Liran a encore fugué

Anne-France Somers
Liran a encore fugué
©BAUWERAERTS

L'encadrement des mineurs délinquants à nouveau sur la sellette politique

BRUXELLES Liran, cet adolescent kosovar de 16 ans, qui avait lardé de 7 coups de couteau le 22 janvier dernier Pierre Jacquet, le directeur de l'institut Cousot de Dinant, s'est autorisé, samedi soir, une nouvelle fugue de l'institut psychiatrique Titeca à Schaerbeek.

C'est peu avant 16 h 30 qu'il s'est fait la belle depuis le jardin de l'hôpital après avoir bousculé un membre du personnel et escaladé une grille haute de plusieurs mètres. Liran n'a pas utilisé d'arme pour faciliter son évasion.

C'est volontairement que le jeune Liran a réintégré l'institut psychiatrique vers 20 h 20. N'empêche. Une seconde fugue en un mois : voilà de quoi défrayer la chronique judiciaire et bien sûr politique en période électorale.

Richard Fournaux (MR) a réclamé dimanche des excuses de la part de la ministre Fonck, en charge de l'Aide à la jeunesse pour la Communauté française : "Cette affaire rocambolesque pose une nouvelle fois la question de la faillite du système qui veut que ce soit la Communauté française, exsangue financièrement, qui doive gérer la délinquance juvénile" .

Et le député-bourgmestre de Dinant d'en appeler à une réforme en profondeur : "L'internement et le suivi d'un jeune ne doivent pas ressembler à une cure de santé agrémentée d'excursions au foot ou en ville organisées ou décidées par le délinquant lui-même" .

La ministre CDH de l'Aide à la jeunesse Catherine Fonck a répliqué que la prise en charge des mineurs délinquants par une institution psychiatrique relève du fédéral et non de la Communauté française, tout en affirmant à la victime du mineur "tout son soutien dans cette nouvelle épreuve" .

Reste que le placement de mineurs délinquants en institut psychiatrique dit fermé pose problème.

Quid de la sécurité ? Etienne Joiret, psychologue à Titeca, assure que, depuis la première escapade de l'adolescent, le 15 avril dernier, les mesures de sécurité ont été renforcées : des membres du personnel médical sont affectés en permanence devant la grille lors des promenades au jardin.

Le psychologue tient en outre à souligner que : "le battage médiatique qui a entouré la première évasion de Liran, sa diabolisation, a désespéré l'adolescent et l'ensemble des patients. Tout cela est totalement contre-productif tant à l'égard des victimes qu'à l'égard des personnes qui font l'objet de mesures judiciaires" .

Se pose néanmoins la question de savoir si Liran a bien sa place dans un hôpital psychiatrique. Selon le Dr Laurent Servais, l'état général de l'adolescent s'est nettement amélioré depuis son admission au sein de l'institut. Liran se montrerait critique vis-à-vis de son geste envers le directeur de l'institut Cousot.



© La Dernière Heure 2007


Institut Titeca : "plus facile d'en sortir que d'y entrer"
Des patients du centre psychiatrique témoignent: "la grille n'est surveillée que jusqu'à 18 h"

SCHAERBEEK Centre hospitalier psychiatrique Jean Titeca. Rue de la Luzerne à Schaerbeek. Un grand bâtiment froid protégé par quelques grilles derrière lesquelles des hommes et des femmes, jeunes et moins jeunes, sont assis et contemplent le passage dans la rue où des enfants jouent. Seules des barrières hautes d'environ trois mètres les séparent de l'extérieur.

Un grillage que Liran a su escalader pour s'échapper une nouvelle fois ce samedi peu après 17 h de l'institut dans lequel il avait été placé après avoir poignardé de cinq coups de couteau le directeur de l'institut Cousot de Dinant.

Face à la grille que le jeune Liran a escaladée, nous rencontrons ce dimanche un autre patient du centre. "C'est par ici (NdlR : voir photo) qu'il est passé. C'est par cette grille qu'il y en a plein qui cavalent. C'est facile, la grille n'est surveillée que jusqu'à 18 h. Après, il suffit de l'escalader. Il y a une caméra, oui, là, derrière les feuillages. Le temps d'apercevoir quelque chose, la personne a déjà eu le temps de s'enfuir. Les évasions ici, j'en vois tout le temps, ce n'est pas la première, ni la dernière", insiste le patient, assis sur une chaise derrière la fameuse grille.

Un membre du personnel, chargé de surveiller les grillages, nous interrompt : "ne prêtez pas attention à ce qu'il dit". C'est qu'il s'agit ici d'un patient d'une institution psychiatrique dans laquelle 14 lits sont réservés aux adolescents, comme Liran, qui présentent des troubles du comportement sévères associés à des troubles psychiatriques. Il n'empêche, un saut et des bras musclés suffisent au passage d'un côté de la grille à l'autre.

L'un des directeurs du centre hospitalier nuance : "Titeca est l'un des instituts les plus sécurisés. La liste d'attente est longue pour une place à Titeca. La plupart des jeunes internés ici viennent des institutions de protection de la jeunesse ou d'Everberg. Il est important de rappeler que notre institution est un hôpital et non une prison. Nous avons pris des mesures supplémentaires de sécurité récemment et nous modifierons les infrastructures architecturales à l'avenir mais la forme de convivialité que présente le centre doit être maintenue", précise le docteur Joiret. Docteur qui réagit également aux critiques du MR (voir ci-dessus) : "Françoise Bertieaux n'a qu'à venir visiter le centre avant de le critiquer juste avant les élections pour le plaisir de le critiquer", conclut le docteur.

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