3,2 milliards d'euros de médicaments sous contrats secrets en Belgique: un système opaque détourné par l'industrie pharmaceutique
Les produits sous "accords spéciaux" pèsent de plus en plus dans le budget de la Sécu. En 13 ans, leur coût a été multiplié par 218 ! C'est ce que révèle l'enquête du Pôle Investigation des médias du groupe IPM (La Libre, La DH, L’Avenir, Paris Match, Moustique, LN24).
- Publié le 19-09-2023 à 06h46
- Mis à jour le 19-09-2023 à 08h08
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2023 bat tous les records. Cette année, la Belgique payera environ 3,2 milliards d'euros pour l'ensemble des médicaments sous contrats secrets. Cette dépense exorbitante pour la Sécurité sociale cache un système opaque détourné par l'industrie pharmaceutique. Certes, l'idée de base de la loi de 2011 sur les négociations était bonne. Elle a été mise au point pour permettre aux patients de bénéficier de médicaments innovants le plus rapidement possible. Dans les faits cependant, les "accords spéciaux" sont souvent demandés pour cacher les prix des médicaments au grand public et, si possible, les gonfler.
Dans le cadre de ces contrats, l'État paie la somme complète, c'est-à-dire les 3,2 milliards, mais en récupère une partie sous forme de compensation. Bref, la Belgique reçoit un genre de ristourne. La "Note des estimations techniques de l'Inami" de juin 2023 que nous avons consultée dévoile cette compensation pour 2023. Elle équivaut à 1,62 milliard d'euros. "On peut estimer les 3,2 milliards sur cette base, car on sait que la compensation moyenne tournera très certainement autour des 50 %", déclare la représentante de Solidaris au sein de la Commission de remboursement des médicaments, Anne Hendrickx. Ce taux nous a été confirmé par deux autres sources de la CRM et de l'Inami.
Des millions aux milliards
Ce qui interpelle, c'est l'évolution de l'enveloppe budgétaire destinée aux conventions secrètes. En 2011, le coût net de ces dernières était de 7,4 millions d'euros seulement, contre le 1,62 milliard de 2023. Donc même si la ristourne augmente (de 14,4 % en 2011 à +50 % en 2023), le budget après compensation a été multiplié par 218 en 13 ans! C'est évidemment énorme.
En 2022, toujours selon la note, les dépenses brutes sous contrat devraient représenter 2,5 milliards, avec une compensation définitive de 1,26 milliard. En 2021, derniers chiffres officiels publiés dans le rapport MORSE de l'Inami, les dépenses brutes étaient de 1,9 milliard pour une compensation de 1,02 milliard.
Ce mécanisme de conventions opaques a été mis sur pied pour les cas exceptionnels uniquement. Or si en 2011, les contrats étaient effectivement rarissimes, en 2023, plus de la moitié des nouveaux médicaments innovants ont, selon nos sources, fait l'objet d'une demande de convention... Comment expliquer ces dérives? À qui profitent vraiment les contrats secrets? Pourquoi l'État belge tolère-t-il ce système?
L'investigation complète est à retrouver dans le magazine Moustique de ce mercredi 20 septembre !

