Faillites bancaires aux USA : faut-il craindre une crise économique mondiale comme en 2008?
Après deux journées sous tension qui ont vu les valeurs boursières s’effondrer, les marchés semblent se stabiliser.
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Publié le 14-03-2023 à 22h38 - Mis à jour le 14-03-2023 à 22h53
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La faillite des banques américaines Silverbank (8 mars), Silicon Valley Bank (10 mars) et Signature Bank (12 mars) doit-elle faire craindre le retour d’une crise économique mondiale telle que vécue au lendemain de la crise des subprimes américains ? Si l’on pourrait le penser après le net recul des valeurs boursières en ce début de semaine, il n’y aurait toutefois “aucune raison de paniquer”, estime l’économiste Bruno Colmant, professeur au sein de l’ULB et de l’UCLouvain.
De fait, les marchés boursiers – et principalement les valeurs bancaires qui avaient sérieusement dévissé lundi – semblent avoir repris du poil de la bête. “Les banques qui ont fait faillite aux USA sont des banques très particulières, indique Bruno Colmant. Ce sont des banques qui ont fait des erreurs de gestion et qui n’ont pas bien couvert le risque de taux d’intérêt. Quand les taux montent fortement, les dépôts coûtent plus cher à la banque et les actifs de la banque valent moins. Ça fait un effet doublement négatif. Normalement les banques doivent couvrir ce risque mais, apparemment, celles-ci ne l’ont pas fait.”
En très résumé, ces banques ont investi une grosse partie des dépôts présents sur les comptes de leurs clients dans des placements à long terme, comme des obligations. Des investissements qui assurent des intérêts modestes, mais garantis. Mais avec la forte hausse des taux d’intérêt, ces investissements ont perdu de leur valeur. Et face à la crainte de faillites, les clients des banques concernées se sont rués vers celles-ci pour récupérer leur argent, précipitant la faillite de l’organisme bancaire, incapable de sortir autant d’argent. Rien que pour la SVB, spécialisée dans le financement des start-up de haute technologie, les clients ont sorti de 40 milliards $ de leurs comptes en une seule journée. “Les actionnaires ont tout perdu et ces banques ont été déclarées en faillite.”
Fort heureusement, le gouvernement américain a pris une décision forte qui aura des répercussions jusqu’en Europe : échaudé par la crise des subprimes dans laquelle le gouvernement américain avait tardé à réagir, il est cette fois intervenu pour consolider les dépôts. En clair : la totalité de l’argent déposé sur les comptes des deux banques en faillite était garantie. “C’est une très bonne nouvelle car ça veut dire que l’argent n’est pas perdu dans le système. Ce qu’il s’est passé est assez extraordinaire car on aurait pu croire que les Américains allaient laisser tomber la banque. Car tomber en faillite fait partie du processus capitaliste mais, de façon assez étonnante, l’état a décidé de refinancer les dépôts. C’est plutôt une bonne nouvelle. C’est pour ça qu’il n’y a pas eu de contamination bancaire dans le monde, même si l’émotion des marchés a fait plonger les marchés boursiers ce lundi.”
Aujourd’hui, ces derniers se sont stabilisés. Aucun risque donc, a priori, de revivre la crise économique post 2008 qui, en Belgique, avait eu des répercussions dramatiques, forçant la faillite de milliers d’entreprises. Des banques comme Dexia ou Fortis Banque avaient dû être renflouées par l’État. “Nous ne sommes pas dans la même situation qu’en 2008 car les subprimes étaient des produits toxiques qui étaient présents dans toutes les banques et qui ont quasiment explosé au même moment, indique Bruno Colmant. Ici, on parle de trois banques qui ont des activités sectorielles très particulières, et il n’y a pas de risques d’effet domino.”
La banque nationale de Belgique (BNB) a d’ailleurs tenu à rassurer les investisseurs. Toutefois, lors de la récente crise énergétique, elle a longtemps sous-estimé l’impact inflationniste de la hausse des prix de l’énergie. “Aujourd’hui, elle est plus légitime car son activité est justement de surveiller les banques, pas de surveiller les prix de l’énergie ou l’inflation. Et elle a raison de dire qu’il n’y a pas lieu de paniquer.”
Inutile, donc, de se précipiter dans sa banque pour y retirer ses économies. D’autant plus que, depuis la crise des subprimes, l’État garantit les dépôts bancaires à hauteur de 100.000 euros.
La crise bancaire aux USA pourrait même avoir des effets bénéfiques chez nous : “Les valeurs bancaires ont baissé sous l’effet de l’émotion des marchés, assure Bruno Colmant. Cela fait prendre conscience que, quand il y a une hausse des taux d’intérêt trop brutale, ce n’est ni bon pour les marchés ni pour les banques. Cela va certainement faire réfléchir les banques centrales qui n’arrêtaient pas jusqu’ici de dire qu’elles allaient augmenter les taux d’intérêt. Elles vont sans doute réfléchir à deux fois au fait de ne pas les faire augmenter trop vite.”