Un franchisé sur trois au bord de la faillite : les dangers de ce modèle que Delhaize épouse à 100%
La guerre des promos et la hausse des coûts de fonctionnement plongent un franchisé sur trois au bord de la faillite.
Publié le 07-03-2023 à 16h10 - Mis à jour le 07-03-2023 à 19h07
”On a ouvert beaucoup trop de supermarchés de proximité. La concurrence est telle qu’elle en affecte la rentabilité”, nous indiquait Claude Boffa, professeur émérite professeur de marketing à la Solvay Brussels School, il y a tout juste deux semaines lorsqu’on l’interrogeait sur les difficultés de la grande distribution. "De nombreux franchisés ne font pas assez de marge. Certains sont viables grâce à une structure de personnel moindre, où le franchisé bosse énormément, souvent en famille. Mais si vous n’atteignez pas au minimum 20 % de marge, c’est la catastrophe. La concurrence est cependant trop féroce car si vous multipliez le nombre de points de vente, le gâteau, lui, n’est pas plus important. Il est clair qu’il y a trop de commerces en Belgique.”
Dans le modèle de la franchise, il y a beaucoup plus de flexibilité du personnel, d’emplois précarisés (recours aux étudiants notamment). “C’est donc un modèle nettement moins favorable pour le personnel. Les règles de conventions collectives actuelles empêchent ce modèle, notamment au niveau de la polyvalence. Notamment, il n’est pas permis de proposer des contrats de travail de moins de 16 h. Ni, par exemple, de dire à un employé de ne pas venir un mardi s’il n’y a pas assez de clients ou d’engager 3 étudiants un samedi pour travailler 3 heures en cas de forte affluence. En changeant ces règles et ces conventions de travail, on ouvre la porte à un autre modèle, qui ne sera pas sans conséquences sur l’emploi. Le recours à la franchise est une possibilité car elle offre plus de flexibilité.”
Mais la rentabilité est loin d’être au rendez-vous pour de nombreux franchisés. Selon une étude de l’APLSIA (Association professionnelle du libre-service indépendant en alimentation) réalisée en 2020, un franchisé sur quatre est en perte à Bruxelles et en Wallonie. Avec la crise énergétique, la guerre en Ukraine, les faibles marges et la concurrence, on est même plus proches aujourd’hui d’un sur trois. Le modèle de la franchise profite surtout au franchiseur. Il jouit en effet d’un canal de distribution sans avoir à en supporter les coûts de fonctionnement. Frédéric connaît bien le système puisqu’il a exploité deux Proxy Delhaize en région bruxelloise avant de rendre les clés. “C’est très compliqué d’atteindre un seuil de rentabilité. D’abord parce que la seule source d’approvisionnement, c’est la centrale d’achat du groupe partenaire. C’est donc eux qui décident à combien on achète, mais aussi les prix auxquels on doit vendre. Et quand il y a de grosses promotions, on doit les appliquer alors que cela rogne sur notre marge. Parfois, on ne gagne même rien du tout, mais on est obligés de mettre les produits en rayon sinon la clientèle râle ou va voir à la concurrence. Le grand gagnant, c’est le franchiseur car il prend une marge confortable sur les produits qu’il nous vend (NdlR : certains évoquent une marge de 20 %) ainsi qu’un pourcentage sur notre chiffre d’affaires.”