politique socio-économique. La NVA a commis une erreur historique en quittant le gouvernement (c’était sur le Pacte de Marrakech). Il a ouvert la voie au Vlaams Belang. Aujourd’hui, il y a trois partis francophones mous qui s’engueulent tous le temps. Aucun ne se démarque.
Quelles sont aujourd’hui vos relations avec Charles Michel ?
Ce n’est plus mon patron, nos contacts sont différents. Ce n’était pas un divorce mais des opportunités professionnelles. Nous n’avons qu’un an de différence. On se comprend.
Il connaît le milieu politique belge comme sa poche : " Georges-Louis Bouchez infréquentable ? C’est du folklore "

Durant près de dix ans, Frédéric Cauderlier a côtoyé de près tout le microcosme politique belge. Et a notamment vu arriver cette nouvelle génération dont Georges-Louis Bouchez, ce président du MR dont le style dépote…
Que pensez-vous de son style de gouvernance ?
J’ai encore en mémoire une nuit électorale dans la cafétaria du MR où son élection tanguait d’heure en heure. Il a raison sur beaucoup d’aspects : la politique, c’est un rapport de force. Personne ne sera gentil avec le MR. Infréquentable ? C’est du verbiage et du folklore. Le président du MR l’a toujours été : Reynders, Michel et maintenant Bouchez.
Sa stratégie est-elle la bonne ?
Il prend des risques comme Charles Michel l’a fait avec la NVA. Il n’est pas comme les autres, donc il clive. Il doit parfois être plus mesuré et ne pas passer pour un pro de la politique. Le discours pour le discours, cela déconnecte des réalités. Il pourrait passer pour un parti trop disruptif dans le discours mais pas dans les actes.
"Georges-Louis Bouchez prend des risques de manière courageuse"
Et sa propension à twitter à tout va (même s’il semble s’être un peu calmé) ?
Je ne le ferais pas de manière aussi immédiate et impulsive. Charles Michel ne répondait jamais à titre personnel. Il ne faut pas confondre la marque MR avec GLB. Il s’expose de manière courageuse. Ce que d’autres ne font pas mais cela l’isole un peu.
Peut-il devenir Premier ministre comme il en rêve ?
Tout est possible. Il y a 15 ans, on prédisait que jamais il y aurait un Premier ministre MR. Je suis plutôt fier d’avoir fait partie d’une génération qui a amené des ministres et qui a permis à Sophie Wilmès de devenir la première femme Première ministre de Belgique
Un poste de député ne vous aurait-il pas intéressé ?
Bof. On me l’a proposé mais je préfère être à Monaco qu’au parlement. Un jour peut-être…
Qu’allez-vous faire après votre mission à Monaco ?
J’ai 46 ans. A cause de Charles Michel, je dois encore bosser 21 ans (il rit). Monaco m’a appris à sortir de mon confort. Londres, New-York, Montréal,… tout est envisageable. Pour autant que ma famille m’accompagne.