Boulot porno dodo

Shame. Une plongée sexuelle sordide et pourtant captivante dans la solitude de nos sociétés

DRAME RÉSUMÉ. Élégant, poli, raffiné, séduisant, Brandon pourrait symboliser à lui seul les cadres trentenaires qui dominent le monde depuis leur bureau new-yorkais. Contrairement à sa sœur, qu’il héberge provisoirement chez lui, il possède son propre appartement. Tout lui sourit. Du moins, en apparence. Derrière la façade se cache une obsession dévastatrice. Il est accro au sexe. Surtout tarifé avec des prostituées ou via Internet, véritable paradis des fantasmes les plus dégradants. Ses pulsions sont insatiables. Sauf avec une vraie femme, lorsque des sentiments entrent en jeu.

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NOTRE AVIS. Ce sujet sulfureux, Steve McQueen a le bon goût de le traiter sans la moindre édulcoration hollywoodienne, sans glamour malvenu ni voyeurisme indécent. Devant sa caméra, le sexe est triste. Sordide le plus souvent. Il n’est pas là pour émoustiller, titiller les bas instincts, mais pour révéler la solitude profonde des êtres humains dans une société déshumanisée tellement vouée au travail et à l’argent qu’il ne reste plus la moindre place pour de vraies relations sentimentales. Alors, par facilité, et parce qu’il en a les moyens, Brandon se donne l’illusion d’acheter ce qu’il n’aura en fait jamais : l’amour. Mais sa vie se résume lamentablement à la formule Boulot, porno, dodo.

Après le formidable Hunger, Steve McQueen confirme un talent de réalisateur rare, capable de créer des ambiances glauques, de styliser juste ce qu’il faut chaque scène et de mener une histoire jusqu’au bout sans le moindre compromis. Et sans jugement moral.

À travers le portrait de cet homme tellement proche de ce que la pub nous vend comme faux idéal, il nous renvoie sans ménagement vers nos propres failles, les compromis avec la morale, la difficulté de résister aux envies de pouvoir sous toutes ses formes dans un monde qui glorifie la réussite sans se soucier du prix payé.

Cette claque, d’une extrême violence (même si tout paraît feutré à l’écran), chacun va la ressentir différemment. En fonction de son vécu, de son entourage. Mais le titre (honte, en français) résume bien ce film, porté par un des acteurs les plus impressionnants de sa génération, Michael Fassbender. Classe et sordide, fier et pourtant abîmé de l’intérieur, il joue de chacune des facettes de son personnage avec une justesse inouïe. Tout comme Carey Mulligan, elle aussi d’une subtilité étonnante.

Même s’il s’adresse à un public averti et absolument pas enfantin, en raison de la crudité des dialogues et de nombreuses scènes, Shame sera, à coup sûr, un des grands films de 2012. Préparez-vous à prendre une grande baffe.

Patrick Laurent

Shame

Drame psychologique et sexuel

Réalisé par Steve McQueen

Avec Michael Fassbender et Carey Mulligan

Durée 1h39

À travers les perversions sexuelles, c’est la solitude des grandes villes qui est mise en valeur.cinéart

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