"Allô, service extradition de parrains de la drogue qui tirent les ficelles de Dubaï en Belgique?": les Émirats, malgré l’accord, ne répondent pas!
Sur sept demandes d’extradition, aucune réponse.
Publié le 18-03-2023 à 09h59
Lorsque la communication cryptée, via la messagerie Sky ECC, des criminels, essentiellement actifs dans le trafic de drogue via Anvers, a pu être déchiffrée, ce fut une journée mémorable pour la police et la justice. Les messages interceptés ont révélé que tous les chefs des réseaux criminels ne résidaient absolument pas en Belgique et que leur lieu de résidence de prédilection était les Émirats arabes unis, Dubaï plus précisément.
La Belgique a cru à la poule aux œufs d’or via l’accord d’extradition en vigueur depuis novembre dernier avec les Émirats. Malheureusement, aucune demande d’extradition n’a encore fait l’objet d’une réponse favorable.
À ce stade, aucun suspect n’a encore été extradé. “Depuis l’entrée en vigueur du traité, en novembre dernier, sept demandes d’extradition ont déjà été adressées aux Émirats arabes unis et deux autres suivront bientôt. Nous n’avons reçu aucun refus de la part des autorités émiriennes”, a annoncé à la Chambre le ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne.
Logique qu’un refus n’a pas été signalé… vu qu’aucune réponse n’a été exprimée.
Le ministre se retranche derrière la lenteur des procédures d’extradition :.“Entre pays non européens, elles prennent du temps. Le dossier est soumis à l’autorité centrale des EAU (NDLR. dont le traité entre la Belgique et les Émirats arabes unis), puis transmis aux juridictions compétentes. Au vu de la procédure, il n’est pas surprenant que nous n’ayons pas encore reçu de réponse. Nous ne sommes pas le seul pays européen à rencontrer de tels problèmes avec les EAU. Entretemps, nous continuons à faire pression pour une coopération, y compris en matière d’aide juridique et de confiscation.”
Pas convaincant pour une députée de la commission Justice : “Le traité a été adopté en 2021 déjà, il est entré en vigueur à la fin de l’année dernière et, pendant ce temps, les criminels continuent de mener grand train là-bas (NDLR. et à tirer les ficelles à distance sur le trafic de drogue en Belgique, ajouterons-nous). Le fait que nous n’ayons toujours pas obtenu de réponse ne m’incite vraiment pas à être optimiste. La question est de savoir si les Émirats arabes unis veulent vraiment coopérer avec notre pays.”
La question se pose, effectivement. Fin janvier 2022, la troisième demande d’extradition de “Dikke Nordin”, l’un des barons anversois, a été rejetée par un tribunal des Emirats. Nordin El. H., condamné en Belgique à 40 mois de prison pour trafic de drogue, est toujours bien peinard à Dubaï. Ce dernier a entamé une procédure contre son extradition et a obtenu gain de cause auprès de la High Court of Dubai. Pour une de question de fond ? Vraiment pas. Pour une question de procédure, a assuré le juge à l’ambassadeur belge sur place.
” Notre demande d’extradition était fondée sur trois dossiers mais, dans l’un des dossiers, l’intéressé a bénéficié d’un non-lieu de la chambre du conseil fin décembre”, avait expliqué le ministre à la Chambre. “Cela signifie que l’extradition était possible sur la base de deux des trois dossiers. Nous ne comprenons pas pourquoi les Émirats arabes unis n’ont pas demandé d’informations supplémentaires à la justice belge lorsqu’ils ont été confrontés aux arguments de la défense. En outre, lorsque les conventions ont été conclues, l’affaire liée au prévenu était déjà pendante depuis longtemps à la High Court de Dubaï. Ces conventions n’ont donc pas été prises en considération lors du traitement de l’affaire. ”
Âgé de 34 ans, Nordin El H., enfui à Dubaï après sa condamnation en 2016, y dirige, selon le parquet d’Anvers, les opérations de contrebande de cocaïne dans le port.
Plusieurs autres barons de la drogue anversois se sont réfugiés à Dubaï. Othman El B., par exemple, y aurait investi quelque 7,4 millions d’euros dans l’immobilier. Bon nombre d’entre eux ont plié bagage en mars dernier, lorsque l’affaire SKY ECC (vagues successives de perquisitions dans le milieu de la drogue) a été révélée au grand jour.