Le calvaire de Virginie et Laurent, qui se battent pour leur cuisine à 14.000 euros: “La hotte silencieuse? On aurait dit un avion qui décolle"
Trois ans que Laurent et Virginie attendent que la cuisine qu’ils ont commandée soit conformément installée.
- Publié le 06-06-2023 à 13h57
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Dire que Laurent et Virginie sont “exaspérés” relève bien sûr du cliché mais, dans ce cas précis, l’expression reste très en dessous de la réalité. En 2020, le couple commandait chez Krëfel la cuisine de ses rêves. Celle qui a été livrée, la façon dont elle a été installée, n’a pas répondu à l’attente, loin s’en faut. Et cela dure depuis trois ans. Lassé d’appeler le service client et d’envoyer des emails auxquels il était répondu sans apporter de solution adéquate, le couple est allé en justice. Quand nous les rencontrons, ils ne veulent plus entendre parler de cette cuisine qui les a vidés de leur énergie. Alors, ils ont pris une décision pour le moins radicale. La société Krëfel, elle, réagit.
Malfaçons
Dès le départ, ils avaient un mauvais pressentiment. Le technicien envoyé pour prendre les mesures “tremblait des mains”, soupire Virginie qui, apprenant que le même viendrait placer la cuisine, avait prévenu le magasin de ce fait.
Ils signaient le 18 mars 2020 le bon de commande pour l’ensemble comprenant le four multifonctions, la plaque de cuisson, le frigo, le lave-vaisselle, le micro-ondes, la hotte aspirante et les armoires.
La cuisine était placée le 30 avril et d’emblée, rien n’allait comme il fallait.

Le frigo n’avait pas été livré à temps, le mitigeur choisi n’était pas disponible, la hotte aspirante qu’on leur avait vendue comme silencieuse était bruyante : “On aurait dit un avion qui décolle”.
Les moulures de finition et les crédences étaient mal réalisées ou endommagées lors du placement. Les paniers livrés étaient trop grands. Les armoires, le four et le micro-ondes n’étaient pas alignés. Le cuisiniste avait oublié de placer les freins de porte sur une armoire. Oublié aussi de retirer le bouchon du flexible d’évacuation du lave-vaisselle, etc.
Encore et encore
Le magasin faisait alors la sourde oreille, obligeant le couple à envoyer du courrier et des mails à répétition. En août, Krëfel, pour dépanner, pendant la canicule, proposait de remplacer le frigidaire, qui manquait toujours, par un mini-frigo de camping. Pour la hotte bruyante, ils allaient plutôt envoyer un expert “avec un appareil pour mesurer les décibels”.
Quant à aligner correctement l’ensemble four-armoires-micro-ondes, c’était remis à plus tard. De quoi exaspérer Laurent et Virginie. C’était une cuisine, tout de même, de 14 445 euros.

En octobre, Krëfel annonce que le frigo serait livré le mois suivant mais serait d’une autre marque que celle commandée. Celui qui sera finalement livré, relate Virginie, “bougeait quand on l’ouvrait, la porte était dure à ouvrir”.
La cuisine avait six mois, des lattes et des caches de finition commençaient à se décoller. Trois armoires étaient toujours sans porte.
Krëfel envoyait un technicien. Une porte était montée à l’envers et les caches du frigo se détachaient après quelques heures, empêchant de le fermer convenablement.
Laurent, qui refaisait lui-même les contours, constatait que la hotte n’avait pas été centrée par rapport à la taque de cuisson, et qu’un tiroir à épices avait été placé de travers. “Les mois passaient, résume Virginie, trois placeurs sont venus mais au final, ça tournait en rond “.
Rien ne s’arrange
Nous voilà en juillet 2021 et cette cuisine commandée depuis quinze mois ne satisfait toujours pas les clients. Mauvaise fixation d’un tiroir vertical près de la plaque de cuisson, mauvais alignement de la hotte (avec une différence de 1,5 cm d’un côté à l’autre) et moulures de finition mal fixées. Quant à la hotte mal centrée, elle était remplacée par un modèle trop petit, ce qui laissait apparaître des trous dans le coffrage. Et maintenant, des coulées de liquide apparaissaient sous le frigo, et l’humidité abîmait un meuble. Et” nos courriers restaient sans solution adéquate”, insiste Laurent. “Krëfel semblait prendre les choses à la légère”.

Veille de Noël
24 décembre 2021, ce jour où l’on prépare Noël, le couple, lui, attendait une énième visite d’un cuisiniste. Le bac de condensation du frigo ayant été mal placé, et visiblement forcé, provoquait l’écoulement du liquide.
Virginie est à bout. Alors qu’elle avait commandé une cuisine de style “cottage”, Krëfel voulait lui mettre des moulures de style “moderne”.
En avril 2022 – plus de deux ans après la commande – un énième technicien, pour en finir, prévoyait de consacrer six heures de travail pour solutionner tous les problèmes d’un coup. Rendez-vous était fixé au vendredi 22 avril. Ce n’était pas la première fois : Virginie avait spécialement pris congé. Le technicien annoncé ne s’est jamais présenté.
Trop is te veel : le couple chargeait leur avocat, Me Bernard Tieleman, d’assigner Krëfel devant le tribunal de l’Entreprise de Bruxelles. Ce qui prend du temps…
Début 2023, la 1ère Chambre néerlandophone – le siège de SA Krëfel se trouvant à Grimbergen, en Brabant flamand – condamnait la société à achever la cuisine. Le juge donnait un mois pour cela et fixait 250 euros d’astreinte par jour de retard. Laurent et Virginie, qui espéraient une indemnisation pour les tracas subis, demandaient 5000 euros d’indemnités : le tribunal leur accordait… 250 euros.
C’est bien l’entreprise Krëfel, et pas les placeurs qui se sont succédé chez eux, que le tribunal condamnait.
Mais la société faisait défaut au procès, de sorte que Laurent et Virginie n’en avaient pas fini. Via leur avocat, ils chargeaient un huissier de signifier le jugement.

Selon Me Tieleman, Krëfel a répondu à l’huissier que le siège de la société n’avait pas été informé de la procédure, et n’avait dès lors pas pu se défendre. Krëfel croyait d’ailleurs que ce dossier était réglé, bien que le client ait refusé de signer la réception définitive. La société ne faisait pas opposition à la condamnation, renonçait “à titre commercial” à réclamer le solde que les clients n’ont jamais versé, et acceptait de payer notamment les frais de justice.
Virginie et Laurent ont joué de malchance. Quand ils ont signé le bon de commande, le 18 mars 2020, nous étions au début de la crise sanitaire. Mais” le Covid a bon dos”, estime le couple qui, pour tourner la page et oublier cette cuisine dont ils ne veulent plus entendre parler, a pris la décision radicale d’aller habiter ailleurs. Ils ont déménagé.
Krëfel a réagi
Krëfel a été contacté. Très aimable, son porte-parole, Frédéric Berghmans, a répondu : “Notre service client a toujours suivi ce dossier en faveur du client, malheureusement la période de COVID a engendré des reports et beaucoup de temps pour avoir des appareils ou pièces de rechange du fait des délais fournisseurs dans cette période de COVID”.
