Indexation des salaires : pourquoi il ne faut pas se réjouir trop vite
On pourrait subir un retour de bâton lors de la déclaration fiscale de l’année 2023.
Publié le 21-02-2023 à 06h43 - Mis à jour le 21-02-2023 à 06h57
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Les salaires ont augmenté depuis le début de l’année grâce à un mécanisme typiquement belge, l’indexation des salaires. Si ce dispositif nous semble tout à fait naturel, il ne faut pas oublier que de nombreux pays ne l’appliquent pas, la majorité d’ailleurs. En fait, seuls Chypre et le Luxembourg disposent d’un système similaire. On peut donc s’en réjouir, même si ce système peut aussi réserver de mauvaises surprises. Explications.
La première crainte, c’est de devoir payer plus d’impôts. Car qui dit revenu à la hausse, peut vouloir dire également que certains travailleurs vont passer à la tranche d’imposition supérieure. La bonne nouvelle, c’est que ces tranches ont été indexées au début de cette année pour suivre la courbe de l’indexation des salaires. Cependant, ceux qui ont été indexés à plusieurs reprises en 2022 – comme c’est le cas pour certaines commissions paritaires ou la fonction publique – risque de devoir payer un peu plus d’impôts pour cet exercice d’imposition.
L’autre risque, c’est que les secrétariats sociaux ne fassent pas complètement leur travail. “Leur rôle est d’établir des fiches de salaire et d’y adapter les calculs, notamment en ce qui concerne le précompte professionnel. L’objectif est que ce précompte – qui est une sorte d’acompte – soit suffisant pour couvrir l’impôt final à payer, rappelle Emmanuel Denis, expert-comptable pour la société Comptactuel. Ce n’est jamais gai de devoir payer de l’impôt en fin d’année quand on est salarié et qu’on pensait avoir déjà été précompté suffisamment. Cette année, il sera important que les secrétariats sociaux s’adaptent à l’indexation pour éviter de mauvaises surprises.”
Il donne donc deux conseils – au choix – aux salariés qui ont été indexés. “Le premier conseil est de contacter son employeur et de lui demander une vérification du précompte professionnelle compte tenu de cette indexation, précise-t-il. Cela permettra de payer suffisamment et d’éviter les mauvaises surprises. L’autre conseil que je peux donner pour jouer la carte de la prudence, c’est de mettre de l’argent de côté tous les mois pour se protéger. Il ne faut pas oublier que payer trop de précompte professionnel, c’est jouer le rôle de banque pour l’État, en prêtant de l’argent qu’on récupère, mais sans intérêt.”
On parle là de quelques dizaines d’euros chaque mois, soit une partie de l’indexation. En contactant plusieurs employés indexés cette année, on s’est aussi rendu compte que certains patrons préfèrent jouer la carte de la prudence. “Notre comptable a dit à tout le monde de se méfier du retour de bâton et de mettre un peu d’argent de côté car les règles changeaient et que rien n’était encore clair. Selon ses calculs et ma situation personnelle, cela représente 70 à 80€ par mois”, confie l’un d’eux.
Le système de calcul du précompte professionnel change en 2023
De fait, il y a eu des changements au niveau de la fiscalité au début de l’année. Mais cela semble plutôt positif pour les travailleurs, a priori. “Le précompte professionnel est déterminé en fonction de barèmes, eux-mêmes établis chaque année sur base de tranches d’imposition. Chaque année, il y avait donc un nouveau barème professionnel publié au Moniteur belge. Jusqu’à présent, ces barèmes annuels se présentaient de manière spécifique, par tranches de 15€ imposables. Pour chaque tranche, il y avait un précompte applicable différent. En fonction de l’imposable du travailleur, quand un revenu se situait entre deux tranches de 15€, on prenait la tranche inférieure et on y appliquait le précompte correspondant, explique Isabelle Caluwaerts, Legal Expert chez Partena Professional. Ce système avait ses inconvénients : en passant d’une tranche d’imposition à une supérieure, il était possible que le travailleur perçoive un salaire net moins important. Le but du nouveau système, plus progressif introduit par le ministre des Finances est d’éviter qu’en cas d’augmentation de salaire brut (suite par exemple à une indexation), celle-ci ne résulte en un salaire net inférieur. Les barèmes ne seront donc plus structurés par tranches de 15€, mais à chaque montant d’imposable réellement perçu correspondra un précompte spécifique.”
Et l’experte d’évoquer un exemple concret. “Par exemple, dans l’ancien système, un travailleur (marié avec un enfant à charge) touchant un salaire brut de 3.500€ se voyait retenir un précompte de 755€. Avec une augmentation de 5€ brut, le précompte passait à 763€, l’augmentation de précompte étant plus conséquente que l’augmentation du brut, la conséquence était une diminution du salaire net du travailleur de 3€. Avec le nouveau système, ce type de situation sera évité”, détaille-t-elle.
La théorie est donc rassurante, reste à la confirmer en pratique.