“Nous sommes entrés dans une ère post-pandémique” : pourquoi la fin de la pandémie de Covid-19 pourrait être décrétée d’ici cet été
Dans l’indifférence générale, la Belgique fait face à une dixième vague d’infections de Covid-19. Malgré une circulation du virus toujours bien présente, doit-on pour autant continuer à parler de pandémie ? Éléments de réponses, entre Bruxelles, Genève et Pékin, concernant les nouvelles perspectives qui attendent les Belges dans un contexte d’amélioration de la situation.
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Publié le 02-03-2023 à 06h42
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Il y a trois ans, le Covid-19 paralysait toute la planète. Des hôpitaux saturés, des restrictions inédites et une mortalité effrayante : un virus dont on ne connaît toujours pas l’origine avait pris possession de nos vies.
Mais avec l’arrivée des vaccins, le développement de nouveaux traitements, une immunité plus importante et une connaissance précieuse du virus, le sars-cov-2 est (presque) devenu une pathologie comme une autre aujourd’hui. Et ce malgré le début d’une dixième vague d’infections qui vient de démarrer en Belgique, dans l’indifférence la plus totale.
En 2022, l’Europe a connu au total cinq vagues de Covid-19 liées à différents sous-variants d’Omicron. Et il est fort probable que 2023 connaisse une situation similaire.
Une politique de santé publique en plein brouillard
“De nombreux sous-variants d’Omicron continuent en effet d’émerger, on en dénombre plus de 1000 dans le monde à ce jour, note le professeur Antoine Flahault, épidémiologiste, médecin et directeur de l’Institut de santé globale à l’université de Genève (Suisse). Certains sont très transmissibles et arrivent à se propager en dépit d’une très forte immunité hybride de la population. La caractéristique des dernières vagues cependant est qu’elles n’entraînent plus de saturations hospitalières, qu’elles sont associées à moins d’absentéisme et que nous parvenons à mieux les encaisser alors que nous avons levé quasiment toutes les mesures sanitaires en Europe, nous devrions donc connaître le même type de situation durant les prochains mois”.
"Nous sommes toujours dans une phase de transition"
En résumé, seules les personnes immunodéprimées et les personnes de plus de 80 ans restent désormais à risque de formes graves pouvant les conduire à l’hôpital et parfois au décès. Toutefois, les syndromes post-infectieux, qu’on appelle aussi Covid longs impactent aussi des personnes moins vulnérables, plus jeunes, après des formes même bénignes de Covid-19.
Avec l’arrêt du testing de masse, il est difficile d’avoir une vue claire sur le nombre d’infections en Belgique. Les données officielles sont donc largement sous-estimées. Une récente publication nord-américaine a évalué la sous-estimation de la prévalence, lorsqu’elle est calculée à partir des PCR tout-venant, d’un facteur 40, aux USA durant les vagues Omicron BA.4 et BA.5. Les Britanniques évaluent cette sous-estimation d’un facteur 4 à 25 selon les périodes. “Lorsqu’on ne sait pas si le niveau de contaminations dans son pays n’est pas 25 ou 40 fois supérieur à celui que la veille sanitaire officielle rapporte, inutile de dire que l’on pilote sa politique de santé publique en plein brouillard”, déplore-t-il.
La fin de la pandémie annoncée d’ici l’été prochain ?
Pour répondre à cette question, un retour en arrière s’impose. Lorsqu’en août 2010 la directrice générale de l’OMS avait déclaré la fin de la pandémie de grippe A/H1N1, le virus n’avait pas disparu de la planète. C’était l’hiver en Nouvelle-Zélande et en Australie à cette époque et le virus grippal y provoquait encore de fortes épidémies, des personnes étaient toujours hospitalisées et des décès étaient à déplorer.
"Le virus ne sera pas éradiqué avant de nombreuses années"
Mais l’OMS estimait que l’on entrait dans une nouvelle ère, appelée post-pandémique. Elle ajoutait qu’il convenait de rester vigilant, qu’il était nécessaire aussi de maintenir les efforts de prévention vaccinale et de traitement en particulier vis-à-vis des personnes fragiles. Mais la situation ne justifiait plus l’état d’alerte maximale dans lequel était plongé le monde depuis le printemps 2009. “Il me semble qu’on entre actuellement dans une situation comparable vis-à-vis du Covid-19, observe l’expert. Le virus n’est pas éliminé et encore moins éradiqué de la planète, et il ne le sera peut-être pas avant de nombreuses années. Il provoque toujours des épidémies, associées à des regains d’hospitalisations et de décès. Il convient de poursuivre les efforts visant à réduire le fardeau du Covid dans la population, de réduire les risques de Covid longs, et de limiter la mortalité. Mais on n’est plus dans cet état d’urgence qui justifiait il y a encore peu le port obligatoire du masque, les quarantaines, et les mesures de confinement qui ont disparu partout dans le monde”.
Une situation endémique ? Toujours pas
Pour les épidémiologistes, l’expression “endémie” n’est pas vraiment appropriée à la situation du Covid. Autant le Sida ou l’hépatite B et C sont des maladies endémiques en Europe de l’ouest car il n’y a plus d’épidémies nulle part même si le virus continue à circuler dans la population, autant la grippe ou le Covid provoquent toujours des vagues épidémiques. On pourrait donc caractériser la situation du Covid comme un état “endémo-épidémique”.
“En général, je dirais que nous sommes toujours dans une phase de transition, indique pour sa part le virologue Steven Van Gucht. On ne peut pas parler d’endémie car on voit une succession de vagues d’infections avec le covid. Il y a même le début d’une dixième vague qui démarre en Belgique même si les gens la remarquent beaucoup moins. C’est un élément qui n’est pas vraiment typique d’une situation endémique. Pour en parler, il faudrait voir le virus disparaître pendant l’été, ce qui n’est pas le cas avec le Covid même si l’impact est minimal pour la société”.
L’expert rappelle d’ailleurs que c’est l’OMS qui décrète ou non la fin d’une pandémie. “Il est nécessaire d’avoir une vue globale pour s’avancer sur ce sujet et ce sont les seuls à l’avoir, ajoute Van Gucht. Il ne faut pas oublier qu’en janvier, la Chine a connu une forte vague de covid, donc on ne pouvait pas dire que la pandémie était terminée, ce serait ignorer ce qu’il se passe à l’étranger. Par contre, la situation est beaucoup plus calme aujourd’hui, bien que le covid soit toujours présent. Ca ne m’étonnerait pas que l’OMS dise ce printemps ou cet été maximum que la pandémie est terminée, je pense que c’est tout à fait possible. On est dans cette transition mais pas si loin de la fin de la situation pandémique”.