Ils ont inventé l’amour
Publié le 24-03-2015 à 15h15
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Héloïse et Abélard n’étaient pas les amoureux que l’on croit. La preuve par un roman Des manuels d’histoire, on avait retenu l’image d’un couple légendaire, uni par un amour qui défiait le temps. Des Roméo et Juliette, des Tristan et Yseult… mais en vrai. On imaginait l’amour courtois, les jolis mots, un chaste baiser. Or, à en croire Jean Teulé - et les lettres que s’échangèrent les amants -, Héloïse et Abélard formèrent l’un des couples les plus bouillants qui furent. Ou, pour résumer l’affaire avec les mots de l’auteur, "ils baisaient comme des lapins". Ce que ce diable de Teulé s’emploie à nous décrire pendant cent cinquante pages (sur les plus de 300 que comporte son roman)… "Dans toutes les biographies sur Héloïse et Abélard, les historiens racontent dans le détail comment ils se rencontrent, après ils se débarrassent du sujet en disant Pendant un an et demi, ils vécurent des amours torrides, puis ils racontent toute la suite. Or, il se trouve que cette année-là les a marqués au fer rouge", dit-il. "Abélard y a laissé ses couilles et Héloïse y a laissé sa vie… Dans ses lettres à Abélard, Héloïse ne parle que de sexe. Pas de poésie ou de philosophie ! Ce qui a justifié que je puisse me lâcher comme ça, c’est qu’Abélard, dans une lettre de consolation à un ami, dit qu’avec Héloïse ils ont fait tout ce que deux corps pouvaient faire. Qu’ils ont exploré jusqu’aux dernières limites toutes les fantaisies."
Elle lui écrit effectivement des choses crues, alors qu’elle est abbesse et lui abbé !
"Oui. Elle écrit notamment Si je pouvais à nouveau ouvrir la bouche et laisser aller ma langue, ce ne serait pas pour me confesser. Là, je me suis dit que j’avais tous les droits ! Ça a été la grosse affaire de leur vie, alors plutôt qu’en faire une phrase, j’en ai fait 150 pages."
Du coup, on en apprend aussi beaucoup sur le vocabulaire fleuri de l’époque !
"J’ai cherché dans des essais d’historiens le langage de l’époque, j’ai lu beaucoup de livres sur la sexualité au Moyen Âge, j’ai cherché les mots qui veulent dire sexe masculin et féminin. Des expressions, aussi, comme Heurtebiller, pour dire Baiser. C’est là que j’ai appris que la sodomie était préconisée par les médecins… comme étant le meilleur moyen de contraception."
À vous lire, on se rend bien compte que vous l’aimez bien, Héloïse…
"Oh oui, qu’est-ce que j’aurais aimé la rencontrer, cette gonzesse. Elle avait instauré dans leur couple une doctrine que j’aime bien : tout ce que tu me fais, je te le fais et vice versa."
Mais il y a beaucoup plus que le sexe dans ce roman…
"Oui, je ne voulais pas raconter que ça. Abélard a été un religieux très gonflé : il cherchait la logique dans la religion, il a failli être condamné à mort, on a brûlé ses livres sur ordre du pape, puis il a été condamné au silence ! Quant à elle… elle avait mille ans d’avance !"
Interview > Isabelle Monnart
Jean Teulé, Héloïse, ouille !, Julliard