La longueur de la crise sanitaire peut enrayer le bien-être des couples: "l’intimité et la sexualité deviennent secondaires"
Si le confinement a mis à mal la parentalité du couple, la longueur de la crise pourrait bien enrayer son bien-être conjugal et intime.
Publié le 26-10-2020 à 10h30 - Mis à jour le 28-10-2020 à 12h05
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Aujourd’hui, alors que la crise du Covid-19 se fait à nouveau omniprésente et les réponses politiques incompréhensibles, le stress des individus est passé de " aigu lors du confinement : on y voyait une situation de l’ordre du court terme, à chronique : on est dans une situation de perte de maîtrise, dans une nécessité d’adaptabilité continuelle usante ", explique Marie Géonet, docteur en psychologie, directrice de recherche HE Vinci et chargée de cours UCLouvain.
Ce qui a et aura des répercussions sur les couples. Aujourd’hui, nous savons déjà que le confinement a joué un rôle sur ceux-ci. La psychologue avance quelques chiffres, tirés d’une étude initiée par l’UMons à laquelle elle participe. " 12,2 % des couples étaient en détresse conjugale durant le confinement, 27,7 % avaient des difficultés de résolution de conflits et 4,4 % présentaient des comportements agressifs dans le couple, ces chiffres restant inférieurs aux chiffres habituels. Enfin, 8,2 % présentaient des conflits massifs quant à l’éducation des enfants. Soit davantage que les chiffres habituels ." Stupeur sociétale, angoisse individuelle, parentalité au bord de la crise de nerfs, partage des tâches domestiques et du "care" déséquilibré en défaveur de la femme : la situation était déjà tendue… Et la conjugalité pourrait vaciller encore davantage au vu de la longueur de la crise.
"Car faire face ensemble devant un stress, cela nécessite de bien s’ajuster l’un à l’autre", souligne la psychologue.
Faire face ensemble, c’est quoi ? Ce n’est certainement pas réinventer un couple, qui a son histoire, mais c’est surtout "s’épauler, être dans le dialogue, faire preuve d’indulgence", se laisser et laisser à l’autre une sphère personnelle. "Au plus on limite les gens, au moins on laisse de la place pour l’individualité. Or, prendre soin de soi, c’est une composante du couple."
Et la sexualité dans tout ça, comment se vit-elle dans ces conditions de vie particulières ? C’est l’objet de la deuxième étude inédite qu’elle a initiée, "qui fait le focus sur la conjugalité, la sexualité et l’intimité du couple". " Si pour certains, c’est matière à rapprochement, pour d’autres, l’intimité et la sexualité deviennent secondaires, faute de disponibilité, d’espace mental ." Cela dit, une baisse de libido est vraiment normale dans ce climat anxiogène, rassure-t-elle. À l’inverse, " les couples qui vivent une sexualité satisfaisante en retireront du positif sur leur bien-être psychologique". Une façon de prendre soin de soi, de l’autre et de son couple…
Ces besoins du couple si souvent incompris
Pour la sexologue Marie Tapernoux, le couple est comme une personne à part entière à qui l’on doit donner de l’attention.
Dans un couple, il y a deux partenaires et… le couple ! Et dans celui-ci, il y a la conjugalité, la parentalité souvent, l’intimité et la sexualité. Cela fait beaucoup de monde tout ça, d’autant plus que les stimuli externes jouent aussi un rôle ! Et c’est peut-être pour cela que, lorsque ça coince, on ne sait trop par quelle lorgnette y regarder de plus près. La sexologue Marie Tapernoux reçoit de plus en plus de couples depuis le mois de mai, et elle constate que ses thérapies prennent plus de temps, parce que la sphère sociale s’est rétrécie et que la dynamique de couple tourne beaucoup entre quatre murs. Si près, mais si loin : dans la majorité des cas, le couple est en manque “d’attention, de temps, d’espace, de douceur mais aussi d’intensité. Car le couple a des besoins”.
Le premier des besoins est certainement le dialogue, l’échange. “Ces moments où l’on se connecte par la parole. C’est alors l’occasion de valoriser l’autre ou de le soutenir par les mots également.” Mais il y a aussi un besoin de contacts physiques, de tendresse par le toucher, “ces gestes qui font du bien et qui montrent que l’on n’est pas deux colocataires ou deux amis qui partagent un quotidien”. L’entité couple sera particulièrement réceptive aux surprises sans occasion,“qui permettent de sentir que les deux partenaires tiennent l’un à l’autre”. Et puis, comme le souligne la spécialiste, “les moments à deux sont nécessaires pour l’épanouissement : sans écran, sans enfants, sans famille et sans amis autour pour ressentir la qualité de la relation à deux”.
Rajoutons à cela “la prévenance l’un envers l’autre”, soit être attentif l’un à l’autre : tâches ménagères, enfants, écoute : on en met partout !
“Ces 5 grandes catégories de besoins permettent de prendre soin de son couple, s’assurer que ce dernier ait suffisamment de nourriture affective pour être épanoui et, du coup, réceptif aux connexions intimes, sensuelles et sexuelles.”
À défaut, le couple envoie alors des messages, résume-t-elle : des tensions, des frustrations, de moins en moins d’attentions en mots, en gestes, en choses. “Or, l’autre ne veut-il vraiment plus faire d’efforts ? Et vous ? Car je vous promets, c’est comme le 6 = 9 : selon le point de vue on voit les choses différemment.”
Dans la situation actuelle, il est toutefois important de mettre les choses dans leur contexte : “vivre une période difficile risque bien entendu d’intensifier ces signaux. Sont-ce des failles pour autant ?” En parler, c’est la seule solution d’y voir plus clair.