“J’ai deux belles pistes pour débusquer le Dépeceur de Mons” : Morgan, amateur passionné par l’affaire, ne lâche rien
Incroyable : un amateur continue tout seul de traquer celui qui a sauvagement assassiné cinq femmes, il y a vingt-cinq ans
Publié le 22-03-2023 à 12h05
:focal(832x563.5:842x553.5)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/S4EBZNTTHFHTDN6OJAVLPYEAIE.jpg)
Qu'est-ce qui le pousse encore et encore à ne pas laisser tomber ?
Il y a juste un an, le 22 mars 2022, Morgan Vanlerberghe publiait un livre-enquête de 555 pages sur le Dépeceur de Mons. Un an après, nous retrouvons cet amateur passionné par cette affaire qui a traumatisé le Borinage à la fin des années 1990.
Et pour cause : cinq crimes de femmes qui fréquentaient le quartier de la gare.
Par plus d'un point de ressemblance, un remake, à un siècle de distance, des crimes de Jack l'Éventreur, également cinq crimes, également non résolus, également perpétrés dans un quartier restreint, Whitechapel à Londres. Sauf qu'à Mons, le Dépeceur n'éventrait pas ses victimes. Il les décapitait, les dépeçait et les démembrait.
Depuis la sortie de son livre, Morgan Vanlerberghe a poursuivi ses investigations à Mons au départ de l'hôtel Métropole de la rue Léopold 2, l'un des trois établissements que les victimes, Carmelina, Martine, Jacqueline, Nathalie et Bégonia, ont fréquentés d'une manière ou d'une autre. Sa conviction n'a pas changé. Pour lui, "l'auteur est nécessairement du coin". Le livre "Il est moins cinq..." paru aux éditions Nombre 7, a eu un résultat bénéfique : entre quinze et vingt lecteurs ont réagi, dont au moins cinq, dit-il, "m'ont apporté des éléments intéressants".
Il faut comprendre que Morgan Vanlerberghe n'a strictement aucun titre pour enquêter. Il n'est pas policier. Il n'est pas détective privé. Il n'est pas journaliste. Il n'est rémunéré par personne. Il n'a pas de formation particulière. Il travaille, dans son temps libre, uniquement animé par l'obsession d'identifier l'auteur de cinq crimes atroces et abominables, là où la justice, malgré la pugnacité de la cellule d'enquête Corpus, a échoué. Avec celle des Tueurs du Brabant, l'affaire du Dépeceur est le plus grand mystère criminel belge de l'après-guerre. Et soit dit en passant, deux échecs consternants, pour l'instant.

Intuition
Alors, Morgan Vanlerberghe revient sur les lieux et inlassablement refait, pour encore mieux s'en imprégner, les 'circuits' du Dépeceur.
Lui n'exclut pas la participation de plusieurs auteurs. Disons que ce serait étonnant vu qu'en principe, de telles folies ne se partagent pas. Elles sont toujours le fait d'un seul individu.
Toujours est-il que le (ou les) auteur découpait les victimes et se débarrassait des morceaux en les déposant, dans des sacs poubelles, en différents endroits.
C'est en refaisant une fois encore le trajet des derniers lieux de dépôts qu'il a eu une intuition. Il était tard, ce soir-là, un peu avant minuit. Vanlerberghe se trouvait rue du Dépôt, à Havré, un des endroits où des restes humains d'une victime, Nathalie Godart, ont été trouvés. Une voiture est arrivée et Morgan a réagi d'instinct. Il a démarré, a pris une rue à gauche puis une autre et a finalement abouti sur une grande route. Il l'a traversée et a continué droit devant puis, à un moment, il a débouché dans une ruelle mal éclairée qu'il a reconnue : rue de Saint-Symphorien, là-même où furent retrouvés les derniers restes de Nathalie.
En fait, des phares de voiture avaient dérangé Morgan alors qu'il se trouvait rue du Dépôt. Réagissant d'instinct, il avait refait intuitivement, sans le savoir, le trajet du Dépeceur la nuit où celui-ci s'est débarrassé des restes d'une victime. Il n'avait pas seulement reconstitué le trajet. Il réalisait que le Dépeceur avait lui-même dû être importuné par l'arrivée d'un véhicule. Il en conclut que quelqu'un a dû l'apercevoir quand il se débarrassait des premiers sacs contenant les restes de Nathalie Godart. Mais ce témoin n'a malheureusement pas réalisé l'importance de ce qu'il voyait.
Reprendre les cold case
Et c'est ainsi, étape par étape, que Morgan Vanlerberghe continue d'avancer. Jusqu'au jour, espère-t-il, où les pièces du puzzle se mettront en place. Pour l'instant, il suit deux pistes, me dit-il, "qui pourraient intéresser l'enquête officielle si celle-ci s'en donnait la peine".
En France, la gendarmerie nationale a créé récemment un pôle cold case spécialisé dans les crimes non résolus, appelé DiANe (division des affaires non élucidées). Vanlerberghe estime que la police belge pourrait reprendre l'Affaire du Dépeceur. La vérité n'est pas loin, dit-il. "Selon moi, l'identité du (ou des) auteurs se trouve dans le dossier, j'en suis persuadé."
Il suit donc deux pistes. La première, il l'évoquait à demi-mots dans son livre sorti l'an passé, et il y croit toujours. Elle met en cause deux individus qui, à l'époque des faits, se trouvaient dans le secteur. Et l'un d'eux dit-il, est toujours en vie.
La seconde piste provient d'éléments nouveaux apportés par ses lecteurs. Elle implique un individu dont on lui apprend qu'il aurait croisé les cinq victimes, sans exception. "Il y a des éléments que je dois encore creuser".

Tuyau en or
La troisième victime du Dépeceur, Jacqueline Leclercq, avait une sœur, Georgette, que Morgan a bien connue. "Elle n'acceptait pas non plus que l'assassin ait échappé à la justice et vive comme si de rien n'était". Georgette est décédée l'an passé et la sortie de ce livre avait été pour elle un motif de satisfaction. Il rappelait la mémoire de sa sœur, assassinée à l'âge de 33 ans. Grâce au livre, Jacqueline n'était pas totalement oubliée.
Morgan Vanlerberghe ne désespère pas de recevoir, un jour, le 'tuyau en or'. Mais en dépit de tant d'efforts, "personne, jusqu'à présent, n'est venu à moi avec un nom et des preuves solides".
Il est persuadé que, comme dans chaque affaire criminelle, il y a quelqu'un, quelque part, qui sait, ou qui a vu un élément dont il n'a pas réalisé l'importance, quelqu'un qui se tait depuis vingt-six ans.
Sa démarche est tout bonnement surréaliste : c'est celle d'un citoyen lambda qui cherche tout seul là où la police et la justice sont en panne. Pour Morgan Vanlerberghe, il n'y a pas de petites victimes. Carmelino Russo comme Martine Bohn, Jacqueline Leclercq, Nathalie Godart et Bégonia Valencia valent la peine qu'on se batte pour elles. Les premiers sacs poubelles furent trouvés un 22 mars, en 1997. Beaucoup de parties corporelles n'ont pas été retrouvées. Seuls les morceaux d'une des cinq victimes du tueur en série, Nathalie Godart, l'ont tous été. Pour sa part, Morgan Vanlerberghe ne baisse pas les bras. Avec de petits moyens, mais un grand acharnement, il continuera.