Qu’est-ce que l’adrénochrome, cette “drogue faite à base de sang d’enfant” et évoquée dans Touche Pas à Mon Poste de Cyril Hanouna ?
La théorie complotiste, démontée depuis plusieurs années, continue de circuler sur les réseaux sociaux.
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Publié le 16-03-2023 à 16h52 - Mis à jour le 16-03-2023 à 18h59
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La récente prise de bec entre la chroniqueuse de France Inter Sophia Aram et le trublion du PAF, Cyril Hanouna, a quelque peu éclipsé une problématique particulièrement grave qui trouve écho sur les réseaux sociaux, celle de l’adrénochrome, une drogue supposément fabriquée à base de sang d’enfant, évoquée sur le plateau de Touche Pas à Mon Poste, l’émission phare de Cyril Hanouna.
Il y a quelques jours, l’animateur français recevait sur son plateau l’ancien dealer et adepte du complotisme Gérard Fauré. Lequel a ouvertement accusé des personnalités telles que Pierre Palmade, poursuivi pour avoir provoqué un grave accident de la route sous influence de la cocaïne, ainsi que Céline Dion, de consommer cette drogue. Qui d’après l’invité d’Hanouna, serait extraite du “sang d’enfants”.
Il n’en fallait pas plus pour Sophia Aram pour dégainer son arme préférée, la chronique au vitriol : “Aussi probable qu’allumer ses flatulences avec un briquet peut conduire à se brûler les poils des fesses, inviter dans l’émission d’Hanouna un ancien dealer reconverti dans les théories complotistes, peut conduire à ça”, commença-t-elle. Avant de poursuivre : “C’est d’ailleurs un peu le problème quand on attend d’un décérébré qu’il régule un autre décérébré, c’est un peu comme nettoyer du vomi avec du vomi, ça marche moyen moins.”
Visiblement vexé par cette chronique, bien qu’il ne cesse de rappeler le contraire, Hanouna a contre-attaqué, lui indiquant de s’occuper plutôt de sa mère, “condamnée à deux ans de prison dont six mois ferme pour avoir berné des personnes en situation irrégulière en leur faisant miroiter des titres de séjour alors qu’elle était adjointe au maire de Trappes.” Et de conclure : “Sophia tu as déjà du boulot avec ta famille, lâche-nous !”
Si Hanouna s’attirer désormais les foudres du paysage audiovisuel français, un hashtag de soutien à Sophia Aram a été lancé. Et cartonne sur Twitter : #TouchepasàSophiaAram.
Une guéguerre à coups de médias interposés qui a relégué au second plan la problématique de l’adrénochrome supposée, donc, être fabriquée à base de sang d’enfants torturés et sacrifiés. Stoppons directement les fantasmes sataniques : cette théorie de l’adrénochrome n’est qu’une rumeur, une de plus, fabriquée sur et par les réseaux sociaux.
Il ne faut pas chercher longtemps pour en trouver trace : de nombreux internautes partagent la même photo en noir et blanc, glaçante, d’une fillette allongée sur une table, entourée de huit hommes au visage austère. Une photo accompagnée d’un texte glaçant, souvent en anglais que l’on peut traduire comme ceci : “Savez-vous pourquoi ils torturent et sacrifient des enfants ? Et si je vous disais qu’il existe un marché de plusieurs milliards de dollars pour une drogue dont vous n’avez jamais entendu parler ? Un marché pour une drogue que l’on ne trouve que dans le cerveau humain quand l’adrénaline est pompée dans les veines ? La drogue la plus puissante du monde : l’Adrénochrome.”
Une rumeur, notamment reprise par le groupe complotiste QAnon, qui est aujourd’hui devenue véritable théorie complotiste pédosataniste. Et qui indique que les grands de ce monde y auraient régulièrement recours. La Reine Elizabeth II d’Angleterre et son mari le prince Philip y auraient notamment eu recours dans les années 60, en enlevant impunément 10 enfants dont on ignore, évidemment, ce qui leur est advenu. Selon les adeptes de cette théorie sataniste farfelue, des kidnappeurs enlèveraient des enfants aux quatre coins du monde pour les torturer afin qu’ils sécrètent de l’adrénaline que leurs bourreaux récupéreraient ensuite après avoir sacrifié les enfants.
Pourtant, l’adrénochrome n’a rien d’une drogue. S’il s’agit effectivement d’une molécule obtenue par oxydation de l’adrénaline, ses effets sur le corps humain ne sont pas bien connus. Selon certains chercheurs, cette substance pourrait avoir un lien avec la schizophrénie. Mais elle ne procurerait aucun effet hallucinogène ou psychotrope recherché par les amateurs de drogue.
Quant à la photo utilisée pour illustrer la théorie, il s’agit en réalité d’une peinture, intitulée Epiphany III, de Gottfried Helnwein, elle-même basée sur une photo de gueules cassées de la Guerre 14-18. La fillette a été rajoutée sur la peinture.

D’où vient ce mythe ? D’une étude des années 50 et… de Las Vegas Parano
L’origine de cette thèse complotiste de l’adrénochrome réside dans une étude datant de 1952, réalisée par des chercheurs anglais. Ces derniers avaient affirmé que l’adrénochrome était une substance hallucinogène qui pouvait provoquer la schizophrénie. Et beaucoup ont conclu de cette étude que l’adrénochrome pouvait être une substance psychotrope. Une fausse croyance qui a traversé les années malgré les démentis scientifiques.
Cette croyance populaire a même été renforcée par Las Vegas Parano. Ce roman, rédigé par l’écrivain américain Hunter Stockton Thompson en 1971 puis adaptée en film par Terry Gilliam, qui relate le séjour dans la ville du péché d’un journaliste censé couvrir la course de moto des 400 miles de Las Vegas mais qui passera son temps à consommer des produits stupéfiants avec son avocat. Et parmi les drogues citées dans le roman, on retrouve l’adrénochrome, qui aurait des effets psychotropes particulièrement importants sur les deux hommes.
En réalité, inique le docteur Bernard Basset, président de l’Association Addictions France, “la consommation d’adrénochrome a des fins psychoactives est un pur mythe.”
