On a glissé un micro imaginaire chez Delhaize, côté direction et travailleurs : un monde d’écart entre deux réalités qui pourtant doivent se rejoindre
On a placé un micro imaginaire dans la salle du conseil du Board de Delhaize à Zellik. Puis, on l’a imaginé au cœur de la cafet' des employés d’un futur-ex Delhaize intégré. Parce qu’on a l’intime conviction que pour résoudre ce conflit social, l’actionnaire doit se mettre dans la peau de la caissière ; la caissière dans le costume de l’actionnaire. Edito.
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Publié le 21-03-2023 à 16h49
Imaginez un mouchard, déposé dans salle du conseil du Board de Delhaize, à Zellik, ce mardi matin, où une nouvelle rencontre a accouché d’une souris. On ouvre nos guillemets fictifs : “Tu vois qu’on a bien fait de tout franchiser… En bloquant tout, ils prouvent bien qu’ils ne veulent pas travailler plus et quand les clients le demandent ! C’est quand même normal, non, en tant qu’entreprise responsable, de tout faire pour croître ? Puis, c’est pas comme si on virait des gens… On leur demande juste de s’insérer dans un nouveau modèle ! C'est aussi leur faute, après tout, si un affilié efficace fait mieux tourner son magasin...”
Même procédé, mais notre micro fictif s’est cette fois glissé dans la cafet' des employés d’un futur-ex Delhaize intégré, fermé depuis plus de 10 jours. “Tu te rends compte qu’ils vont nous demander de bosser plus, plus tard, dimanche inclus ? Avec un nouveau patron qui sera obligé de me reprendre mais libre de me virer quelques mois plus tard si je ne me plie pas à ses exigences, et sans plus aucun délégué syndical pour me défendre… Pas grave, hein : ils trouveront bien un étudiant payé au lance-pierre pour me remplacer sans moufter ! Tout ça après 30 ans de maison et parce que ces maudits Hollandais veulent juste voir grossir leur dividende, alors que Delhaize dégage des bénéfices… C’est un scandale !”
On en convient : ces deux verbatims sont caricaturaux. Mais on a l’intime conviction qu’une trame de vérité y sommeille. Côté direction, côté travailleurs. Deux réalités qui s'opposent frontalement, mais qui vont pourtant devoir se rejoindre.
La direction de Delhaize doit entendre que son cynisme est violent et ses méthodes inappropriées : engager des agents de sécurité pour fouiller les responsables syndicaux, c’est insultant. L’expérience Delhaize, magnifique succès commercial jadis belge, c’est une plus-value qui a été forgée à la sueur du front du personnel de la marque au Lion. Ces gens méritent plus de respect !
De l’autre côté, le personnel, dont on mesure bien la colère et le souhait de ne pas voir leur emploi se transformer en job précaire, doit lui aussi se mettre à envisager avec moins de radicalité le passage sous franchise. Après tout, la moindre rentabilité des intégrés est une réalité factuelle. Le fait que les Belges ne font plus leurs courses comme il y a 30 ans, pareil. Il faut donc se mettre à table, dans un esprit constructif. Et ne pas se limiter à réclamer l’abolition du plan “100 % de franchisés”, auquel la direction ne renoncera sans doute jamais...
Pour que le Lion ne meure pas ce soir dans la jungle de la grande dis, chacun doit mettre de l’eau dans son vin. La caissière doit se mettre dans la peau de l’actionnaire. L’actionnaire doit se mettre dans la peau de la caissière. Dans le climat explosif du moment, ce n’est pas évident. Mais que Delhaize se souvienne de ses racines belges, et du sens du compromis raisonnable national… Il faut négocier !