À l’approche de la campagne, Écolo veut toucher au portefeuille et traduire en justice les internautes qui publient des messages haineux
La campagne vient, et charrie avec elle une augmentation des messages haineux sur les réseaux sociaux, en particulier envers les femmes et représentants des minorités. Un phénomène sur lequel Écolo veut mettre le holà.
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Publié le 24-05-2023 à 21h35
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Jusqu’où peut-on se permettre d’être véhément envers un mandataire politique sur les réseaux sociaux ? Et avec quelles conséquences ? Il n’est pas rare de voir des édiles se mettre en congé sur les réseaux sociaux, un outil de communication politique primordial au XXIe siècle. Parfois, ces insultes, voire menaces, influent même sur la vie privée des élus. Évidemment, la qualité du débat public n’est pas en reste : “il y a une forme d’antipolitique qui grandit, ce qui pousse les extrêmes et le populisme” s’inquiète Rajae Maouane, coprésidente d’Écolo.
En réalité, la loi cadre ces injures qui fleurissent presque systématiquement sous les publications des mandataires politiques du pays. Les responsables peuvent être jugés aux assises pour délits de presse – comme tout autre propos tenu sur les réseaux sociaux ou la place publique – une procédure lourde, qui aboutit rarement. Écolo veut passer à l’action, quitte à réformer la constitution et faire passer ces dossiers au pénal. C’est voir grand, mais d’autres initiatives plus rapides à mettre en place et à adopter sont à disposition, comme l’initiative “pas ici” dont Écolo a été le premier parti francophone à rejoindre. Il s’agit d’un site web sur lequel le gestionnaire d’une page peut renvoyer l’auteur d’un commentaire haineux.
100 000 euros maximum par an par parti
Les verts invitent leurs collègues à les imiter, “car il y a des pistes solutions, mais on n’y arrivera pas seuls” projette Rajae Maouane, mais place peu d’espoir dans l’idée que son homologue du MR, Georges-Louis Bouchez, puisse s’y prêter. Lui qu’elle accuse de relayer régulièrement des “comptes proches de l’extrême droite ou des propos transphobes”.
Alors, pour passer à la vitesse supérieure, Écolo proposera au parlement une résolution visant à limiter la publicité sur les réseaux sociaux à 100 000 euros par an, “pour éviter que certains partis inondent de haine les réseaux sociaux, ça fait peser un danger sur la démocratie car ce sont les partis les plus riches” . Un affront que le Vlaams Belang et la N-VA, respectivement 1,7 et 1,1 millions d’euros dépensés par an, risquent de ne pas laisser passer. Ni d’autres, d’ailleurs, puisqu’en 2022, seuls le MR (84 000), Écolo (48 000) et le PS (18 000) étaient en dessous de ce seuil, rien que pour Facebook.
Aussi, la présidente d’Écolo se réfère à l’Italie, où des forces de l’ordre spécialisées sur les dossiers de haine en ligne. “Il y a un sentiment d’impunité chez ces gens-là, c’est pourquoi il faut changer la législation. Les poursuites judiciaires impressionnent plus que des amendes.”
Sécurité d’expression
Qu’est-ce que cette haine grandissante sur le Net dit de nous ? Et d’un débat politique de plus en plus pauvre, peut-être, de plus en plus polarisé, sûrement. “Les clivages ne sont pas mauvais, nuance la Molenbeekoise, la société est basée là-dessus. Mais on arrive à un appauvrissement du débat, les journalistes ont moins le temps de faire du fact-checking, d’aller en profondeur, c’est la course au buzz. Si tu n’entres pas dans cette logique, tu es pénalisé.” Pourtant, la petite phrase, le buzz, mais aussi les affronts sur les réseaux sociaux font partie du jeu politique. “Oui, mais ce n’est pour autant qu’on connaît le jeu qu’on ne peut pas essayer d’en faire évoluer les règles. J’en ai marre de me faire attaquer sur les réseaux sociaux non pas pour mes idées mais parce que je suis d’origine maghrébine, écologiste, Molenbeekoise, supposément musulmane.”
Au final, Rajae Maouane désire une “sécurité d’expression” pour permettre “aux femmes, aux jeunes, aux profils différents” de pouvoir participer au jeu politique. “Pour l’instant, ces profils plus différents n’y arrivent pas, ce n’est pas normal. Le monde politique reste homogène. Ça doit nous interroger sur le sens que l’on veut donner à notre société, le système politique et démocratique vers lequel on veut aller.”