La fin d’un long cauchemar pour une avocate belge: elle va même toucher un montant de 66 millions d’euros !
Innocentée, l'avocate belge était passée par la case prison à deux reprises.
Publié le 27-01-2023 à 11h18
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C’est la fin d’un cauchemar en Suisse pour une avocate belge, la fin d’un enfer long de dix ans qui l’a amenée en prison, à deux reprises, pour des périodes assez longues. La justice helvète vient de la déclarer non coupable de blanchiment d’argent aggravé, une infraction tenue là-bas pour un crime.
Tout a commencé dans les années 2000 à Bruxelles où l’avocate Fara Chorfi faisait la rencontre d’un certain Luka Bailo. Ce Luka Bailo, un personnage au passé sulfureux, qui se flattait d’avoir appartenu au crime organisé yougoslave, à la fois flambeur de casino, passionné de boxe, de voyage, football, de grands vins et de bonne chère, avait épousé, en 2001, une milliardaire vieillissante, la vicomtesse Amicie de Spoelberch, rien moins qu’une héritière de l’empire brassicole InBev (Stella Artois, Jupiler, Leffe, Hoegaarden, Corona, Budweiser…). Il avait 65 ans. Elle en avait 80.
Piscine et champagne
Le couple habitait le quartier Churchill, face au bois, un château où l'on buvait à toute heure les plus grands champagnes millésimés. Nous le savons : nous en avons bu. Amicie, qui s'offusquait qu'on puisse douter de leur amour, ne cessait de répéter : "Luka est mon grand amour. Rien ne me détournera. Que cessent les rumeurs, les intimidations et les manipulations. Et maintenant, je veux la paix".
En dépit de la différence d’âge, c’est Luka Bailo qui est parti le premier. À son décès, en 2004, il laissait deux grands fils qu’Amicie de Spoelberch avait entre-temps adoptés. Les fils Bailo s’appelleraient désormais Alexis et Patrice Bailo de Spoelberch, et se retrouvaient soudain à la tête d’une fortune colossale. La vicomtesse décédait, elle, en 2008.
Pour sa part, maître Fara Chorfi continuait de défendre les fils quand ceux-ci voyaient leurs intérêts rudement contestés. Au fil du temps, les relations se dégradaient pourtant, et la suite de l’histoire montre que les enfants Bailo décidaient de faire vivre un enfer à celle qui avait été l’avocate de leurs parents avant de devenir la leur. Ils portaient à son encontre des accusations extrêmement graves, faisant en sorte que l’avocate soit arrêtée, à la demande des autorités suisses, lors de vacances en Grèce.
Si Me Chorfi échappait à l’extradition en revenant en Suisse sur base volontaire, elle y était placée sous mandat d’arrêt le soir de la première audience d’instruction. Fara Chorfi, qui subissait des auditions éprouvantes, resta détenue dix mois entre 2017 et 2018.
Un palace à Madrid
L’affaire, assez compliquée et très technique, faisait apparaître des présumés montages financiers complexes et des sociétés offshore à Dubaï, Singapour et Monaco. Pour faire bref, les fils Bailo de Spoelberch accusaient leur ancienne avocate de s’être emparée de 815 000 actions au porteur de la société InBev alors nommée Interbrew, d’avoir déposé les titres sur divers comptes en Suisse puis les avoir blanchis via les offshores. Les actions, qui valaient à cette époque 22,5 millions d’euros, atteignaient 66 millions en 2020.
Entre-temps, les fils Bailo rencontraient eux-mêmes des problèmes avec la police et la justice. Notamment après le décès d’un ami proche, originaire de Bruxelles, âgé de 22 ans, dans leur suite au Villa Magna, un palace à Madrid. David avait succombé à une overdose. Alexis fournissait des explications qui le mettaient hors de cause.
Du barreau aux barreaux
En 2016, Fara Chorfi était jugée au Grand-Duché, et bien qu’acquittée pour vol et blanchiment, elle était déclarée coupable de tentative d’arnaque au testament. Le tribunal de Luxembourg la condamnait à une peine d’emprisonnement avec sursis. L’affaire est aujourd’hui terminée, de sorte qu’il n’y a plus lieu d’y revenir.
En 2019, ensuite, l'avocate belge était jugée à Genève pour blanchiment d'argent aggravé, une infraction considérée en Suisse comme un crime. Le tribunal correctionnel genevois la déclarait coupable. Il estimait que Fara Chorfi " avait de grandes facultés de manipulation" et lui infligeait deux ans et demi d'emprisonnement, dont 15 mois avec sursis. Les héritiers Bailo de Spoelberch, qui réclamaient 250 millions d'euros, obtenaient la saisie de l'intégralité de ses comptes. Et la presse titrait : "Une avocate arnaque l'une des familles les plus riches du pays", "Elle a blanchi 66 millions d'euros d'une héritière d'InBev, et les a gardés pour elle", etc.
Sa dernière chance
L’avocate interjetait appel, sa dernière chance. La procédure écrite devant la cour d’appel de Genève a duré deux ans. C’était tout ou rien. L’enjeu était terrible. Le ministère public suisse demandait pas moins de 4 ans d’emprisonnement. La décision vient d’être prononcée. L’ex-conseillère de la famille Bailo de Spoelberch a été acquittée du chef de blanchiment aggravé. Un sacré revirement judiciaire qui ravit ses avocats, Grégoire Mangeat, Fanny Margairaz et Romain Wavre, du cabinet Mangeat.
Les Bailo de Spoelberch qui réclamaient 250 millions, n’obtiennent rien. Patrice, fondateur en Suisse de Team BDS, un acteur incontournable du E-Sport, prétendait notamment que des lettres avaient été dictées aux deux frères par leur avocate alors qu’ils étaient sous l’emprise de stupéfiants. Or, retiennent les juges de la Cour d’appel helvète, une incapacité de discernement des héritiers, en raison de consommation de drogue ou d’alcool, n’a pas non plus été établie.
En conséquence, les Bailo de Spoelberch partent bredouilles. Au contraire de Fara Chorfi qui reprend possession des 35 millions d’euros qu’elle avait été sommée de rendre aux deux frères, mais aussi de 327 600 actions qui valaient près de 23 millions d’euros et auxquels il faudra ajouter 30 millions pour la plus-value réalisée entre 2004 et 2020.
Marc Uyttendaele en embuscade
Plus fort que les chiffres, Me Grégoire Mangeat, contacté par la DH, expose que " cette décision de justice, après tant de souffrances, constitue un coup d'arrêt à l'entreprise d'écrasement pénal qui lui a été infligée pendant de longues années avec une violence inouïe par les frères Bailo de Spoelberch". Fara Chourfi a maintenant 60 ans. "Ma cliente a été privée, dans ses années si importantes entre 50 et 60 ans, par l'acharnement des deux fils Bailo de Spoelberch, de sa vie de femme et de mère."
Nous souhaitions contacter Mme Chorfi. "Notre cliente n'est pas en état de parler pour l'instant. Elle est sous le choc, détruite par ces dix ans de procédure et de presse accablantes."
L'affaire n'est pas refermée pour autant. Le cabinet d'avocats Marc Uyttendaele, qui assure la défense de Mme Chorfi en Belgique, indique que " des procédures sont/seront engagées afin d'obtenir réparation de l'incommensurable dommage subi par Mme Chorfi qui, pendant plus de dix ans, a vécu un enfer".