Le PTB était-il au courant de l’affaire Warmoes? Les étonnants "Je ne savais pas" de Sofie Merckx et Raoul Hedebouw
Le PTB était-il au courant ? Notre enquête sur l’Affaire Thierry Warmoes, ex-député visé par une plainte pénale.
- Publié le 19-09-2023 à 06h47
"Nous ne savions pas", a réagi le PTB après que la DH a révélé jeudi 7 septembre que l’ancien député fédéral PTB Thierry Warmoes était visé par une plainte pénale pour violences conjugales, son ex-femme l’accusant de l’avoir frappée, traînée par les cheveux, insultée, jetée contre un meuble de cuisine…
Face aux accusations qu’il rejette, M. Warmoes qui, pour d’autres motifs dit-il, avait remis son mandat de député en juillet, démissionnait du conseil communal de Namur, la dernière fonction d’élu qu’il occupait.
C’est peu dire que l’affaire provoque un malaise dans les milieux politiques où l’on rappelle que Thierry Warmoes a présidé pendant quatre ans depuis 2019, la Commission Santé et Égalité des chances de la Chambre, celle où l’on traite précisément des… violences conjugales.
Le PTB était-il au courant ? Savait-il, au moment de le désigner, en juillet 2019, qu’une plainte avait été déposée à l’encontre de la personne qu’il choisissait pour présider la commission où l’on prend des mesures contre les violences faites aux femmes ?
Interrogés par notre confrère Gauvain Dos Santos, Raoul Hedebouw et Sofie Merckx, respectivement président et cheffe de groupe PTB à la Chambre des représentants, ont affirmé qu’ils l’ignoraient. Sauf que.

Sofie Merckx a répondu
La question était posée en ces termes à Mme Merckx. "Les faits dont Thierry Warmoes est accusé remontent à 2019, soit avant qu'il ne devienne président de la Commission Santé à la Chambre où l'on parle des mesures contre les violences faites aux femmes. Est-ce que les faits dont il est accusé étaient connus au sein du PTB ? Si oui, depuis quand ? Pourquoi l'avoir laissé présider cette commission dans ces conditions ?"
Sophie Merckx a répondu mardi passé : "On savait que M. Warmoes était en instance de divorce et que c’était compliqué. Mais on n’était pas au courant pour cette suspicion de violences conjugales".
Mme Merckx ajoute n’avoir été informée des difficultés de l’ex-épouse de M. Warmoes qu’à la fin du mois d’août, après que la victime a déposé une lettre chez ‘Médecine pour le peuple’, l’organe de santé du PTB.
Malheureusement, ce n’est pas ce qui ressort des messages conservés dans son smartphone par l’ex-épouse de M. Warmoes. Dès le 28 février 2020, celle-ci cherche, via Messenger, à alerter Mme Merckx.
Dans un long message, Ana Lara Erazo détaille sa vie de femme battue, psychologiquement maltraitée et financièrement délaissée, seule à s’occuper des enfants tandis que l’argent du ménage disparaît au PTB, son mari versant tous les mois entre 948 et 1 500 euros au parti alors qu’elle-même sans ressources dépend du CPAS.
Dans le message, Ana écrit à Mme Merckx : "Thierry Warmoes m'a agressée à plusieurs reprises, dont je garde des séquelles aujourd'hui, avec incapacité de travail".
Les petites croix montrent que la députée fédérale a ouvert le message. Elle n’a jamais répondu.
Raoul Hedebouw a répondu
Pour sa part, Raoul Hedebouw, également interrogé par la DH, a répondu : "Je n'étais pas au courant de l'existence de cette plainte. On aurait eu une tout autre discussion si cela avait été le cas. Je savais uniquement qu'il y avait un divorce compliqué."
Raoul Hedebouw, chef de groupe PTB à la Chambre en 2019 au moment où Thierry Warmoes prenait la présidence de la Commission Santé, affirme donc qu’il n’était pas au courant et qu’il n’a été informé que tout dernièrement, au moment où la DH a commencé à traiter le sujet le 7 septembre, il y a douze jours.
Malheureusement, les messages conservés par l’ex-épouse de M. Warmoes contredisent les dires de M. Hedebouw.

Le 28 février 2020 à 10 h 55, Ana Lara Erazo lui adresse un message que M Hedebouw ouvrira, sans donner suite. L’ex-épouse en enverra de nombreux autres également par e-mails et par recommandés, y compris au parlement rue de Louvain et à l’hôtel de ville de Liège où M. Hedebouw siège en tant que conseiller communal.
M. Hedebouw refusera de réceptionner les recommandés.
Le 15 août, constatant de plus que M. Hedebouw l'a désormais bloquée sur l'application Messenger, Ana en souffrance enverra le message suivant : "Bonjour M. Hedebouw, encore une fois vous avez ignoré mon e-mail du 1/08/2023 ainsi que mon autre du 25/03/2022. Faire semblant de rien, normalement ce n'est pas dans vos habitudes. Comme vous êtes bien au courant de la situation mais que vous préférez garder le silence, ça confirme bien votre attitude, que vous êtes complice".
Deux autres députées PTB
Ulcérée de voir son ex-mari présider depuis 2019 cette Commission Santé et Égalité des chances à la Chambre, face à l’indifférence de Mme Merckx et M Hedebouw, Ana Lara Erazo alerte d’autres figures du PTB, privilégiant des femmes en pointe sur le féminisme, les féminicides, les violences faites aux femmes.
Le 6 décembre 2022, l'ex-épouse de M. Warmoes venue expressément de Namur retrouvait à Bruxelles la députée régionale Françoise De Smedt, lors d'une manifestation à la gare Centrale à laquelle participait la cheffe de groupe PTB au Parlement bruxellois. Un bloc de glace. "Mme De Smedt, à qui j'ai tout expliqué, n'a rien fait."
Ana a encore voulu alerter la députée fédérale PTB Maria Vindevoghel, qui l’a ignorée, dit-elle.
Chez Anouk Vandevoorde
"Je n'étais pas au courant en 2019 de l'existence de cette plainte", répond M. Hedebouw. "On aurait eu une tout autre discussion si cela avait été le cas".
Le PTB annonce le 11 juillet 2019 qu'il présidera la Commission Santé où Thierry Warmoes sera ensuite nommé. À l'époque, le Namurois Karl Boulanger dirigeait la section de Jambes du PTB. Karl a des yeux et des oreilles. Il se souvient très bien. Il a accepté de témoigner. "Début juillet 2019, j'ai personnellement participé à la dernière réunion DirCa (Direction de Campagne, ndlr) au cours de laquelle nous avons discuté au PTB de la plainte déposée par l'ex-épouse de Thierry Warmoes au commissariat de Namur. Anouk Vandevoorde participait à cette réunion ainsi notamment que son compagnon Robin Bruyère. Cette réunion se tenait d'ailleurs dans leur salle à manger, à leur domicile. Robin Bruyère a évoqué l'avenir de Thierry Warmoes, affirmant qu'il (Warmoes) allait le cas échéant devoir faire un pas de côté et qu'il (Robin Bruyère) lui succéderait alors comme président provincial du PTB pour Namur-Luxembourg".
Robin Bruyère a remplacé Warmoes à la Chambre des représentants. Anouk Vandevoorde est la nouvelle présidente du PTB Namur -Luxembourg. Il y a dix jours, elle qui participait à la réunion qui avait lieu chez elle en 2019 réagissait ainsi dans les réseaux sociaux : "Je découvre l'article, ce matin, dans la presse".
"Absolument tout "
Mais laissons Karl Boulanger poursuivre sur ce qu'il s'est passé début juillet 2019 au PTB alors que rappelons-le, Raoul Hedebouw affirme qu'il n'était pas au courant : "Raoul Hedebouw était parfaitement au courant de tout, pas seulement du divorce de M. Warmoes, mais également de la plainte de son ex-femme à son encontre. Raoul avait d'ailleurs donné la consigne à Thierry Warmoes de le tenir au courant de l'évolution de l'affaire, très inquiet qu'il était de l'image que pouvait donner un député PTB fraîchement élu accusé par son ex-femme de violences conjugales".
Enfonçant le clou, Karl Boulanger, précise encore que "le jour où Thierry Warmoes était convoqué à la police de Namur après la plainte de son ex-femme, Raoul Hedebouw voulait que Warmoes le tienne informé heure par heure. Raoul était très, très inquiet. Je me rappelle très bien. Cela se passait lors d'une réunion de la DJ (Direction journalière, ndlr) dans le local du PTB à Saint-Servais. C'est même moi qui passais à Raoul les communications de Warmoes qui l'informait. Raoul Hedebouw savait absolument tout".
Le 11 juillet 2019, le PTB annonce avec fracas ("Nous serons les mégaphones de la lutte", publie-t-il) qu'il prend la présidence de la commission Santé et Égalité des chances. Le 9 octobre suivant, Thierry Warmoes préside la première commission de questions. D'après le témoignage et selon les messages conservés par l'ex-épouse Warmoes, les instances dirigeantes du PTB, qui ont répondu la semaine passée à la DH qu'elles n'étaient pas au courant, savaient. Elles savaient, quand elles ont laissé Thierry Warmoes en 2019 devenir le président de cette commission parlementaire où l'on débat des mesures à prendre contre les violences faites aux femmes.