Menaces, insultes, agressions : “Depuis le covid, les agressions envers le corps médical se multiplient et se sont banalisées”
La plateforme médecins en difficulté recense une forte hausse des agressions à l’égard des professionnels de santé : “Nous constatons une réelle augmentation de la tension chez les patients, ils sont devenus plus anxieux et plus agressifs”.
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Publié le 11-03-2023 à 09h17
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En plus de la pandémie et du report des soins, les professionnels de santé doivent faire face à une autre vague. Celle de la violence de la part de certains patients. Une forme d'agressivité qui occupe de plus en plus de place dans le quotidien du corps médical.
L’année dernière, une septantaine de notifications d’agression a été enregistrées, un record depuis 2016, indique le conseil national de l’ordre des Médecins, selon qui ces chiffres ne représenteraient que la partie émergée de l’iceberg. En sept ans, l’organisme professionnel a reçu 434 notifications, dont 59 % pour des violences verbales, 21 % pour des violences psychiques, 17 % pour des violences physiques et 2 % pour des violences sexuelles, liste l’organisme.
"On va voir son médecin pour exiger d’être guéri alors qu’avant, on voulait avant tout être soigné"
Victor Fonzé a quarante ans de pratique gynécologique derrière lui. Aujourd’hui, il est le vice-président de la plateforme Médecins en difficulté. Et son constat est sans appel.
“Notre asbl récolte les appels de détresse et nous avons connu une hausse des déclarations d’agressions qui est significative ces dernières années, cela fait partie de nos préoccupations du moment, souligne-t-il. On récolte ces plaintes qui sont ensuite utilisées par le site du Conseil National de l’ordre dont on fait partie. Ce conseil estime d’ailleurs qu’il est nécessaire d’utiliser une partie de la cotisation des médecins pour s’occuper de la santé mentale dans le secteur. Quand il y a un mal-être chez un médecin, c’est le patient qui en paye les conséquences”.
“Les patients sont plus anxieux et agressifs”
Une enquête menée récemment auprès de plus de 3.700 praticiens belges a par ailleurs montré que 84,4 % des répondants ont été victimes d’une forme quelconque d’agression ou de violence dans le cadre de l’exercice de leur métier à un moment donné de leur carrière. “Depuis deux ans après le début du covid, j’ai constaté une réelle augmentation de la tension chez les gens, ils sont devenus plus anxieux et donc plus agressifs, confie une médecin qui a préféré rester anonyme. Les professions de santé sont en première ligne de ce contact. Et notre santé mentale est aujourd’hui lourdement atteinte”.
D’après l’Ordre des médecins, parmi les éléments déclencheurs des agressions, il peut y avoir un désaccord sur les attestations ou les prescriptions, une insatisfaction de l’approche médicale, un agacement face à l’augmentation du temps d’attente, une contestation quant à l’aspect financier ou encore une mauvaise communication ou attitude du médecin.
“Aujourd’hui, le respect envers toute forme d’autorité est en chute, on le voit aussi avec les policiers et les professeurs, le rapport aux médecins suit donc la même évolution, déplore-t-il. Autrefois, le lien avec son généraliste était trop paternaliste mais aujourd’hui, il est devenu trop contractuel. On va le voir pour exiger d’être guéri alors qu’avant on voulait avant tout être soigné. L’attachement au thérapeute a diminué, tout comme l’humanisation de la médecine dont certains médecins sont responsables. Avec la pression ambiante, la hausse de la charge administrative et du travail, le médecin a malheureusement moins de temps à consacrer à son patient”.
Face à cette situation, l’association médecins en difficulté encourage les professionnels de santé à déclarer le plus tôt possible toute forme d’agression au travail. “Sur le total des déclarations, qui restent sous-estimées, on note que seulement 5 % des faits sont rapportés à la Police, rapporte Victor Fonzé. Il est clair que le covid a été un facteur de la hausse de cette agressivité envers les soignants, il y a une souffrance mentale de la part de la population suite à la pandémie, on se doit donc de réagir. Les autorités doivent faire plus de prévention à l’égard du corps médical, tout en les protégeant davantage. Il y a également un traitement attentiste de la police quand des agressions sont déclarées”.