“Fils de flic, fils de…”, “enfant de poulet”, ... : l’enfer des enfants de policiers, de plus en plus obligés de cacher le métier de leurs parents
Quand les enfants en viennent à devoir cacher le métier de papa ou maman à l’école…
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Publié le 17-03-2023 à 06h46
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”Assassin de la police. Ouais les gars, d’office, j’suis trop d’accord Enfin sauf papa bien sûr ! Fuck the police, sauf papa bien sûr…”. C’est par ce refrain que le Fils du commissaire, le célèbre rappeur et humoriste belge James Deano s’est fait connaître il y a 15 ans. “Enfants de flics, une jeunesse à l’ombre de l’uniforme”. Le mois dernier, nos confrères français du Parisien ont abordé ce sujet peu évoqué jusque là, des difficultés rencontrées par ces fils et filles de policiers, à travers cinq témoignages anonymes. Et chez nous, ces enfants nomment-ils fièrement la profession de leurs parents où la cachent-ils par crainte de représailles ?
Tout dépend clairement des écoles. La grande ville ou la campagne change fortement la donne. “Dans certains quartiers à Bruxelles, il est impossible pour un enfant de dire que papa ou maman est policier sans risquer de se faire insulter”, nous affirme un commissaire divisionnaire. “J’ai deux enfants, une fille de 11 ans et un garçon de 7 ans. Ni l’un, ni l’autre ne dit que papa est policier à l’école. On fait comme si mon métier n’existait pas. C’est moi qui leur ai demandé de le cacher à l’école parce que dans leur classe, certains aiment la police mais d’autres la diabolisent. Pour éviter qu’ils ne soient mêlés à des débats qui risquent de les faire souffrir, je ne veux pas qu’ils parlent de mon travail”, témoigne un autre policier de la zone Ouest de la capitale (Molenbeek).
”Maman est fonctionnaire. C’est tellement plus simple. Ma fille de 17 ans parle de mon travail depuis peu à ses amis. En primaires, elle l’a toujours caché. Mon fils de 7 ans, il le cache encore. Quand ils sont petits, c’est trop délicat. Certains nous voient comme des méchants, alors c’est mieux de les préserver des critiques des camarades”, assure une policière schaerbeekoise, fière de son métier tout en refusant de voir ses enfants suivre le même chemin. “Mon métier, c’est toute ma vie. Je me vois mal faire autre chose que de porter l’uniforme. Pas question par contre que mes enfants s’engagent plus tard dans la police. J’aurais trop peur pour eux et quand je vois comme nous sommes considérés par une grosse partie de la société, je ne voudrais pas que mes enfants subissent cela”.
Agent infiltré tout un temps, enquêteur aujourd’hui, Paul a lui, contraint ses enfants à garder le secret. “Pour leur sécurité, ils savaient que si on leur demandait le métier de papa, ils devaient répondre que je travaillais au ministère des Finances. Plus jeunes mes fils n’étaient pas spécialement faire de mon métier. Ados, ils avaient des amis qui ont tous subi un jour un test d’alcoolémie ou une arrestation un peu musclée. Devenus adultes, leur vision a complètement changé”.
”Mon fils est très heureux quand je viens le chercher à l’école. Il se vante de son papa mais il faut dire que nous vivons dans un petit village. J’imagine bien que ce n’est pas pareil dans toutes les écoles des grandes villes”, poursuit un inspecteur du Brabant wallon.
”On remarque avec les collègues que nous, les femmes policières, on craint davantage la réaction des camarades d’école de nos enfants. Une maman policière est trop souvent perçue comme plus fragile qu’un policier. Dans la tête des plus petits, c’est encore un métier typiquement masculin”.
”Fils de poulet. Traître, fils de… Les insultes ne manquent jamais dès que mon fils aborde le métier que je fais avec ses amis. Mais il est ado et appris à se défendre. Plus petit, il ne disait rien aux copains. Maintenant, il n’hésite pas à leur expliquer toutes les difficultés auxquelles son papa est confronté au quotidien sur le terrain. Je suis fier de lui parce qu’il n’a pas facile tous les jours”, nous confie ce membre de la police judiciaire fédérale de Bruxelles. Un quotidien d’insultes dans lequel Julie a baigné toute sa jeunesse. Harcelée sur les bancs de l’école, elle nous raconte son calvaire ci-contre.
Autrefois courantes, les visites de la police à l’école permettaient aux enfants de découvrir ce métier sous un autre jour. Ces opérations dites “Méga”, sont maintenues dans certains établissements scolaires mais tendent à disparaître, faute de moyens. “Les agents de quartier se rendaient régulièrement dans les écoles pour y présenter leur travail. La carence en personnel provoque un glissement de ces capacités humaines effectives dans les quartivers vers les sections d’interventions. Avec pour conséquence que ces agents ne savent plus se rendre dans les écoles. Cela génère aussi une méconnaissance de ce que font et sont réellement les policiers. Ce qui est préjudiciable à la sérénité de leurs enfants, surtout dans les villes. On peut intégrer ce problème aux violences globales faites aux policiers. Quand votre enfant rentre à la maison en se plaignant des moqueries subies à l’école à cause de votre travail, c’est une charge psychosociale du métier supplémentaire à porter. Et cette charge est déjà assez lourde à porter”, conclut le président du SLFP Police, Vincent Gilles.