Réforme des retraites en France : sous les huées de l’Assemblée, Elisabeth Borne enclenche le 49.3
Après un conseil des ministres ce jeudi, Emmanuel Macron a décidé d’utiliser le 49.3 pour faire adopter la réforme des retraites.
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Publié le 16-03-2023 à 14h56 - Mis à jour le 16-03-2023 à 20h47
Ce sera donc un passage en force pour la réforme des retraites en France. Le Conseil des ministres a autorisé jeudi le gouvernement à engager sa responsabilité devant l’Assemblée nationale pour faire adopter la réforme des retraites sans vote, après le choix d’Emmanuel Macron de recourir à l’outil controversé du 49.3, a-t-on appris auprès de l’Elysée.
”La Première ministre a demandé au président de pouvoir engager la responsabilité de son gouvernement sur le texte issu de la commission mixte paritaire” qui a réuni mercredi des députés et des sénateurs, a déclaré à l’AFP la présidence de la République.
Un Conseil des ministres a été convoqué en urgence et a décidé en quelques minutes. Selon un participant à une ultime réunion du camp présidentiel autour d’Emmanuel Macron, “il a été considéré qu’il y avait trop d’incertitudes sur le vote” en raison du risque d’absence de majorité. “Le président voulait aller au vote mais la Première ministre a considéré qu’en raison des incertitudes, elle devait demander au président de la République d’engager la responsabilité du gouvernement via le 49.3”, a ajouté ce participant.
Borne engage sous les huées la responsabilité du gouvernement par le 49.3
La séance consacrée à la réforme des retraites a démarré jeudi dans le chahut à l’Assemblée nationale, à l’arrivée d’Elisabeth Borne pour déclencher le 49.3. Les députés de la Nupes entonnent la Marseillaise et des panneaux “64 ans, c’est non” ont été brandis par des députés de gauche.
Après un premier faux départ en raison d’un retard de Mme Borne, la séance a été brièvement interrompue. La Première ministre a fini par prendre la parole à la tribune, devant des députés LFI appelant à sa “démission”. Elle a engagé la responsabilité de son gouvernement sur la réforme très contestée des retraites par le biais de l’article 49.3 de la Constitution, qui permet une adoption du texte sans vote, mais expose à une motion de censure.
Le projet de loi est alors adopté, sauf si une motion de censure est déposée dans les 24 heures après le passage au 49.3, avec un vote dans les 48 heures. En cas d’échec de la motion, le 49.3 passe et la loi est validée. En cas de réussite de la motion de censure, la loi est recalée et le gouvernement est contraint de démissionner. Il s’agit du 100e recours à l’article 49.3 de l’histoire de la Ve République française.
”Aujourd’hui, sur le texte du Parlement, l’incertitude plane à quelques voix près. On ne peut pas prendre le risque de voir 175 heures de débat parlementaire s’effondrer. On ne peut pas prendre le risque de voir le compromis bâti par les deux Assemblées, écarté. On ne peut pas faire de pari sur l’avenir de nos retraites, et cette réforme est nécessaire”, a justifié la Première ministre au début de la séance de l’Assemblée. Aussi, sur le fondement de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution, j'engage la responsabilité de mon gouvernement sur l'ensemble du projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2023", a-t-elle déclaré.
"Un vote aura bien lieu" cependant, a ajouté la cheffe du gouvernement, anticipant le dépôt d'une motion de censure. "Dans quelques jours, je n'en doute pas, à l'engagement de la responsabilité du gouvernement, répondront une ou plusieurs motions de censure. Un vote aura donc bien lieu, comme il se doit. Et c'est donc la démocratie parlementaire qui aura le dernier mot", a-t-elle développé.
Marine Le Pen annonce qu’elle déposera une motion de censure
Marine Le Pen (RN) a annoncé jeudi qu'elle déposerait une motion de censure contre le gouvernement après l'utilisation du 49.3 sur le texte de la réforme des retraites par Elisabeth Borne, en considérant que cette dernière "ne peut pas rester" à Matignon. "Nous espérons que ceux qui s'apprêtaient à voter contre cette réforme des retraites voteront cette motion de censure. En ce qui nous concerne, nous déposerons une motion et nous voterons l'intégralité des motions de censure qui seront déposées", a ajouté la présidente du groupe Rassemblement national (RN) à l'Assemblée nationale, qui compte 88 députés.
La triple candidate malheureuse à la présidentielle a estimé que l'utilisation du 49.3 "est un constat d'échec total pour Emmanuel Macron", "un échec personnel" du président de la République, autant qu'un "aveu extraordinaire de faiblesse" du gouvernement. Selon elle, Elisabeth Borne "ne peut pas rester" à Matignon. "Il faut qu'elle parte. Le fait de rester serait considéré comme une gifle supplémentaire à l'égard du peuple français", a ajouté Marine Le Pen, en considérant que la situation était celle d'une "crise politique".
Pas de motion de censure pour LR
"Nous ne nous associerons à aucune motion de censure et ne voterons aucune motion de censure", a prévenu jeudi Eric Ciotti, après l'utilisation par le gouvernement du 49.3 pour la réforme des retraites. "Nous ne voulons pas rajouter du chaos au chaos", a justifié le patron de LR, toutefois contredit peu après par le député Aurélien Pradié, opposé à la réforme, qui a pour sa part estimé que "chaque député reste totalement libre d'aller participer à une autre motion de censure". "Je n'écarte aucune hypothèse par définition", a ajouté le député du Lot.