Utah Beach, la clé du débarquement
Un Mook réalisé par des historiens belges permet de revivre la bataille de Normandie depuis le 6 juin jusqu’à la prise de Cherbourg.
/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/A2RXMDAKLNBWLCZKYU6OOG6HDA.jpg)
Publié le 09-06-2019 à 12h57 - Mis à jour le 09-06-2019 à 12h58
:focal(320x167.5:330x157.5)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/GNS3VY37HZFPBFPHQPTKXG4BR4.jpg)
Un Mook réalisé par des historiens belges permet de revivre la bataille de Normandie depuis le 6 juin jusqu’à la prise de Cherbourg. Avec le 75e anniversaire du débarquement fleurissent les ouvrages historiques commémorant l’événement. Dans cette abondance littéraire, un Mook vient de paraître aux Editions Weyrich. Son titre : Normandie, Utah, la plage stratégique.
Un Mook, comme on le sait, est un produit hybride qui tient à la fois du livre (book) et du magazine (M).
Celui-ci tient à première vue davantage d’un livre à part entière mais il est parsemé de petits encarts consacrés à des points de détail de la bataille, qui rendent la lecture plus légère, à la manière d’un magazine.
Il est l’œuvre de chercheurs franco-belges parmi lesquels trois docteurs en histoire et deux doctorants. Une véritable équipe de choc d’une compétence très élevée. "Il s’agit d’une nouvelle génération d’historiens exempts de tout esprit de rancœur à l’égard des Allemands", expose Hugues Wenkin, l’un de ces chercheurs.
Par conséquent, l’histoire n’est pas décrite avec les bons d’un côté, les gentils de l’autre. Ainsi, lors de la bataille pour Carentan, il est mentionné que des Américains achèvent sans pitié des combattants allemands blessés ou souhaitant se rendre.
Utah Beah a été la plage la plus à l’ouest de la zone de débarquement, située dans le secteur américain. Son rôle a été décisif puisque l’avance rapide des alliés a permis de couper en deux la pointe du Cotentin et de partir ensuite à la conquête de Cherbourg.
La ville fut défendue vaillamment par la garnison allemande et lorsque les alliés s’en emparèrent, ils ne trouvèrent qu’un champ de ruines. Ils avaient tout de même réussi leur premier objectif stratégique qui était de s’emparer d’un grand port.
Le travail de nos chercheurs se démarque des ouvrages traditionnels en ce sens qu’ils ne tentent pas de résumer la bataille en quelques centaines de pages.
Ils découpent plutôt l’événement en différents chapitres qui permettent de mieux comprendre l’atmosphère de l’époque.
D’abord en rappelant les autres champs de bataille dans le monde, aussi lointains que la Birmanie ou le Pacifique.
Jean-Paul Marthoz explique comment la population s’informait essentiellement grâce aux actualités cinématographiques. Il retrace également le travail indispensable et périlleux des correspondants de presse.
Sur les opérations proprement dites, Hugues Wenkin s’attache à la logistique, indispensable à la victoire. Or, la destruction de Cherbourg provoqua de graves retards dans l’approvisionnement qui empêcha sans doute les alliés de gagner la guerre dès septembre 1944.
Daniel Ruelens fait revivre pour sa part la bataille de Carentan qui occupa une place centrale dans le dispositif américain.
Des historiens français précisent le rôle des Français qui ne se limita pas au commando Kieffer mais se manifesta avec la 2e DB du général Leclerc et même sur mer grâce à des navires sortis des arsenaux britanniques. Les Belges ne sont pas oubliés avec le témoignage d’un ancien de la brigade Piron.
Une présentation dynamique permet de feuilleter les pages en fonction de ses centres d’intérêt personnels et de passer certains chapitres quitte à y revenir par la suite.
Cet ouvrage riche et passionnant a le mérite de dépoussiérer une page d’histoire vieille de 75 ans et de la rendre au contraire plus actuelle et passionnante que jamais.

Hugues Wenkin ne fait pas de l’histoire en chambre
Son équipe préfère se documenter aux sources plutôt que de reprendre ce qui a déjà été écrit.
Ingénieur commercial de formation, Hugues Wenkin, 47 ans, s’est laissé séduire par Clio voici quelques années. Rien d’étonnant pour ce fils de militaire, né en Allemagne et tombé dans l’arme blindée quand il était petit.
Aujourd’hui, il poursuit une formation en histoire à l’Université de Namur tout en collaborant aux magazines Batailles et Blindés et Ligne de front. Il est l’auteur de quinze livres et de nombreux articles dont la série "Les témoins d’acier", "Rommel, En pointe du Blitzkrieg, de l’Ardenne à la Manche…"
Les ouvrages sur le Débarquement ne manquent pas. Qu’est-ce que ce mook apporte de plus ?
"La plupart des livres et magazines se bornent à puiser dans les ouvrages déjà parus. Cela aboutit à des produits formatés. Notre méthode de travail est différente. Nous faisons des recherches en allant nous documenter par exemple dans les archives à Londres et à Washington. Avec le temps, nous avons accès à des sources déclassifiées et cela permet de raconter la bataille sous un jour différent. Un autre point qui nous distingue est que les revues militaires sont souvent achetées par un public de droite voire d’extrême droite. Nous nous efforçons de ne pas avoir de vision politique."
Qu’est-ce qu’un spécialiste comme vous peut encore apprendre de neuf ?
"J’ai découvert que lors de la bataille de Cherbourg, les Anglais avaient intercepté les communications allemandes. C’est comme ça que Churchill était au courant de ce qui se passait dans la ville un jour plus tôt que Hitler. J’ai eu aussi accès à des rapports de combat jamais publiés relatant une pagaille incroyable dans les lignes américaines le jour du débarquement. Les pilotes étaient mal entraînés et avaient largué les paras dans une zone beaucoup plus vaste que prévue."
Pourquoi se limiter à la seule plage d’Utah Beach ?
"Outre l’importante stratégique d’Utah Beah pour les suites de la bataille, on ne peut plus se permettre aujourd’hui d’être exhaustif. La multiplication des sources nous oblige à réduire notre champ d’action. Ce n’est plus comme du temps de Cornelius Ryan qui a pu raconter tout le débarquement dans "Le jour le plus long" parce qu’il se basait uniquement sur des témoignages. Ou alors on en arrive à un énorme bouquin de 600 pages comme ceux d’Antony Beevor."
Quelles sont vos prochaines publications prévues.
"Ce numéro sur Utah est le numéro 2 après celui sur Bastogne. Nous allons publier en septembre un numéro sur la bataille des Ardennes puis un autre l’an prochain sur la fin du Reich."
Vous parlez beaucoup de la guerre à l’Ouest. Pourquoi pas du front de l’Est ?
"D’abord parce que l’accès aux sources est beaucoup plus compliqué. Ensuite, parce que ça n’intéresse pas notre public. Notez que c’est pareil pour l’invasion de mai 1940. C’est de loin la bataille de Normandie et celle des Ardennes qui captivent nos lecteurs."
"Normandie : Utah, la plage stratégique", éditions Weyrich, 228 pages, 20 euros