Un homme abattu de 17 tirs de kalachnikov à Anderlecht : “Nous entrons dans une nouvelle ère de la criminalité en Belgique”
Alors que les règlements de compte se multiplient en Belgique, le juge d’instruction Michel Claise estime que les autorités sont impuissantes face aux organisations criminelles. Explications.
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- Publié le 15-09-2023 à 06h22
- Mis à jour le 15-09-2023 à 13h17
Les règlements de compte sur fond de trafic de drogue, tel que celui survenu dans la nuit de mercredi à jeudi à Anderlecht, sont amenés à se multiplier, craint le juge d’instruction Michel Claise.
En cause, une impuissance de l’Etat à faire face aux organisations criminelles. “On ne peut pas dire que la lutte contre les organisations criminelles soit véritablement efficace malgré les affaires médiatisées comme le démantèlement de la plateforme Sky ECC” estime-t-il. “Un autre procès d’envergure va se tenir (le procès Encro, avec 125 trafiquants de drogue qui comparaîtront le 6 novembre devant le tribunal correctionnel de Bruxelles, NdlR), mais il s’agit de la face émergée de l’iceberg. Il y a, en Belgique, une incapacité à prendre ces phénomènes en charge par rapport à l’impact qu’ils ont dans la société.”
La montée en puissance des organisations criminelles s’accompagne dès lors d’un sentiment d’impunité. “Ces règlements de compte proviennent de contrats non respectés, de problèmes dans la livraison ou le paiement de la drogue. Lorsque l’on regarde ce qui s’est passé dans les rues de Borgerhout et d’Anvers, ce qui se passe maintenant est une continuité d’une situation latente qui existe depuis des années et qui est catastrophique en termes de sécurité pour le citoyen qui pourrait très bien, un jour, prendre une balle perdue. On se dit toujours que les malfrats se tuent entre eux, certes, mais les fusillades éclatent aussi en rue et peuvent faire des dégâts à l’égard de personnes qui n’y sont pour rien”, poursuit le juge Claise.
"La puissance des organisations criminelles est actuellement dans une montée effrayante."
Selon lui, l’argent engrangé par les organisations criminelles les rend tout-puissants, et des méthodes observées dans des pays d’Amérique du Sud sont transposées en Belgique. “Nous entrons dans une nouvelle ère de la criminalité à cause de ce sentiment d’impunité et de la corruption qui se maintient par le blanchiment d’argent. La puissance des organisations criminelles est actuellement dans une montée effrayante.”
Des grenades à 50 euros sur le marché noir
À cela s’ajoute une facilité déconcertante à se procurer des armes sur le marché noir telles que des AK-47 ou des 9mm qui sont stockées dans des caves à Bruxelles. “Leurs origines sont multiples et certaines proviennent du conflit en Ukraine, dont l’import est facilité par la corruption. Ainsi, on peut se procurer une grenade pour 50 euros.”
"Les personnes qui commettent ces actes doivent être bien chargées pour faire preuve d’autant de sang-froid et de détermination."
Lorsque nous avons interrogé le juge Claise, il n’était pas au courant du règlement de compte qui avait eu lieu à Anderlecht dans la nuit de mercredi à jeudi. “Vous me l’apprenez ! Ce qui est fou, c’est que c’est exactement le début de mon prochain livre à savoir un individu qui se fait tuer par 12 coups de kalachnikov à Anderlecht… J’estime qu’à ce rythme, ce genre de règlement de compte va s’intensifier et prendre de l’ampleur dans les villes en Belgique. Nous arrivons à une situation comparable à ce qui se passe à Marseille, avec les mêmes modes opératoires. Soit il s’agit d’actions de vengeance, soit de bandes qui s’affrontent, à l’instar des mokromafias à Anvers qui s’affrontent entre elles sans foi ni loi. Les personnes qui commettent ces actes doivent elles-mêmes être bien chargées pour faire preuve d’autant de sang-froid et de détermination”, détaille-t-il.
Ainsi, à Marseille, la situation devient hors de contrôle et ce sont les organisations criminelles qui font la loi. Pas plus tard que dimanche dernier, en soirée, Socayna, une jeune femme de 24 ans, a été tuée d’une balle perdue de kalachnikov alors qu’elle se trouvait dans sa chambre. En début d’année, à Anvers, c’est la fillette d’un baron de la drogue dont l’habitation a fait l’objet d’une fusillade qui a été mortellement touchée. “Espérons que les autorités fassent enfin le nécessaire pour que ce genre de situation ne se reproduise pas”, conclut le juge Claise.