Anti-avortement : "la menace est sérieuse"
Ces dernières années, les groupes militant contre l’avortement se sont multipliés dans notre pays.
Publié le 11-03-2017 à 10h05
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Ces dernières années, les groupes militant contre l’avortement se sont multipliés dans notre pays. Depuis le 3 avril 1990, la loi Lallemand-Michielsens autorise l’avortement sous certaines conditions en Belgique. L’IVG doit avoir lieu avant la fin de la douzième semaine de la conception et se dérouler dans un centre hospitalier ou extra-hospitalier pratiquant l’avortement et disposant d’un service d’accueil et d’information. Pourtant, 27 ans plus tard, le droit à l’avortement ne fait toujours pas l’unanimité. La Belgique voit se multiplier sur son territoire des groupes souhaitant remettre en question le droit à l’avortement. C’est ce que rapportent notamment le Centre d’action laïque et plusieurs plannings familiaux. "On a vu une évolution ces cinq dernières années en Belgique en matière d’avortement. On sent un retour à un certain discours moralisateur" , constate Julie Papazoglou, juriste au Centre d’action laïque.
Cet ensemble de groupes, parfois qualifié de nébuleuse, a développé des techniques variées pour compliquer l’accès à l’avortement. Parmi elles, des sites internet se présentant comme des plateformes d’information neutres, mais dont l’ objectif est de dissuader les femmes de passer à l’acte. En France, ces sites ont été condamnés par une loi récente instituant un "délit d’entrave à l’avortement".
D’après le Centre d’action laïque, un autre outil privilégié par ces groupes est d’inciter les médecins et infirmiers à invoquer la clause de conscience pour refuser de pratiquer ou de concourir à des IVG. "La loi sur l’avortement indique qu’aucun médecin, aucun infirmier ou infirmière, aucun auxiliaire médical n’est tenu de concourir à une interruption de grossesse. On n’est pas contre la clause de conscience. Le problème, c’est quand c’est institutionnalisé à des établissements médicaux entiers. En Italie, 80 % des médecins opposent leur clause de conscience. Dans certaines régions il n’y a plus moyen de se faire avorter" , explique Julie Papazoglou.
Certains militants anti-IVG n’hésitent pas à aller à la rencontre d’étudiants en formation médicale ou paramédicale. C’est le cas de Carine Brochier, responsable de l’Institut européen de bioéthique. Elle nous confie aller à la rencontre d’étudiantes sages-femmes pour les informer sur leur droit de ne pas pratiquer d’IVG. "L’avortement, c’est quelque chose de grave, c’est quand même un enfant qui ne verra pas le jour ! Les médecins se sentent mal de devoir accomplir un acte qui blesse la femme. Ils ne sont pas faits pour donner la mort. Quand on dit que l’avortement c’est la liberté de la femme, je me pose des questions. La liberté d’avorter est vue comme le pilier du féminisme, mais ce n’est pas ça la liberté ! La question que les politiques et féministes devraient se poser, c’est de trouver un moyen de réduire le nombre d’avortements."
Interrogée au sujet de ces groupes, la députée PS Laurette Onkelinx (voir ci-dessous) a parlé de "menace sérieuse" .
"Les gynécologues ne sont pas suffisamment formés"
En Belgique, il n’y a qu’une université qui permet aux médecins de se spécialiser dans la pratique d’avortements
En Belgique, seule une faculté universitaire dispense un cursus destiné aux médecins souhaitant exercer en planning familial. Il s’agit de la faculté de médecine générale de l’Université libre de Bruxelles. Cette formation a été lancée il y a dix ans, à l'initiative de Dominique Roynet, médecin historiquement engagée dans la lutte pour le droit à l’avortement. Elle craignait que la pénurie de médecins ne constitue un frein à l’accès à l’IVG dans notre pays.
"L’avortement n’intéresse pas grand monde. C’est un acte difficile. Ce n’est pas quelque chose qu’on fait en solo. Il faut s’intégrer dans un planning familial, c’est assez contraignant", explique-t-elle.
"Il y a dix ans, quand l’ULB a commencé à donner cette formation, la moyenne d’âge des généralistes était de plus de 55 ans. Il y avait urgence à former des médecins qui pourraient prendre la relève."
En Belgique, 80 % des avortements sont pratiqués par des généralistes. Le dernier recensement, qui date d’il y a quatre ou cinq ans, montre que la grande majorité des avortements sont pratiqués dans des planning familiaux, par des généralistes, d’où l’importance d’une formation spécifique. "Les gynécologues ne pratiquent jamais d’IVG. Ils peuvent techniquement mais ils ne le font pas. Ils sont très mal formés", estime Dominique Roynet .
Chaque année , la faculté de médecine générale forme ainsi quatre ou cinq médecins spécialisés.
D’après le Centre d’action laïque, un cursus similaire à celui de l’ULB devrait bientôt voir le jour à l’Université de Liège. En Flandre, aucune formation de ce genre n’existe. D’après Dominique Roynet, l’absence de médecins néerlandophones spécialisés dans la pratique d’IVG pousse de nombreuses femmes enceintes à se rendre chaque année aux Pays-Bas pour se faire avorter.