Le récit du parcours de la kamikaze belge!
Publié le 01-12-2005 à 07h26
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Muriel, convertie à l'islam, avait donné du fil à retordre à ses parents
CHARLEROI La kamikaze belge qui s'est fait exploser en Irak, il y a trois semaines, s'appelait Muriel Degauque. C'était une enfant de Charleroi. Elle était née à Charleroi. Elle avait grandi à Charleroi. Elle avait été serveuse dans un café et vendeuse en boulangerie à Charleroi.Elle était allée à l'Athénée royal de Fontaine-l'Évêque.
Muriel vivait depuis trois ans rue de Merode, près de la gare du Midi, à Bruxelles, avec un Belgo-Marocain de 7 ans son cadet, Issam Goris, tué en Irak par les Américains. En rencontrant Issam, Muriel s'était appelée Myriam.
Pour les parents, c'est Issam qui a converti leur fille à l'islam. Et quand ils parlent de conversion, Jean et Liliane sous-entendent: endoctriné. Car, pour eux, la conversion de Muriel tenait plus d'un lavage de cerveau que d'un sentiment religieux profond et sincère.
La police vient de leur confirmer ce dont ils se doutaient, depuis seulement avant-hier soir. «Depuis environ un mois que nous téléphonions à Muriel, nous tombions constamment sur son répondeur. Quand on a appris mardi soir à la télé qu'une Belge s'était fait exploser en Irak, on a pensé que c'était Muriel. Les policiers ont tout fouillé chrez nous, mais il n'y avait rien à prendre, sauf des photos de notre fille. Nous n'avions plus vu Muriel depuis l'été...«
De braves gens, de condition modeste, courageux. Jean, le papa, a travaillé 47 ans à la Providence. Aux ponts roulants, comme affûteur ensuite. Un sale accident du travail (avec fracture du crâne) le met en prépension. Son épouse, Liliane, a été secrétaire médicale.C'est elle, surtout, qui a élevé les enfants. Jean-Paul s'est tué à 24 ans, à moto, renversé par un véhicule qui avait brûlé un stop. Et notre Muriel qui naît le 19 juillet 1967. Autant son frère est dur à la tâche, courageux, raisonné et raisonnable, autant Muriel a le caractère difficile. «Avait-elle 2 ans et demi? Elle apprenait à parler. Pour Jean-Paul, elle disait Pampaul. Si elle cassait un vase au salon et qu'on lui demandait qui avait fait ça, notre Muriel répondait que c'était Pampaul qui pendant ce temps-là faisait ses devoirs à l'étage.»
Une petite fille qui en fait voir de toutes les couleurs aux parents. «On apprenait de ses instituteurs qu'elle avait le chic pour se coller avec les enfants difficiles.» Aux programmes scolaires, Muriel, qui est jolie fille, préfère les garçons. Sa maman: «Je ne sais combien elle en a eu».
Adolescente, il est difficile de la retenir à la maison. Muriel touche à la drogue. Un juge de la jeunesse se penche sur son cas. La future kamikaze fugue: «Une fois, j'ai fait 170 km pour la retrouver dans les Ardennes».
À chaque nouveau mauvais pas, ses parents, sa marraine font tout pour la récupérer.
Serveuse dans une boulangerie, on l'accuse - à tort, pensent les parents - de chiper dans la caisse. Muriel épouse un Turc, divorce. Rencontre un Algérien et le quitte. Tombe, il y a trois ans, sur Issam Goris qui l'emmène au Maroc. «Comme elle était au chômage, elle est revenue spécialement juste avant les 3 ans pour éviter de perdre ses droits. Hissam était au CPAS. Ils nous disaient qu'ils avaient une maison au Maroc et des chevaux et une Mercedes et trois motos. On n'a jamais su si c'était vrai.»
De retour en Belgique, Muriel revoit peu ses parents. C'est que c'est à chaque fois des heurts. Liliane et Jean ne reconnaissent pas leur fille.
«Au début, c'était le tchador. Plus récemment, Muriel acceptait le voile. Quand on se voyait, ils imposaient leurs règles. Nous étions chez nous, mais mon mari devait manger à la cuisine avec Hissam et les femmes rester au salon. Pas question d'allumer la télé ou d'ouvrir une bière. Mon mari, qui en avait marre, avait décidé que si on se revoyait, il nous laisserait seuls et irait au restaurant. Par contre, avec l'islam, Muriel avait cessé de fumer. La dernière fois que nous nous sommes vus, on leur a dit qu'on en avait assez qu'ils essaient de nous endoctriner.»
Les parents de la kamikaze belge veulent savoir - ils l'ignorent à ce moment - si leur fille a fait des victimes en Irak? Des femmes? Des enfants? Des vieillards? Ils veulent savoir ce qu'est devenu Hissam Goris: «Celui-là, si je le tenais, je crois que je le démonterais en morceaux».
Nous demandons aux parents s'ils sont tristes. La maman reste très froide. Le papa essuie une larme, mais c'est surtout parce qu'on évoque le souvenir de Jean-Paul mort, lui, sans l'avoir voulu. «De la peine? C'est notre fille quand même. Avec nos moyens, nous lui avons donné tout ce que nous pouvions, et même plus.»
Une fille gentille? Sa mère: «Un jour, j'ai été hospitalisée 15 jours. Muriel travaillait à 500 m de l'hôpital: elle n'est pas venue une seule fois. À ma sortie, je lui ai demandé si elle se souvenait qu'elle avait une maman. Elle m'a regardée. Je lui ai dit: Mais oui, t'es pas venue me voir une seule fois. Elle m'a répondu qu'elle n'avait pas le temps pour ça...»
© La Dernière Heure 2005
Son ami abattu par les Américains
BAGDAD Presque autant que du sort de leur fille, les parents de Muriel devenue Myriam Degauque s'inquiétaient de savoir si l'attentat commis le 9 novembre avait fait des victimes innocentes, et ce qu'était devenu son ami belgo-marocain Issam Goris.
L'attentat à la voiture piégée commis à Baaqouba - 60 km au nord de Bagdad - a tué cinq policiers irakiens et blessé grièvement un sixième ainsi que quatre civils. On ne parle pas d'enfants.
L'attentat, comme nous le détaille la dépêche de l'Agence France Presse datée du 9 novembre, a eu lieu à l'entrée-est de Baaqouba contre une patrouille de la police de la localité de Qara Taba, dépêchée en mission à Baaqouba, capitale de la province de Diyala.
Les parents de la kamikaze belge ont appris hier matin par la police belge que leur fille n'était pas morte sur le coup.
Des photos montrent le cratère provoqué par l'explosion, des véhicules éventrés, des GI's examinant les lieux.
La police, cible de choix des terroristes
La seule façon de rétablir la paix et la démocratie en Irak passe par la mise en place en Irak d'une police intègre.
Les terroristes qui les prennent pour cibles l'ont parfaitement compris. Les Irakiens qui s'engagent dans la police ne manquent pas de courage.
Quant à Hissam Goris, qui habitait rue de Mérode à Saint-Gilles (Bruxelles) où il était né le 6 mars 1973 de parents qui ont divorcé, il a perdu la vie le 9 novembre en Irak, abattu peu après l'attentat par les Américains.
© La Dernière Heure 2005