Parfum de putsch au MR: la contestation anti-Bouchez grandit de nouveau
L’accord pris par la majorité wallonne sur l’apparentement électoral provoque le mécontentement de députés wallons. La contestation du président Georges-Louis Bouchez grandit en interne. L’alternative au Montois, toutefois, n’a rien d’évidente.
Adrien de Marneffe- Publié le 01-06-2023 à 06h37
- Mis à jour le 01-06-2023 à 07h43
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Un parfum de putsch, fruit d’une crise interne larvée, est de retour au MR. Des contacts sont noués. Des coups de fil sont échangés.
Ce mercredi, le Parlement wallon a voté l’abaissement de moitié du seuil à atteindre pour bénéficier de l’apparentement, ce dispositif qui permet d’additionner des voix recueillies dans les circonscriptions d’une même province pour calculer la répartition effective des sièges. Le mécanisme permet aux petits partis, comme Défi, d’avoir accès plus facilement à des sièges.
Cela pourrait toutefois se faire au détriment des plus gros partis.
Au MR, la réforme a provoqué une solide grogne au sein du groupe des députés wallons, vis-à-vis de leur chef de groupe, Jean-Paul Wahl et de leur chef de file au gouvernement wallon Willy Borsus mais aussi à l’encontre de Georges-Louis Bouchez, président du MR. C’est que des députés comme Manu Douette, Rachel Sobry, Jacqueline Galant ou encore Caroline Cassart pourraient voir leur poste menacé en 2024.
Il ne s’agit toutefois que d’un épisode dans une longue séquence.
Début mai, Georges-Louis Bouchez participe à l’émission de téléréalité Special forces : Wie Durft Wint sur VTM. Sa mauvaise prestation et son départ précoce provoquent un bad buzz, mal ressenti au MR.
Le 22 mai, le sujet est abordé lors d’un bureau exécutif du parti. Pierre-Yves Jeholet, Sophie Wilmès et même David Clarinval interpellent très vivement leur président. L’image renvoyée est jugée préjudiciable pour le parti. Elle occulte en outre la séquence difficile que traversent au même moment les écologistes, dont Petra De Sutter et Georges Gilkinet. Le dossier de l’apparentement, également abordé lors de ce même bureau, va aussi envenimer la situation. Le bureau décide que, en l’état, le texte wallon ne doit pas passer la rampe.
Pour trancher la question, un groupe de travail est constitué de trois parlementaires wallons. Jean-Paul Wahl, le chef de groupe MR, l’écolo Hélène Ryckmans et Jean-Claude Marcourt (PS) doivent s’entendre sur la suppression de la suppléance auquel est jointe la question de l’apparentement. Ces deux questions sont prévues dans la déclaration de politique régionale (DPR). Selon ces trois députés, il convient de respecter la DPR, même si les socialistes rechignent sur la question des suppléants et, côté MR, sur celle de l’apparentement.
Le hic, c’est qu’une négociation a aussi lieu au gouvernement. Les ministres de l’exécutif décident, à la demande du PS, de jeter à la poubelle l’idée de supprimer les suppléants sur les listes électorales. Écolo exige cependant que l’abaissement du seuil de l’apparentement soit maintenu. Ce qui oblige le MR à lever son veto. En échange, les libéraux ont, in fine, obtenu la promesse des deux autres de voter les traités internationaux, – dont Écolo ne voulait pas au départ.
Les députés libéraux s’étranglent en prenant connaissance de l’accord. Ils assurent avoir tous soutenu la suppression de la liste de suppléants et le maintien actuel du seuil d’apparentement. Ils se rendent compte que c’est tout l’inverse qui a été négocié. “On s’est fait avoir par le PS”, souffle un élu wallon.
Lors d’une réunion de groupe, ce 24 mai, Jean-Paul Wahl leur suggère que si des députés MR perdent leur siège, la cause ne sera pas à aller chercher dans la réforme de l’apparentement, mais plutôt du côté “des sondages” plutôt mauvais pour le MR en vue du prochain scrutin.
La réunion s’envenime. Les députés exigent qu’on fasse intervenir Borsus et Bouchez dans la réunion. Il est 1 heure du matin. Bouchez soutient les députés wallons.
Mais lundi, lors du bureau de parti, coup de théâtre. C’est bel et bien le deal négocié par Willy Borsus qui est annoncé aux députés. Une réunion par zoom a lieu dans la foulée avec tous les parlementaires wallons pour leur faire avaler la pilule. L’accord que Borsus a déjà négocié ne peut être défait.
Des élections internes ?
Le mécontentement gronde. Le soutien à Willy Borsus, mais aussi à Georges-Louis Bouchez, a faibli parmi les députés wallons. D’autres dossiers s’ajoutent à celui-ci, comme la volonté du président du MR de créer une liste commune MR-Open VLD à Bruxelles en 2024. Mais aussi le fait que l’omniprésence du président détourne l’attention des réalisations de ses ministres.
Dans les couloirs, certains évoquent la nécessité d’organiser une élection interne, avant le scrutin de 2024, pour remettre en jeu la présidence du parti. Cela avait été prévu initialement, mais Georges-Louis Bouchez n’y est pas favorable. La question n’est toujours pas formellement tranchée, mais ce scénario semblait peu probable.
Le nom de Sophie Wilmès est cité par certains comme la meilleure personne pour rassembler le parti, avant les élections. À condition qu’elle accepte la tâche… Beaucoup en rêvent, mais les intentions de l’ex Première ministres sont pour l’heure insondables. Côté wallon, c’est Pierre-Yves Jeholet qui est cité avec insistance, mais il lui faudra un soutien plus large que celui d’une partie des élus wallons.
Car des élections internes anticipées feraient courir au parti le risque d’une nouvelle guerre des clans, à un an des élections. “La campagne pour 2024 commence en septembre. Il est trop tard, changer maintenant ferait trop de mal au parti”, résume un ténor du parti. “On ne trouve pas de solutions avec Georges-Louis, mais on n’en trouve pas sans lui non plus”, ajoute une source bien placée.
Une piste hybride est évoquée : conserver Bouchez à la tête du MR, mais en nommant une autre personnalité en tant que cheffe de file au Fédéral, à laquelle seraient confiées les futures négociations d’après élections.
Le soutien de la famille Michel en question
Tout dépendra des soutiens dont bénéficient encore le Montois et des alternatives éventuelles. Selon certaines sources, la position du clan Michel, qui a toujours soutenu Bouchez, serait en train d’évoluer. Dans une interview accordée à la DH, Louis Michel a montré une réserve quelque peu plus légère dans son soutien au président. “Moi, je ne l’aurais pas fait (NdlR : participer à l’émission de téléréalité sur VTM), mais je ne suis pas Georges-Louis Bouchez”, a-t-il déclaré. L’inflexion est légère. Certains initiés y voient un premier signe. Perdre le soutien d’une telle figure du parti pourrait, le cas échéant, peser lourd dans la balance.