Bruno Solo fête les 20 ans de Caméra Café : “Aujourd’hui, les séries humoristiques sont lisses…”
De passage en Belgique, Bruno Solo revient sur le double anniversaire qu’il célèbre cette année sur le petit écran.
Publié le 07-03-2023 à 14h07
C’était un Bruno Solo tout sourire qui était en promotion dans les bureaux de la RTBF ce lundi. Le comédien révélé dans La Vérité si je mens avait une bonne raison de se réjouir puisqu’il fêtait le dixième anniversaire de Meurtres à…, la série d’unitaires policiers diffusés sur France 3 et La Une.
En 2013, c’est lui qui avait ouvert le bal en décrochant le premier rôle de Meurtres à Saint-Malo. Dix ans plus tard, il retrouve les terres bretonnes pour un numéro spécial, toujours dans la peau de l’adjudant-chef Éric Vautier. Un unitaire qui sera prochainement diffusé sur La Une. “Reprendre le personnage, c’est à la fois intéressant intellectuellement et physiquement pour un artiste. On se demande comment celui-ci a évolué”, explique-t-il avant de souligner les différences entre la décennie qui sépare les deux tournages. “À l’époque, c’était plus confortable de jouer parce qu’on avait plus de jours pour tourner. Aujourd’hui, on en a trois en moins. Les journées sont plus denses. Ça demande une fraîcheur physique et une concentration de tous les instants. Ma mémoire a besoin d’être plus souvent sollicitée que par le passé. L’effort était donc plus intense qu’il y a dix ans.”
Mais, cette année, Bruno Solo célèbre un deuxième anniversaire sur le petit écran, celui de Caméra Café, série humoristique qui fête ses 20 ans et dont le numéro hommage, Caméra Café, 20 ans déjà, a été diffusé sur M6. “C’était intéressant de voir comment Hervé (son personnage, NdlR), Jean-Claude (le personnage d’Yvan Le Bolloc'h, NdlR) et leur bande ont évolué et comment ils ont traversé les 20 dernières années avec l’arrivée des réseaux sociaux, Balance ton porc, #Me Too, les attentats de Paris, les Gilets jaunes, les bouleversements climatiques.”
Comment se sont passées les retrouvailles avec votre personnage ?
”C’était amusant. J’avais forcément plus de maîtrise que pour Meurtres à Saint-Malo parce que je produisais, réalisais et jouais dans Caméra Café. Je savais donc à peu près où j’allais.”
Avec plus de 3 millions de téléspectateurs sur M6, le retour de Caméra Café a été un franc succès. Mais l’humour en a choqué certains qui ont jugé le programme sexiste, homophobe et raciste.
”Aujourd’hui, on peut rire de tout mais on nous demande des comptes, chose qu’on ne nous demandait pas avant l’arrivée des réseaux sociaux. S’ils ont permis de libérer la parole sur des sujets très importants, ils véhiculent aussi la haine et les jugements hâtifs cachés derrière l’anonymat. Quand on traitait de sujets très touchy dans Caméra Café, c’était sous le couvert de l’humour et de la caricature. On n’y allait pas à moitié avec nos personnages monstrueux que sont Hervé et Jean-Claude. Il y avait sans aucun doute des gens qui le vivaient mal ou qui avaient envie de réagir parce qu’ils se sentaient blessés pour des raisons personnelles mais on retrouvait leur réaction dans un magazine télé et personne ne le voyait vraiment. Aujourd’hui, c’est un post qui va être repris par des centaines, voire des milliers de personnes. La journaliste qui a écrit que le programme était raciste, homophobe et sexiste a fait preuve de mauvaise foi, de malhonnêteté intellectuelle ou de bêtise. Comment ne pas comprendre qu’il y a du second degré au travers des personnages ?”
Peut-on moins se permettre à la télévision qu’au cinéma ou sur scène ?
”Oui clairement. Pour aller au cinéma ou voir un spectacle, les gens doivent payer leur place donc ils savent ce qu’ils vont voir. La télévision, c’est différent parce qu’elle rentre dans les salons. On nous demande donc de faire gaffe et d’avoir un humour plus édulcoré. Il y a de bonnes séries humoristiques aujourd’hui en télé mais elles sont lisses par rapport à ce qu’elles ont été.”
Pour ce film spécial 20 ans, M6 vous a mis des contraintes ?
”Au début, la chaîne nous a dit qu’on ne pouvait plus être aussi féroce aujourd’hui. On nous a demandé : ‘Vous n’allez quand même pas déconner sur les attentats de Paris ! ?’ On a répondu qu’on allait bien sûr le faire et qu’on allait y aller franco ! Mais on leur a aussi dit que s’il n’acceptait pas qu’on tourne les 20 ans de Caméra Café comme ça, on comprenait mais qu’on ne l’aurait pas fait. Je n’avais pas envie de le faire sous contrainte. Finalement, M6 a pris le risque et nous a donné carte blanche.”
L’envie de reprendre la quotidienne ne vous a pas effleuré l’esprit ?
” Non, on voulait un one-shot. Caméra Café, c’était très provocateur, sarcastique, rentre-dedans. On ne pourrait plus le faire comme ça. En quotidienne en tout cas… Il y a une telle pression aujourd’hui qu’on nous demanderait toujours de nous justifier. Si on le fait une fois, on doit le faire tout le temps et on est piégé. Les gens qui ont la flemme de se justifier préfèrent ne rien faire. Cela amène à une uniformisation de la pensée humoristique en télé.”