De plus en plus de dentistes sortent des tarifs de la convention: “On va vers une offre de soins pour les riches et une autre pour les pauvres”
En Belgique, une personne sur deux doit renoncer à se rendre régulièrement chez le dentiste pour des raisons financières. Face à ce constat, Médecins du Monde lance une campagne et une pétition pour des soins dentaires plus abordables.
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Publié le 20-03-2023 à 18h08
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En Belgique, une personne sur deux doit renoncer à se rendre régulièrement chez le dentiste, notamment pour des raisons financières. C’est le constat interpellant effectué par Médecins du Monde, qui propose des soins dentaires aux personnes les plus vulnérables à Bruxelles et à Anvers, et qui lance ce lundi sa campagne pour des soins dentaires plus abordables.
Dans le viseur de l’ONG, la part du ticket modérateur, c’est-à-dire la partie de la facture qui reste à la charge du patient après l’intervention de la mutuelle et qui est particulièrement élevée en Belgique. “En moyenne, les Belges paient de leur poche 57 % des honoraires du dentiste, contre seulement 20 à 25 % aux Pays-Bas ou en Allemagne, dénonce l’organisme. Le placement de couronnes est par exemple entièrement à la charge du patient ou de la patiente, car considéré comme un choix esthétique. Quant aux prothèses amovibles (dentiers), elles sont certes partiellement remboursées après 50 ans. Mais qui opte encore pour cette solution alors que les couronnes constituent une bien meilleure alternative ? Quant aux coûts d’un appareil dentaire, cela peut aller jusqu’à 5 000 euros, le remboursement de la mutuelle étant d’environ 500 euros”.
"Le gouvernement adopte une attitude responsable"
D’après l’enquête, les difficultés financières jouent un rôle important : les personnes en situation de précarité ont en effet jusqu’à 70 % de probabilité en plus de ne pas consulter un dentiste pendant trois années consécutives. “Quand on mène des enquêtes basées sur les déclarations des patients concernant le renoncement aux soins, il s’agit souvent de couronnes ou d’implant qui ne sont pas remboursés, souligne Michel Devriese, président de la Société de Médecine dentaire. Ce sont des soins coûteux et c’est pour cela qu’il faut accorder plus de moyens à la politique de prévention. La population précarisée et fragilisée sur le plan socio-économique est celle qui est la plus concernée par le report et le renoncement des soins. Face à cette situation, nous voulons étendre la gratuité des soins dentaires à 23 ans contre 18 ans actuellement en Belgique”.
La proportion de dentistes conventionnés diminue
L’autre crainte de Médecins du Monde, c’est le déconventionnement progressif des dentistes sur le territoire national. D’après la Société de Médecine dentaire belge, 60 % des dentistes belges pratiquent des honoraires plafonnés. Il est donc de plus en plus difficile de trouver un dentiste dispensant des soins dentaires à un prix abordable.
“Le ministre de la santé et les parlementaires se sont montrés très maladroits vis-à-vis des dentistes conventionnés et n’ont pas de politique très claire en la matière, il n’y a d’ailleurs pas de processus de concertation avec la profession, regrette-t-il. On demande une réforme du système de convention depuis 5 ou 6 ans car le système est sous pression. En Belgique, le patient dispose de 95 euros de budget d’ayant droit par an et par habitant, d’après l’INAMI. C’est un budget étriqué sachant qu’avec ça, il faut faire des prothèses, des soins de carie, des détartrages, etc. Face à ce constat et pour augmenter le budget des soins dentaires, on a donc inventé un système de flexibilité, on a déterminé auprès de l’INAMI une série de pseudo-codes à proposer aux patients pour donner des complémentés à charge du patient mais avec de tarifs maximaux, sachant que les statuts BIM sont immunisés. Le problème, c’est que le ministre a mis les parlementaires sous pression pour que ce système cesse d’exister. Cela a pour conséquence un rejet de la convention, c’est une attitude irresponsable. D’après nous, il faut éviter tout système binaire, sinon cela va entraîner une médecine de riche et une médecine pour les pauvres, ce que nous voulons éviter”.
Avec Dented, une entreprise fictive qui vend des prothèses dentaires de seconde main, l’ONG a alors imaginé un scénario absurde où les soins dentaires sont devenus si chers qu’on est tenté de se tourner vers des prothèses d’occasion. En parallèle, Médecins du Monde lance une pétition pour attirer l’attention sur l’importance de soins dentaires plus abordables pour toutes et tous, et appelle à l’élaboration d’une politique visant à inciter les dentistes à se conventionner ainsi qu’à un meilleur remboursement des soins dentaires.
“Malgré le premier rendez-vous gratuit annuellement et l’offre de soins suffisante quantitativement parlant en Belgique, il reste des personnes qui ne se rendent pas chez le dentiste ou attendent la dernière minute. Tout le monde n’est pas dans la logique préventive, surtout qu’il y a de gros problèmes alimentaires dans la population, notamment par rapport aux boissons sucrées, à la malbouffe et au manque d’hygiène qui peut également avoir des conséquences”, conclut Michel Devriese.