Une médiation plutôt que le tribunal dans le cas de rapts parentaux? "J'aboutis à un accord dans 85% des cas"
Les médiateurs internationaux permettent d’aboutir à un accord entre les deux parents en évitant le pugilat judiciaire.
Publié le 12-10-2020 à 11h43 - Mis à jour le 12-10-2020 à 12h17
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En épousant Michel (*), fonctionnaire à la Commission européenne, Sofia (*) a quitté sa famille et est venue vivre à Bruxelles. Mais l’aventure tourne au fiasco. Sans prévenir, la maman finira par repartir vivre, avec leur enfant, à Athènes.
Le papa aurait pu faire agir les tribunaux. Il a heureusement opté pour une solution plus soft et plus rapide en contactant Child Focus et en actionnant une demande de médiation. "L’expérience des tribunaux peut être traumatisante pour les enfants, qui se sentent coincés entre deux parents impliqués dans une bataille juridique", décrit Hilde Demarré, conseillère politique "Disparitions d’enfants" chez Child Focus. "La médiation familiale internationale s’avère plus efficace et moins conflictuelle. Elle tient compte des demandes des parents et veille à l’intérêt de l’enfant."
Cette voie existe depuis 2012. Elle peut même être activée à titre préventif, lorsqu’un parent craint un enlèvement. En Belgique, il y a huit médiateurs, intégrés dans un réseau de 200 homologues internationaux, dont le modèle d’intervention a été conceptualisé par l’association belge.
C’est Evelyne Meissirel, avocate spécialisée dans la prévention et la résolution de conflits, qui a accompagné Michel dans ses démarches. "Dans trois quarts des cas, les enfants enlevés ont moins de 10 ans. Dans 72 % des cas, ce sont des femmes qui en sont l’auteur, explique-t-elle. Ce sont des mères qui ont suivi leur mari dans le pays où celui-ci travaille. Elles ont le mal du pays, leur famille leur manque. Ou tout simplement elles veulent divorcer. Et là, elles se retrouvent dans un rapport de force en leur défaveur, dans un pays qui n’est pas le leur, avec une langue qu’elles ne maîtrisent pas et un revenu faible, voire absent. Le réflexe naturel est alors de retrouver un cocon sécurisant, la famille d’origine en l’occurrence."
Après prise de contact avec les autorités locales, Michel et Evelyne Meissirel décollent pour Athènes. En amont, Sofia a accepté de tenter la médiation. "Si la personne refuse, on peut lui expliquer les risques d’une procédure judiciaire. Ici, le mari aurait eu gain de cause."
Sur place, Sofia est accompagnée d’un médiateur local. "On avance plus vite lorsque le plaignant se déplace et pas la personne qui a commis l’enlèvement. En outre, on ne court pas le risque de culpabiliser cette dernière en la contraignant au déplacement. Cela donne aussi l’opportunité au parent plaignant de revoir l’enfant", détaille l’avocate.
En trois jours, la médiation aboutit. Michel accepte que l’enfant reste à Athènes mais obtient la garde partagée ainsi que l’hébergement un week-end sur trois et les trois quarts des vacances scolaires. L’accord est signé. Il aura force de loi après l’homologation d’un juge.
Dans 70 % des cas, la médiation aboutit à un accord (total ou partiel). Dans le cas contraire, c’est la justice qui reprend le relais. "Seuls 9 % des enlèvements font l’objet d’une demande de médiation. C’est peu, au regard de son efficacité, déplore Hilde Demarré. Heureusement, dans deux ans, les juges de la famille seront obligés de proposer une telle procédure."
La médiation est applicable dans tous les pays qui ont signé la convention de La Haye. Avec les autres , des conventions bilatérales sont possibles : "Avec les pays africains, c’est plus compliqué", admet Hilde Demarré.
(*) prénoms d’emprunt
Pas de recrudescence depuis la fin du confinement
En 2019, Child Focus a traité 478 dossiers de rapts parentaux internationaux, dont 216 nouveaux. Les pays de destination les plus répertoriés sont, dans l’ordre, la France, l’Espagne, le Maroc et la Turquie. Plus de la moitié des cas (61%) sont intra-européens." En raison du fait qu’ils nécessitent un traitement de plus en plus long, entre 1,5 et 2 ans, le nombre de dossiers traités par Child Focus augmente d’année en année. Cette année encore, de 10 % environ. La durée moyenne du traitement du dossier est comprise entre 1,5 et 2 ans. C’est pourquoi nous conseillons la médiation, plus rapide et moins coûteuse", explique Stephan Smets, directeur de la communication.
Cette année, le nombre de nouveaux dossiers a très fortement diminué pendant la période de confinement. "Les frontières ont été fermées, nous avons ouvert moins de la moitié du nombre de dossiers durant cette période par rapport à 2019. Nous avons tout de même ouvert 118 nouveaux dossiers, dont un peu plus de la moitié a déjà pu être clôturée." Le 8 juin, Child Focus avait communiqué ses craintes quant à une recrudescence après le confinement. "Nous n’en sommes pas encore là. Le nombre de nouveaux dossiers est revenu au niveau précédent. De nombreux vols internationaux n’ont pas repris."