25 % à Farciennes, 24,5 % à Liège, 21,9 % à Molenbeek… : comment expliquer ces chiffres affolants du chômage en Wallonie et à Bruxelles
Dans certaines communes, une personne active sur quatre est demandeuse d’emploi !
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Publié le 09-03-2023 à 06h39 - Mis à jour le 09-03-2023 à 09h54
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Les courbes sont affolantes et feraient presque pâlir de peur les meilleurs grimpeurs du Tour de France s’ils devaient gravir des cols d’une telle envergure durant la prochaine Grande Boucle : les chiffres du chômage, en Wallonie comme à Bruxelles, affichent des niveaux à la hausse ces derniers mois. La proportion de demandeurs d’emploi s’établissait encore, en février 2022, à 12,5 % de la population active en Wallonie et 14,9 % à Bruxelles. Un an plus tard, ce taux a respectivement progressé d’1,3 % et 0,4 % pour s’établir, début mars, à 13,8 % en Wallonie et 15,3 % pour l’ensemble de la région bruxelloise, selon les chiffres du Forem et d'Actiris. Avec des taux démentiels dans certaines villes comme Farciennes, Liège ou Charleroi où une personne active sur quatre est aujourd’hui au chômage.
La faute à la crise du covid, suivie par la crise énergétique qui ont plongé les finances de milliers d’entreprises dans le rouge, forçant ces dernières à cesser leurs activités ou à licencier du personnel pour éviter de devoir déclarer faillite. Résultat, rien qu’en Wallonie, on dénombre désormais près de 20.000 chômeurs supplémentaires par rapport à février 2022. “La Wallonie n’est pas restée les bras croisés en attendant que la tempête passe, indique-t-on au sein du cabinet de la ministre Morreale, en charge de l’Emploi. Des centaines de millions d’euros ont été injectés dans les entreprises pour limiter la casse sociale. Sans ces aides, les pertes d’emploi auraient sans doute été bien plus importantes.”
Pour juguler une hausse du chômage qui pourrait être désastreuse, des réformes ont été mises en place pour, entre autres, sécuriser les emplois APE, fournir aux demandeurs d’emploi en perdition administrative un meilleur accompagnement du Forem, ou encore en subsidiant les entreprises qui engagent et forment par elles-mêmes les personnes peu qualifiées. “Mais nous arrivons en bout de parcours”, indique le cabinet Morreale.
Entendez : ces initiatives s’attaquent aux symptômes mais ne traitent en rien la cause. Un peu comme un fumeur qui se fait soigner son cancer des poumons tout en continuant à fumer. “La clef pour lutter contre le chômage, c’est l’éducation, la formation”, assène Muriel Dejemeppe, professeure d’économie à l'UCLouvain.
Le chômage serait en effet le symptôme d’une problématique plus structurelle qui trouverait, entre autres, son origine dans le passé industriel de la Wallonie. “De manière générale, la Wallonie a fortement souffert de la désindustrialisation, poursuit Muriel Dejemeppe. Des milliers de personnes, peu qualifiées, ont perdu leur emploi lors de la fermeture des charbonnages et des cités minières. Ces personnes, qui ne disposaient alors que d’un revenu précaire, n’ont pas forcément su offrir une scolarité à leurs enfants qui aurait débouché sur un diplôme valorisable sur le marché du travail.”

Résultat, dans certaines communes, on atteint un taux de retard scolaire particulièrement important. Qui touche parfois près d’un élève sur quatre en secondaire. “Le retard scolaire ne se transmet pas de génération en génération mais les caractéristiques socio-économiques influencent la manière dont on s’élève socialement, indique Muriel Dejemeppe. Dans un environnement précaire, les possibilités de gravir l’ascenseur social se font plus rares.”
Avec un cercle vicieux puisque ces enfants devenus adultes se retrouvent aujourd’hui au chômage ou dans des emplois peu qualifiés et donc moins bien rémunérés. Or, les offres d’emploi nécessitant peu de qualification, autrefois pléthoriques, se sont raréfiées au profit d’emplois nécessitant une formation plus qualifiante, notamment universitaire.
Dépositaire du plus haut taux de chômage en Wallonie, Farciennes n’échappe pas à la règle, tout comme la plus grande partie des communes de la dorsale wallonne, au passé industriel certain. Avec un effet pervers : les habitants de ces communes précarisées sur le marché de l’emploi qui parviennent à trouver un travail bien rémunéré sont souvent enclins à quitter ces communes pour s’installer, en périphérie, dans des habitations plus grandes, favorisant les chiffres du chômage de la commune où ils résident aux dépens de celle où ils travaillent. À l’instar de Bruxelles qui pourvoit des milliers d’emplois dont une très grande partie est accaparée par des travailleurs flamands ou wallons. “C’est aussi pour cette raison pour laquelle les centres-villes sont souvent habités par une population plus précarisée.”
La Flandre, elle, serait moins touchée par le chômage (6 % seulement, deux fois moins qu’en Wallonie !) notamment parce qu’elle n’a pas eu à souffrir de la désindustrialisation. Et a pu jouir plus rapidement qu’ailleurs d’un niveau de scolarisation et de formation permettant aux élèves et étudiants d’être mieux valorisés sur le marché du travail, avec des profils qualifiés très recherchés. “Au final, rappelle Muriel Dejemeppe, tout passe par l’école pour casser les spirales générationnelles négatives. La clef, c’est l’éducation.”