Paul Magnette assure n’avoir jamais négocié le confédéralisme avec Bart de Wever: "Il a peut-être rencontré un militant dans un bistrot à Anvers"
”Depuis que la N-VA existe, elle répète qu’elle veut en arriver au confédéralisme. Mais nous, on a toujours totalement refusé ça et on le refusera toujours”,
- Publié le 13-09-2023 à 06h42
- Mis à jour le 13-09-2023 à 07h12
La Belgique telle qu’on la connaît existera-t-elle encore après 2024 ? Sur le plan institutionnel, Bart De Wever espère que non. Le président de la N-VA l’a dit et répété ces dernières semaines. Ce qu’il souhaite, c’est le confédéralisme, un modèle qui donne plus de pouvoirs aux régions et aux communautés. Selon les nationalistes, leurs meilleurs alliés pour y parvenir seraient les socialistes puisque leur vision socio-économique est à l’opposé de celle défendue par la N-VA. Nous avons donc posé la question au président du premier parti de Belgique francophone, Paul Magnette.
Bart De Wever affirme que le fédéralisme est un échec et qu’il faudra un jour ou l’autre évoluer vers un autre système…
”Bart De Wever a le mérite de la constance parce qu’il dit exactement la même chose aujourd’hui qu’il y a 5, 10, 15 et 20 ans. Le monde change, les circonstances changent, mais son discours reste exactement le même. En attendant, ça ne donne rien.”
Il dit notamment que 2024 sera l’année du confédéralisme, que la plupart des Flamands vont voter antisystème et que l’on ne peut pas continuer avec ce statu quo. Que lui répondez-vous ?
”Il y a plein de choses qu’on doit améliorer dans ce pays, même si je pense que le fédéralisme fonctionne. Je pense que la Belgique fédérale fonctionne et qu’on en a fait les preuves dans les réponses qu’on a pu apporter à la pandémie du Covid. Globalement, notre système de santé a bien tenu. On a bien résisté aussi à la crise des prix de l’énergie. Le pouvoir d’achat a été mieux maintenu en Belgique que dans les autres pays voisins. Oui, le système fédéral et la solidarité fédérale fonctionnent. Il y a des endroits où ça ne fonctionne pas bien. Les inondations, c’est un grand regret. Quand il y a une catastrophe nationale, il aurait dû y avoir la solidarité nationale. Je regrette que la Wallonie était seule face à son destin sur la question des inondations. Je pense que le fédéral aurait dû venir au secours de la Wallonie, exactement comme en Allemagne. L’État fédéral allemand a aidé les Lander, les régions qui avaient des difficultés et qui étaient confrontées à des catastrophes naturelles du même ordre. Donc pour moi, ça, ce sont des choses qu’on peut changer. Mais ça va dans le sens exactement inverse de ce que dit Mr De Wever. Lui, il veut continuer à détricoter. Moi je pense au contraire qu’on doit renforcer le pays.”
Vous prônez donc une septième réforme de l’État ?
”Non, je ne suis pas demandeur. Je pense qu’on peut améliorer beaucoup de choses sans réforme de l’État. On est toujours obsédé par ses grandes réformes institutionnelles, mais on peut beaucoup améliorer le fonctionnement de la sécurité, de la protection sociale, etc, sans toucher à la réforme de l’État. Je pense que les francophones devraient, eux, mettre de l’ordre dans leurs institutions. J’ai d’ailleurs pris des initiatives dans ce sens. J’ai réuni les présidents de la majorité francophone, MR et Ecolo, et j’ai proposé qu’on simplifie le paysage institutionnel entre la Wallonie, Bruxelles et la Communauté française. C’est vrai que c’est compliqué, qu’il y a beaucoup de gouvernements et beaucoup de ministres, et que la répartition des compétences n’est pas toujours très claire. J’ai fait des propositions pour qu’on simplifie les institutions et qu’on ait des paquets de compétences beaucoup plus cohérents. Mais je pense qu’on doit le faire entre francophones. Ne partons pas à nouveau dans une aventure communautaire au niveau fédéral.”
Avez-vous discuté de l’institutionnel avec M. De Wever ?
”Non, je n’ai pas de rencontres avec M. De Wever parce que je suis dans la Vivaldi. Je suis président du premier parti de la Vivaldi, donc je discute avec les présidents de partis de la majorité. Je ne discute pas avec les présidents de partis de l’opposition. Je ne serai jamais avec le Vlaams Belang. C’est le cordon sanitaire. Mais je n’ai pas non plus de discussions avec les présidents du PTB ou d’autres partis de l’opposition. Quand on est dans la majorité, on doit être loyal par rapport à la majorité.”
Pourtant, M. De Wever affirme le contraire et déclare que la N-VA parle avec le PS ?
”Absolument pas. Aucun contact. Je ne sais pas à qui il parle. Peut-être qu’il a rencontré un militant dans un bistrot à Anvers, mais pas avec moi en tout cas.”
Il affirme qu’en 2019-2020, lorsque vous avez vous êtes rencontré pour la formation du gouvernement, le confédéralisme est revenu sur la table. Est ce vrai ?
”Non, mais ce sont les demandes de la N-VA. Depuis qu’elle existe, elle répète qu’elle veut en arriver au confédéralisme. Mais nous, on a toujours totalement refusé ça et on le refusera toujours. Le Parti socialiste ne va jamais discuter du confédéralisme. Ça va totalement à l’encontre de ce que sont nos convictions les plus profondes sur la structure de la Belgique. Oui, on était un parti qui avait demandé davantage de compétences pour les Régions, pour que la Wallonie et pour que Bruxelles puisse avoir leurs institutions, leurs parlements, leurs gouvernements élus, démocratiquement contrôlés et se donner leur propre projet. Mais maintenant, c’est fait, donc on n’a plus besoin de discuter de ce genre de choses. On ne va jamais accepter de toucher à la sécurité sociale ou à des éléments fondamentaux de l’unité de la Belgique.”
Quelle note donnez-vous à la Vivaldi ? Alexander De Croo, le week-end dernier, lui a accordé un sept sur dix.
”Sept sur dix. Je peux me rallier à ça. Quand on a mis en place ce gouvernement, on savait qu’il n’aurait pas beaucoup de temps. On avait perdu un an déjà, parce que le CD&V et le VLD ne voulaient pas se décrocher de la N-VA. La seule raison pour laquelle j’étais obligé de discuter avec le N-VA était pour démontrer que c’était impossible [de travailler ensemble] et décrocher ces deux partis de droite flamands. Ce qu’on voulait, c’était former un gouvernement le plus progressiste possible. J’aurais préféré faire un gouvernement sans le MR. On a fait un gouvernement sans la N-VA. Sans le MR, ça aurait été encore mieux et j’espère pouvoir le faire la prochaine fois.”
Au soir du 9 juin 2024, si la N-VA est premier parti de Flandre et que le PS est le premier parti du côté francophone, que l’un veut le confédéralisme et que l’autre veut un État fédéral fort, le pays sera-t-il paralysé ?
”Il faudra voir. Il y aura d’autres possibilités. En gros, il y a deux possibilités. Soit on fera un gouvernement sans la N-VA et si possible sans le MR qui serait un gouvernement progressiste, qui pourra augmenter les salaires, qui pourra continuer à accélérer la transition climatique. C’est évidemment ma préférence. Soit on va avoir le retour du gouvernement N-VA et on voit bien que M. Bouchez, le président du MR, dit dans toutes ses interviews qu’il ne rêve que d’une chose, c’est de revenir au gouvernement qu’on appelait la Suédoise. On voit les grands mamours entre le MR et la N-VA pour refaire un gouvernement de droite et de régression sociale. C’est ça le danger et c’est contre ça que je vais me battre.”
