André Frédéric, nouveau président du Parlement wallon: "Il est impossible pour moi d'imaginer que l’on vienne travailler la peur au ventre"
Le socialiste nous présente les changements instaurés dans l’institution durant les trois mois qui ont suivi son arrivée à la présidence.
Publié le 30-03-2023 à 06h39 - Mis à jour le 30-03-2023 à 10h19
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Cette année, André Frédéric aura 65 ans. Ce sera l’occasion pour lui de revenir sur une longue carrière, d’abord comme enseignant, puis dans le monde de la politique. Après 20 années à la Chambre, dont plusieurs comme vice-président, le socialiste s’est posé au parlement wallon en 2019 où il est devenu chef de groupe. Le 21 décembre, à la suite des scandales éclaboussant à la fois le président du parlement Jean-Claude Marcourt (PS) et le greffier Frédéric Janssens, il devient président de l’institution parlementaire.
”On était dans un contexte particulier de crise puisqu’il y avait eu la démission d’un bureau, la suspension – à sa demande – d’un greffier et une crise interne au greffe”, rembobine André Frédéric. “Je précise que cette crise ne se produisait pas dans le bâtiment du parlement, mais bien au greffe. Les lieus étant dispersés dans Namur, les contacts ne sont pas réguliers entre les parlementaires et les fonctionnaires. Et puis il y a eu les marchés publics sur l’extension du parlement et sur le tunnel. Tout ça a fait qu’il y a eu une ébullition. Mais quelle qu’était la situation au greffe, l’activité parlementaire a toujours été exercée de façon tout à fait efficace.”
Restaurer la confiance
Pour le Verviétois, il était indispensable de faire en sorte que la crise qui secouait les travailleurs du greffe n’empêche pas l’institution de poursuivre son travail. Le socialiste souligne que le parlement a joué un rôle important dans les différentes crises (Covid, inondations, énergie) des dernières années. “Des milliards ont été dégagés pour essayer d’aider nos concitoyens. Ma première préoccupation en arrivant a donc été le personnel du greffe. C’est une centaine de personnes qui font tourner l’activité parlementaire, se chargent des relations du parlement avec l’extérieur, gèrent le service juridique ou encore analysent le fond des textes déposés par les parlementaires.”
En arrivant, le président dit avoir trouvé une équipe “meurtrie”. Est-ce que cette souffrance était le fait d’un seul homme ? Sur LN24, Frédéric Janssens se défendait d’avoir harcelé le personnel et d’avoir fait des dépenses démesurées. “Étant amené à présider à des décisions de bureau relatives au personnel, en ce compris à Monsieur Frédéric Janssens, je ne vais pas émettre un jugement et une condamnation à l’avance puisqu’il y a la présomption d’innocence”, nous répond précautionneusement M. Frédéric. Avant de néanmoins ajouter : “Ce n’est juste pas possible pour moi d’imaginer que l’on vienne travailler la peur au ventre. C’est quelque chose que je ne conçois pas dans ma vie professionnelle.” Selon le président, un malaise serait toujours présent parmi les travailleurs. “Il y a un questionnement qui continue à vivre dans le chef des agents qui ne savent pas très bien si le greffier va revenir ou non.”
Quatre axes cardinaux
Une fois installé, le nouveau président a mis en œuvre des chantiers qui peuvent être résumés suivant quatre axes cardinaux : ramener la sérénité au greffe, appliquer de la rigueur budgétaire, imposer la transparence des décisions et amener une ouverture sur la société civile.
C’est dans cet esprit que le règlement du parlement a été modifié. Dorénavant, chaque voyage à l’étranger devra faire l’objet d’un rapport reprenant la composition de la délégation, le déroulement de la mission mais surtout un relevé des dépenses. Ce rapport est distribué à tous les députés puis présenté en séance publique lors d’une commission – filmé, donc. “Je suis dans un bureau qui a des responsabilités énormes et pas seulement sur le personnel, mais aussi sur les engagements financiers. Pour moi, le moindre euro public dépensé doit être justifié. Plus transparent que ça, c’est impossible.”

Deuxième élément de transparence visant à restaurer la confiance des citoyens envers l’institution : l’information rendue accessible via le site internet du parlement. “Après chaque bureau, les décisions qui ont été prises sont publiées. Si nous avons décidé d’attribuer un marché public pour le nettoyage du Parlement, ça sera publié”. C’est également dans cet esprit qu’a été mise en place une commission de comptabilité ayant pour mission principale d’analyser les budgets et les comptes du Parlements de Wallonie dans des séances publiques et retransmises sur Internet. Les comptes pour l’année 2022 vont ainsi passer au bureau dans quinze jours, puis ils seront envoyés à la commission de la comptabilité publique. “Quand cette dernière aura analysé les comptes, on les enverra à la Cour des comptes, qui est le contrôle extérieur.”
Contrôles des dépenses
Sur la rigueur budgétaire, plusieurs éléments faisaient débat. Accusé d’être responsable des dérapages financiers, le greffier Janssens a affirmé que chacune de ses dépenses faisait l’objet d’un contrôle. De son côté, André Frédéric affirme qu’il y avait des contrôles avant chaque événement. “Chaque année, un représentant par parti, (MR, PS, Ecolo, Engagé, PTB) avait une réunion annuelle avec un vérificateur aux comptes. Jamais je n’ai vu de trace de quiconque s’était ému de voir apparaître des problèmes budgétaires.” Est-ce que les dépenses excessives du greffier auraient pu être contrôlées dans ce cadre-là ? “Je n’ai pas vu ce qui était présenté au vérificateur aux comptes… Le diable se cache toujours dans les détails”, élude-t-il.
Les consommations des membres du bureau ont aussi fait polémique. Le PTB dénonçait par exemple le fait qu’était servi du vin, du champagne et des repas de traiteurs lors de certaines réunions. “Depuis que je suis arrivé en 2019 ici, je n’ai jamais vu à aucun moment une bouteille de champagne. Il y avait des réunions qui se passaient à midi où l’habitude était de manger. Ces réunions ont désormais lieu à 9 h du matin. Le problème ne se pose donc plus. Et quand je regarde ce qui a été commandé en boisson sur l’année 2022, il y a zéro bouteilles de champagne.”
Enfin, il y a la question des marchés publics. Au lieu de tout laisser entre les mains du greffier, ces marchés passent dorénavant sous la loupe du bureau, avec le directeur concerné. “Ils passent à la moulinette. Je regarde toutes les économies qu’il est possible de faire. Je précise que mon but n’est pas d’avoir un fonctionnement riquiqui. Ce qui doit être dépensé justement doit l’être justement. J’ai constaté au fil des dossiers qu’on trouve régulièrement des économies majeures. Ça se compte en dizaines de milliers d’euros. Tout en faisant le job et en gardant la dignité d’un parlement.”